Le décret n° 2025-393 du 30 avril 2025 marque une étape importante pour les agents des chambres consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat, chambres d’agriculture). Ce texte réforme en effet leur Compte personnel de formation (CPF) et leur Compte d’engagement citoyen (CEC) afin de les aligner sur le régime de droit commun. Publié au Journal officiel du 2 mai 2025, il applique aux agents publics consulaires la réforme de 2018 sur la formation professionnelle, en particulier la monétisation du CPF jusqu’ici comptabilisé en heures. L’objectif affiché est une harmonisation avec le Code du travail, tout en prenant en compte les spécificités statutaires de ces agents publics. Quelles sont les origines de cette réforme, ses principales dispositions et leurs impacts concrets ? Tour d’horizon clair et pédagogique de ce changement attendu.
Contexte : du DIF au CPF dans les réseaux consulaires
Pour bien comprendre la réforme, il faut remonter à l’historique des droits à la formation des agents consulaires. Le droit individuel à la formation (DIF) avait initialement été créé en 2004 pour les salariés du public et du privé. En 2017, dans le prolongement de la loi Travail de 2016, le Compte personnel de formation (CPF) a remplacé le DIF dans la fonction publique. Les agents des chambres consulaires, bien que n’étant ni fonctionnaires d’État, ni territoriaux, ni hospitaliers, ont également été intégrés dans ce nouveau dispositif via une ordonnance et un décret spécifiques. L’ordonnance n° 2017-43 du 19 janvier 2017 a étendu le compte personnel d’activité (CPA) – incluant le CPF et le CEC – à différents agents publics dont ceux des chambres consulaires. Pour mettre en œuvre cette ordonnance, un décret n° 2017-1872 du 29 décembre 2017 a précisé les modalités du CPF pour les personnels des CCI, CMA et chambres d’agriculture.
Ce décret de 2017 a calqué le CPF consulaire sur le régime du CPF public alors en vigueur. Concrètement, chaque agent consulaire disposait d’un compte en heures de formation crédité chaque année. De 2017 à 2019, l’alimentation suivait le rythme de 24 heures par an (jusqu’à 120h), puis 12h par an jusqu’au plafond de 150h, comme dans le privé avant 2018. À partir de 2020, la règle a été simplifiée en 25 heures par an pour un temps plein, plafonné à 150h, sans palier intermédiaire. Les agents les moins qualifiés (catégorie C sans diplôme supérieur au brevet) bénéficiaient de droits renforcés, doublés à 50 heures par an dans la limite de 400h. Ces droits CPF étaient attachés à la personne et conservés en cas de changement d’employeur au sein des réseaux consulaires.
En parallèle, le Compte d’engagement citoyen (CEC) a été créé en 2017 au titre du CPA. Ce compte recense les activités bénévoles ou de volontariat du titulaire, et octroie des heures de formation supplémentaires en reconnaissance de ces engagements. Par exemple, un bénévole ayant effectué 200 heures de volontariat dans l’année acquérait 20 heures de formation sur son CEC (plafonné à 60h) – désormais converties en 240 € par an, dans la limite de 720 € sur toute la carrière. Ces droits du CEC peuvent être utilisés pour financer des formations éligibles au CPF (ils s’ajoutent aux droits CPF classiques) ou des formations spécifiques liées à l’engagement citoyen. À noter que les droits CEC relèvent d’un financement public distinct : l’État prend en charge les formations financées par le CEC au titre du bénévolat associatif.
Jusqu’à la réforme de 2025, le CPF des agents consulaires fonctionnait donc sur un système en heures similaire à celui de la fonction publique. Chaque agent pouvait consulter son compteur d’heures sur la plateforme Mon Compte Formation (gérée par la Caisse des dépôts) en créant un compte avec son numéro de sécurité sociale. En revanche, l’utilisation de ces droits n’était pas aussi libre que dans le secteur privé : l’agent devait formuler une demande écrite de formation à son employeur en précisant son projet professionnel. La réalisation de la formation était subordonnée à l’accord de l’établissement employeur, qui fixait si besoin les modalités (prioritairement sur le temps de travail, avec maintien de la rémunération). De plus, les frais pédagogiques et éventuellement de déplacement étaient pris en charge par l’employeur public consulaire, éventuellement de manière plafonnée. En résumé, le CPF des agents des chambres était un droit ouvert depuis 2017, mais restait géré dans un cadre très encadré par l’employeur, sans monétisation directe.
De la loi de 2018 à la réforme de 2025 : pourquoi monétiser le CPF des agents consulaires ?
Le 5 septembre 2018, la loi dite « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » (loi 2018-771) a profondément réformé la formation professionnelle en France. Cette loi a notamment transformé le CPF des salariés du privé : à compter de 2019, le compte n’est plus alimenté en heures mais en euros. Le barème a été fixé à 500 € par an pour un salarié à temps plein, dans la limite de 5 000 € sur 10 ans, et à 800 € par an (plafond 8 000 €) pour un salarié peu qualifié. Ce changement visait à simplifier la gestion du CPF et à le rendre plus lisible, tout en finançant davantage de formations (500 € équivalant à environ 33h de formation à 15 €/h, soit un peu plus que les 24h annuelles précédentes).
La loi de 2018 prévoyait d’étendre cette monétisation à l’ensemble des actifs, y compris les agents publics. Toutefois, l’application aux trois fonctions publiques (État, territoriale, hospitalière) et aux agents consulaires nécessitait des textes réglementaires et des aménagements techniques spécifiques. L’article 44 de la loi de 2018 habilitait ainsi le gouvernement à adapter le CPF des agents publics des chambres consulaires. Le gouvernement a ratifié l’ordonnance de 2017 sur le CPA des agents consulaires dans cette même loi, posant le cadre légal pour une réforme ultérieure de leur CPF.
Plusieurs raisons expliquent que la traduction en euros du CPF consulaire n’intervienne qu’en 2025, soit près de 7 ans après la loi :
- Priorités et calendriers législatifs : après 2018, l’effort s’est concentré sur la mise en place du CPF monétisé pour les salariés du privé et les indépendants, ce qui a mobilisé d’importantes ressources (création de l’application MonCompteFormation, collecte des fonds par la Caisse des dépôts, etc.). La transposition pour le secteur public a avancé plus lentement. Ce n’est qu’à partir de 2020 que les agents publics ont pu, à titre transitoire, convertir manuellement leurs heures CPF en euros via un outil en ligne de la Caisse des dépôtsaefinfo.fr. La réforme structurelle pour les agents consulaires a nécessité davantage de concertations et d’arbitrages budgétaires.
- Adaptations techniques (DSN) : un élément clé a été la généralisation de la Déclaration sociale nominative (DSN) à tous les employeurs. La DSN est le flux de données mensuel utilisé notamment pour calculer les droits CPF des salariés. Or, les établissements consulaires, assimilés à des employeurs publics, n’étaient pas initialement soumis à la DSN comme les entreprises privées. Il a fallu intégrer progressivement ces employeurs dans le dispositif. La DSN a été étendue aux employeurs publics consulaires en 2022, rendant possible le calcul automatisé de leurs droits CPF par la plateforme. En clair, ce prérequis technique devait être en place pour que le CPF des agents consulaires puisse être alimenté en euros de manière fiable, sans déclaration manuelle. Le décret de 2025 « tire les conséquences » de cette évolution en s’appuyant sur la transmission automatisée des données de paie via DSN.
- Équité et cohérence juridique : laisser les agents consulaires avec un CPF en heures alors que tous les autres actifs (y compris les fonctionnaires d’État et territoriaux, depuis 2017, et monétisé pour les salariés privés depuis 2019) aurait fini par créer une inégalité difficile à justifier. En 2020, les agents publics civils ont uniformisé leurs droits à 25h/an (soit l’équivalent de 375 €)gobelins.fr, ce qui restait en deçà des 500 € annuels du privé. Les partenaires sociaux des réseaux consulaires revendiquaient un rattrapage afin que leurs agents ne soient pas les « oubliés » de la réforme de 2018. Le Ministère du Travail a donc inscrit à son agenda réglementaire cette régularisation des dispositions applicables au CPF des agents consulaires.
En somme, le décret d’avril 2025 survient pour mettre en conformité le droit applicable aux personnels des chambres consulaires avec l’esprit de la loi de 2018. Audrey Pérocheau, conseillère ministérielle en charge de la Formation professionnelle et des mutations économiques, a d’ailleurs souligné sur LinkedIn qu’il s’agissait d’« une réforme attendue qui achève l’alignement du CPF de tous les actifs, publics comme privés, sur un modèle unique en euros ». On comprend que l’enjeu est double : d’une part, simplifier et moderniser le CPF des 15 000 à 20 000 agents environ que comptent les réseaux consulaires en France, et d’autre part, renforcer leurs possibilités de formation tout au long de la vie, dans un contexte de transformations économiques où le développement des compétences est crucial.
Les dispositions clés du décret du 30 avril 2025
Le décret n° 2025-393 comporte relativement peu d’articles, mais ses effets sont significatifs. Voici les principaux changements et modalités qu’il introduit :
- Conversion des droits CPF en euros : c’est le point central de la réforme. Désormais, le compte CPF des agents consulaires est exprimé en euros et non plus en heures. Concrètement, les heures accumulées jusqu’alors sur le compte vont être converties financièrement. Le taux de conversion, déjà utilisé pour les passages public/privé, est de 15 € par heure de formation. Ainsi, un agent disposant par exemple de 120 heures sur son CPF verra son solde affiché passer à 1 800 €. La notice du décret souligne explicitement cette « traduction en euros des CPF, auparavant exprimés en heures ». À l’avenir, l’acquisition de droits se fera également en euros : on peut estimer que chaque année à temps complet, un agent consulaires gagnera 500 € de droits CPF par an (plafond 5 000 €), et 800 € par an (plafond 8 000 €) s’il est peu qualifié, par parallélisme avec le Code du travail. Ce point aligne enfin le niveau de droits des agents consulaires sur celui des salariés du privé, corrigeant l’écart qu’il y avait encore (25h ≈ 375 € contre 500 €).
- Alignement sur le Code du travail et “copier-coller” réglementaire : au-delà de la monétisation, le décret procède à un grand alignement des textes applicables. En pratique, il étend aux agents relevant de la loi de 1952 (statut des personnels administratifs des chambres consulaires) l’application de nombreuses dispositions réglementaires du Code du travail relatives au CPF et au CEC. Par exemple, les articles R. 6323-1 à R. 6323-8 du Code du travail – qui fixent les règles du CPF pour les salariés (alimentation annuelle, abondements, utilisation, etc.) – s’appliquent désormais aux agents consulaire. De même, les textes encadrant le CEC (articles D. 5151-11 à D. 5151-15 du Code du travail, etc.) leur sont rendus applicables. Le tout sous réserve de quelques adaptations de vocabulaire pour coller à leur statut particulier. Ainsi, « l’employeur » désigne ici les établissements du réseau des chambres (et non une entreprise classique) et le terme « salarié » est à comprendre comme « agent relevant du statut de 1952 ». De même, la référence aux accords collectifs de branche ou d’entreprise est élargie aux décisions de la commission paritaire nationale propre aux chambres consulaires, instance qui joue un rôle similaire pour fixer certaines règles statutaires. En somme, le droit du CPF des agents consulaires est désormais calqué sur le droit commun, ce qui « permet de prendre en compte les autres réformes intervenues entre-temps », précise la notice. Par exemple, les nouveautés introduites pour les salariés ces dernières années (co-financement du CPF, possibilité d’abondements par l’employeur ou Pôle emploi, reste à charge forfaitaire de 100 € depuis 2024, etc.) seront transposables à ces agents de droit public.
- Abrogation de l’ancien régime et dispositions transitoires : le décret abroge purement et simplement le décret du 29 décembre 2017 qui avait mis en œuvre le CPF en heures pour les agents consulaires. Cela signifie que toute la réglementation antérieure spécifique est remplacée par les nouvelles règles alignées sur le Code du travail. Les compteurs d’heures existants vont être migrés en euros sur les comptes formation des agents. L’entrée en vigueur est fixée au lendemain de la publication, soit le 3 mai 2025. À partir de cette date, les agents verront leur compte CPF affiché en euros sur MonCompteFormation. Si un agent n’avait pas encore créé son espace en ligne, il pourra le faire sans délai pour constater la conversion de ses droits. Notons que les heures acquises au titre du DIF (avant 2017) avaient déjà été reprises et affichées en heures CPF ; elles sont donc elles aussi converties en euros dans le nouveau système, au même taux de 15 €/h.
- Spécificités du Compte d’engagement citoyen (CEC) : le décret étant relatif à la fois au CPF et au CEC, il convient de souligner que le CEC des agents consulaires suit le mouvement. Le CEC était déjà ouvert aux agents publics depuis 2017, leur permettant d’obtenir des heures supplémentaires de formation pour certaines activités citoyennes (service civique, réserve, bénévolat associatif, maître d’apprentissage, etc.). Désormais, ces droits d’engagement citoyen sont, eux aussi, exprimés en euros. Par exemple, 20h de CEC inscrites sur le compte seront converties en 240 € (selon le taux spécifique de 12 € par heure fixé pour le CEC). L’usage des droits du CEC reste encadré : ils ne peuvent financer une formation professionnelle qu’en complément des droits CPF classiques (on mobilise d’abord le CPF, puis le CEC). En revanche, ils peuvent financer 100% du coût de formations dédiées aux bénévoles (formations visant à acquérir des compétences utiles à l’exercice du volontariat). Le fait que les textes du Code du travail relatifs au CEC s’appliquent aux agents consulaires signifie qu’ils bénéficient à présent des mêmes possibilités de cumul et d’utilisation que les autres actifs, sans vide juridique. C’est une façon de reconnaître leur engagement citoyen au même titre que n’importe quel salarié ou fonctionnaire.
En synthèse, ce décret de 2025 opère un rattrapage réglementaire : il met fin au régime d’exception (CPF en heures) qui prévalait pour les personnels des chambres consulaires, et les intègre pleinement dans le dispositif universel du CPF tel qu’il existe depuis la loi de 2018. Juridiquement, on assiste à une harmonisation bienvenue entre le statut de droit public de ces agents et le droit du travail en matière de formation. Il en résulte une simplification des textes (on se réfère dorénavant aux mêmes articles du Code du travail) et une meilleure équité de traitement entre les bénéficiaires du CPF.
Conséquences pratiques : ce qui va changer pour les agents et les employeurs
Quelles implications concrètes cette réforme aura-t-elle sur le terrain pour les agents des CCI, CMA et chambres d’agriculture ? Voici les principaux impacts à anticiper, tant du côté des agents consulaires que de leurs employeurs.
- Consultation du compte CPF : dès l’entrée en vigueur, les agents pourront constater le solde de leurs droits en euros sur la plateforme MonCompteFormation (site web ou application mobile). Ceux qui possèdent déjà un compte actif verront automatiquement la conversion de leurs heures en euros. Par exemple, un compteur de 54 h affichera désormais environ 810 € (54 × 15 €). Le portail MonCompteFormation reste l’outil de référence pour suivre ses droits et rechercher des formations éligibles. Pour les agents qui n’auraient jamais utilisé le dispositif, il suffira de créer un compte en ligne à l’aide de son numéro de Sécurité sociale pour accéder à ses droits actualisés. Cette visualisation en euros sera plus parlante pour planifier le financement de ses projets de formation.
- Montée en autonomie du titulaire du CPF : en théorie, le fait que le CPF soit monétisé et aligné sur le droit commun permet à l’agent d’utiliser ses droits de sa propre initiative, notamment hors temps de travail, sans avoir systématiquement besoin de l’accord de son employeur. En effet, le Code du travail prévoit que le CPF est un droit personnel mobilisable librement sur le temps libre du salarié (l’accord de l’employeur n’est requis que si la formation se déroule sur le temps de travail ou qu’elle dépasse une certaine durée). Avec l’ancien système, l’employeur devait obligatoirement valider et financer l’action de formation de l’agent public. Désormais, on peut envisager que les agents consulaires puissent s’inscrire à une formation éligible via la plateforme et la financer directement avec leurs droits CPF, comme n’importe quel utilisateur du CPF. Par exemple, un agent pourrait décider de suivre sur son temps personnel une certification en langues ou en informatique et la payer intégralement avec son crédit en euros, sans solliciter de budget à son établissement. Il s’agit d’un changement culturel majeur pour ces agents : ils gagnent en liberté d’action. Néanmoins, ils devront aussi assumer une partie du coût le cas échéant : rappelons que depuis 2024, un ticket modérateur est introduit pour tous les utilisateurs du CPF (contribution forfaitaire de 100 € par dossier, sauf exceptions, ou abondement de 30% demandé) afin de responsabiliser les achats de formation. Ce dispositif de cofinancement s’appliquera également aux agents consulaires, sauf si leur employeur ou un autre financeur prend en charge ce reste à payer. Un agent pourra par exemple demander à son employeur de cofinancer une formation coûteuse via un abondement volontaire sur son CPF, ce que permet le nouveau cadre.
- Démarches pour mobiliser le CPF : si l’agent souhaite utiliser son CPF pendant son temps de travail, le mécanisme restera proche de l’ancien : il devra obtenir l’accord préalable de son employeur. En effet, le Code du travail applicable stipule qu’une formation sur le temps de travail requiert l’autorisation de l’employeur sur le contenu et le calendrier, avec une réponse à donner sous 30 jours. Les chambres consulaires devront donc mettre à jour leur procédure interne : l’agent formulera sa demande (en indiquant la formation visée, ses dates, et si elle s’inscrit dans un projet professionnel), et l’établissement aura un délai d’un mois pour notifier sa réponse. L’absence de réponse vaudra accord, conformément aux dispositions du Code du travail sur le CPF. En cas d’accord, l’agent suivra la formation sur son horaire de travail et continuera à être rémunéré normalement. Son compte CPF en euros sera débité du montant correspondant. Notons une différence subtile : auparavant l’employeur payait directement la formation, dorénavant c’est la Caisse des dépôts qui réglera l’organisme de formation grâce aux fonds CPF, même si ces fonds proviennent in fine de l’employeur ou de l’État. Autrement dit, la gestion financière est centralisée (via la plateforme) alors que la décision d’autorisation reste déconcentrée (prise par chaque chambre pour ses agents).
- Financement des frais de formation : le nouveau système devrait simplifier la question du financement. Jusqu’ici, chaque établissement consulaire couvrait sur son budget les frais pédagogiques des formations CPF de ses agents. Avec l’intégration dans MonCompteFormation, le paiement des organismes de formation se fera via la Caisse des dépôts, comme pour les salariés du privé. Cependant, il faut noter que les chambres consulaires, en tant qu’employeurs publics, ne cotisent pas nécessairement au même titre que les entreprises au financement mutualisé du CPF. Il a probablement été prévu au niveau national une compensation financière (dotation de l’État ou fonds dédié) pour alimenter les comptes CPF de ces agents. Quoi qu’il en soit, les agents n’auront plus à avancer de frais : la plateforme prendra en charge les coûts éligibles dans la limite des droits acquis. Si le coût de la formation dépasse le crédit disponible, l’agent pourra soit obtenir un abondement (de son employeur, d’un opérateur de compétences, de Pôle emploi s’il est en reconversion, etc.), soit payer le solde lui-même. Par exemple, pour une formation à 1200 € alors qu’il dispose de 1000 €, un agent pourra demander à sa chambre de financer les 200 € restants sur son plan de formation interne, ou bien les payer de sa poche. Ce fonctionnement rapproche le régime consulaire de celui du privé, où le CPF est souvent complété par des financements supplémentaires en cas de projet onéreux.
- Types de formations éligibles : le catalogue de formations accessibles via le CPF ne change pas avec ce décret, mais les agents consulaires ont désormais accès à l’ensemble du catalogue national du CPF. Auparavant, ils pouvaient mobiliser le CPF pour des formations diplômantes, certifiantes ou qualifiantes en lien avec un projet d’évolution professionnelle, y compris pour préparer des concours de la fonction publique ou se reconvertir. Ces finalités demeurent. La grande variété des formations référencées sur la plateforme (plus de 20 000 offres) s’ouvre à eux, ce qui peut élargir leurs perspectives. Par exemple, un agent de chambre de métiers pourra tout autant utiliser son CPF pour préparer un diplôme universitaire que pour une certification en langue étrangère ou une formation de développement des compétences numériques, du moment que la formation figure dans le répertoire des formations éligibles (RNCP ou Répertoire spécifique). De plus, les agents pourront toujours recourir à un conseil en évolution professionnelle (CEP) gratuit pour les aider à choisir et monter leur dossier, comme n’importe quel titulaire de CPF.
- Impact pour les employeurs consulaires : les CCI, CMA et chambres d’agriculture vont devoir adapter leur gestion RH à ce nouveau cadre. Dans l’immédiat, il faudra informer les agents de la conversion de leurs droits et des modalités dorénavant en vigueur. Les services RH assureront la vérification des données déclarées via la DSN afin que chaque agent crédite bien ses 500 € annuels (proratisés le cas échéant). En cas d’erreur de déclaration de temps de travail, l’agent peut demander une rectification, comme c’était déjà le cas. Par ailleurs, les employeurs continueront d’examiner les demandes de formation sur temps de travail. Il leur est recommandé de définir une procédure transparente et des critères (cohérence avec le projet professionnel de l’agent, intérêt du service, etc.), pour accorder ou reporter les projets. Le délai de réponse de 30 jours devra être respecté afin de ne pas pénaliser l’agent dans son inscription. Les établissements garderont la possibilité de financer des formations hors CPF ou d’abonder le CPF de leurs agents via des dotations volontaires (par exemple, en cas de plan de développement des compétences interne, ils pourront créditer des montants supplémentaires sur le compte d’un agent pour lui permettre de suivre une formation stratégique). Le nouveau cadre, plus souple, incite sans doute les employeurs à co-construire les parcours de développement des compétences avec leurs collaborateurs, plutôt que de subir des choix unilatéraux. Enfin, du point de vue budgétaire, les chambres consulaires verront peut-être un transfert de charge : les formations suivies sur le temps personnel de l’agent seront financées par le CPF mutualisé et non plus par leurs budgets, ce qui peut représenter une économie, tandis que les formations sur temps de travail pourront, elles, être imputées sur les fonds mutualisés du CPF (si l’agent a du crédit) ou nécessiter un cofinancement. Une attention devra être portée à la formation continue des remplaçants : si plusieurs agents partent en formation simultanément, l’employeur doit toujours garantir la continuité du service public rendu par les chambres.
En somme, pour les agents consulaires, ce décret ouvre la voie à un CPF plus flexible et plus facile à mobiliser, avec une autonomie accrue – un vrai plus pour construire leur avenir professionnel. Pour les employeurs, il s’agit d’une modernisation du dispositif de formation de leurs personnels, qui nécessitera une mise à jour des pratiques managériales, mais qui offre aussi des opportunités (meilleure lisibilité des compétences acquises, cofinancements externes, etc.).
Réactions des acteurs institutionnels
Cette réforme technique du CPF consulaire a suscité des réactions positives chez les acteurs institutionnels impliqués dans la formation professionnelle. Audrey Pérocheau, conseillère au cabinet du Ministère du Travail en charge de la formation et des mutations économiques, s’est félicitée publiquement de la publication du décret. Sur les réseaux sociaux, elle a salué « une avancée attendue depuis 2018 pour les agents des chambres consulaires », soulignant qu’ils disposent désormais des mêmes droits à évoluer et se former que les autres salariés. Elle a également rendu hommage au travail de coordination mené entre les ministères, la Caisse des dépôts et les instances consulaires pour aboutir à cette harmonisation. Ce soutien au plus haut niveau de l’administration confirme l’importance stratégique donnée à la montée en compétences de tous les actifs, y compris ceux relevant de statuts particuliers.
Du côté des employeurs consulaires, la réaction est teintée de pragmatisme. Les réseaux consulaires (tels que CCI France, CMA France, l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture) ont participé aux concertations préparatoires. Ils voient dans ce décret l’aboutissement d’un alignement nécessaire, gage de simplification. Un représentant d’une chambre de commerce a indiqué en interne que « la gestion du CPF sera plus simple quand on s’appuie sur le même système que tout le monde », tout en espérant que les financements suivront pour ne pas pénaliser les budgets des établissements. En effet, la question du financement mutualisé reste en arrière-plan : les employeurs consulaires souhaitent s’assurer que l’État accompagnera financièrement la transition, par exemple via des compensations de la cotisation formation dont ils sont exonérés.
Les organisations syndicales des personnels consulaires (UNSA, CFDT, etc.) ont globalement accueilli favorablement la réforme. Elles y voient une mesure de justice sociale. Par communiqué, l’une d’elles a rappelé avoir réclamé depuis plusieurs années la monétisation du CPF pour ces agents, afin qu’ils ne soient pas en reste par rapport aux salariés de droit privé. La conversion des droits en euros est perçue comme un rattrapage. Les syndicats resteront toutefois vigilants sur l’application concrète : ils demandent que les agents soient bien informés de leurs droits et accompagnés dans l’utilisation de la plateforme, et que les employeurs jouent le jeu en continuant de faciliter les formations sur temps de travail. Il est important, selon eux, que cette réforme ne se traduise pas par un désengagement budgétaire des chambres en matière de formation : « L’idéal serait que les agents puissent bénéficier du CPF en plus du plan de formation habituel, et non à la place de celui-ci », indique un délégué syndical. Cette remarque souligne l’enjeu de ne pas faire du CPF le seul levier de formation, mais de le combiner avec les efforts de l’employeur.
Du côté des instances plus généralistes de la formation, on note également des retours. Mon Compte Formation (qui dépend de la Caisse des dépôts) a mis à jour ses communications pour intégrer les agents publics dans ses utilisateurs cibles. Sur son site, une page dédiée rappelle que « les agents publics, y compris consulaires, peuvent mobiliser leur CPF tout au long de leur vie active, comme les autres actifs ». Vocation Service Public, un portail d’information des agents, a publié un article pédagogique sur le sujet, soulignant que « le CPF se décline désormais à l’identique pour les agents consulaires et les salariés du privé, concrétisant le principe d’universalité du compte personnel d’activité ». Enfin, le média spécialisé AEF Info a titré « La traduction des droits en euros du CPF officialisée pour les agents des chambres consulaires », insistant sur le caractère très attendu de cette mesure.
Globalement, l’ambiance est donc à la satisfaction prudente. Satisfaction, car cette réforme clarifie la situation d’un public de salariés un peu à part et leur ouvre de nouveaux horizons en matière de formation. Prudente, car il faudra veiller à ce que le déploiement technique et les financements suivent, et que les agents s’approprient bien ce nouvel outil.
Perspectives : vers une généralisation totale du CPF à tous les agents publics ?
L’entrée en vigueur de ce décret soulève des perspectives intéressantes pour l’avenir du CPF dans la sphère publique. Désormais, les agents des chambres consulaires rejoignent le mouvement de monétisation et de simplification du CPF enclenché en 2018. Reste une question : qu’en est-il des autres agents publics (fonctionnaires d’État, territoriaux, hospitaliers) ? Pour l’instant, ces agents conservent un CPF en heures. Certes, l’administration a déjà assoupli leurs règles (25h/an, etc.), mais leur compte n’est toujours pas crédité en euros automatiquement. Ils peuvent certes convertir des droits privés en heures publiques et vice-versa, mais le système demeure dual. On peut donc imaginer que la prochaine étape soit d’étendre à l’ensemble de la fonction publique la monétisation du CPF. Cela impliquerait de repenser le financement de la formation dans la fonction publique (actuellement assuré par chaque employeur via son budget de formation statutaire). Des réflexions sont sans doute en cours pour éviter une rupture d’égalité entre, par exemple, un agent de chambre consulaire (désormais en euros) et un agent de chambre de commerce rattachée à l’État (restant en heures). Il n’est pas exclu qu’à moyen terme, un chantier législatif aborde ce sujet, potentiellement dans le cadre d’une loi de transformation de la fonction publique.
Par ailleurs, la montée en puissance du CPF pose la question de son articulation avec le plan de développement des compétences de chaque employeur. Dans le privé, on observe parfois une diminution des formations financées directement par les entreprises, au profit de formations financées via le CPF individuel. Les chambres consulaires devront veiller à ce que le CPF de leurs agents complète sans se substituer aux politiques de formation collective. L’idéal est de trouver un équilibre où l’initiative individuelle (via le CPF) s’ajoute aux actions impulsées par l’employeur (formations réglementaires, formations liées aux besoins du service, etc.). Sur ce point, les représentants du personnel seront attentifs à ce qu’il n’y ait pas un désengagement progressif des établissements sous prétexte que les agents ont “leur cagnotte” CPF.
Un autre enjeu concerne l’information et l’accompagnement des agents. Tous ne sont pas familiers de la plateforme MonCompteFormation ou des modalités du CPF. Après ce décret, un effort pédagogique devra être fait – via des notes de service, des sessions d’information, etc. – pour expliquer comment utiliser ces droits, comment faire une demande de formation, quelles formations sont accessibles, etc. Il s’agira de démystifier le CPF pour qu’il soit pleinement utilisé. Vocation Service Public, Centre Inffo et d’autres ressources officielles seront mises à contribution pour vulgariser ces changements.
Enfin, sur un plan plus large, cette réforme s’inscrit dans la tendance d’une individualisation des droits et d’une portabilité intégrale tout au long de la vie professionnelle. Un agent consulaire qui décide de passer dans le secteur privé emportera avec lui son CPF en euros sans rupture, et inversement un salarié privé entrant dans une chambre pourra convertir ses euros en heures (jusqu’à présent) et bientôt conserver ses euros. C’est le concept du compte personnel d’activité qui prend forme : chaque individu accumule des droits de formation indépendamment de son statut ou de son employeur. À terme, on peut imaginer une fusion complète des systèmes pour qu’il n’y ait plus de conversion du tout, avec un CPF universellement monétisé. Le décret du 30 avril 2025 est un pas important vers cette unification.
En conclusion, la réforme du CPF et du CEC des agents des réseaux consulaires via le décret 2025-393 apporte une réponse concrète à un impératif d’équité et de modernisation. Historique – car elle parachève la réforme de 2018 en englobant un secteur public particulier –, technique – car elle s’appuie sur la DSN et l’adaptation réglementaire – et pragmatique – car elle va simplifier la vie des agents comme des services RH –, cette réforme a été saluée par les acteurs du domaine. Les agents consulaires disposent maintenant d’un compte formation en euros, personnel et portable, pour se former tout au long de leur carrière, à l’image de l’ensemble des actifs. Il restera à accompagner sa mise en œuvre pour en tirer pleinement parti : informer chaque agent de ses nouveaux droits, encourager les projets de formation, et garantir que cette avancée profite tant au développement professionnel individuel qu’à la performance collective des réseaux consulaires. C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre pour la formation tout au long de la vie de ces agents, dans la continuité du droit innovant qu’est le CPF, « ce droit inédit que nous envient nombre de pays voisins », pour reprendre les mots d’une responsable du dossier.
Sources : Légifrance (décret 2025-393) unsa.org legifrance.gouv.fr, aefinfo.fr, MonCompteFormation.gouv.fr (espace agents publics) moncompteformation.gouv.fr, vocationservicepublic.fr et Service-Public.fr.