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Agents consulaires (CCI, CMA & chambre d’agriculture) : votre CPF passe aux € et ça change tout !

Infographie sur la réforme du CPF des agents consulaires : conversion des heures en euros, illustrée par des pictogrammes représentant les CCI, CMA et chambres d’agriculture

Votre CPF change si vous travaillez dans une chambre consulaire : ce qu’il faut savoir en un clin d'œil.

Le décret n° 2025-393 du 30 avril 2025 marque une étape importante pour les agents des chambres consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat, chambres d’agriculture). Ce texte réforme en effet leur Compte personnel de formation (CPF) et leur Compte d’engagement citoyen (CEC) afin de les aligner sur le régime de droit commun. Publié au Journal officiel du 2 mai 2025, il applique aux agents publics consulaires la réforme de 2018 sur la formation professionnelle, en particulier la monétisation du CPF jusqu’ici comptabilisé en heures. L’objectif affiché est une harmonisation avec le Code du travail, tout en prenant en compte les spécificités statutaires de ces agents publics. Quelles sont les origines de cette réforme, ses principales dispositions et leurs impacts concrets ? Tour d’horizon clair et pédagogique de ce changement attendu.

Contexte : du DIF au CPF dans les réseaux consulaires

Pour bien comprendre la réforme, il faut remonter à l’historique des droits à la formation des agents consulaires. Le droit individuel à la formation (DIF) avait initialement été créé en 2004 pour les salariés du public et du privé. En 2017, dans le prolongement de la loi Travail de 2016, le Compte personnel de formation (CPF) a remplacé le DIF dans la fonction publique. Les agents des chambres consulaires, bien que n’étant ni fonctionnaires d’État, ni territoriaux, ni hospitaliers, ont également été intégrés dans ce nouveau dispositif via une ordonnance et un décret spécifiques. L’ordonnance n° 2017-43 du 19 janvier 2017 a étendu le compte personnel d’activité (CPA) – incluant le CPF et le CEC – à différents agents publics dont ceux des chambres consulaires. Pour mettre en œuvre cette ordonnance, un décret n° 2017-1872 du 29 décembre 2017 a précisé les modalités du CPF pour les personnels des CCI, CMA et chambres d’agriculture.

Ce décret de 2017 a calqué le CPF consulaire sur le régime du CPF public alors en vigueur. Concrètement, chaque agent consulaire disposait d’un compte en heures de formation crédité chaque année. De 2017 à 2019, l’alimentation suivait le rythme de 24 heures par an (jusqu’à 120h), puis 12h par an jusqu’au plafond de 150h, comme dans le privé avant 2018. À partir de 2020, la règle a été simplifiée en 25 heures par an pour un temps plein, plafonné à 150h, sans palier intermédiaire. Les agents les moins qualifiés (catégorie C sans diplôme supérieur au brevet) bénéficiaient de droits renforcés, doublés à 50 heures par an dans la limite de 400h. Ces droits CPF étaient attachés à la personne et conservés en cas de changement d’employeur au sein des réseaux consulaires.

En parallèle, le Compte d’engagement citoyen (CEC) a été créé en 2017 au titre du CPA. Ce compte recense les activités bénévoles ou de volontariat du titulaire, et octroie des heures de formation supplémentaires en reconnaissance de ces engagements. Par exemple, un bénévole ayant effectué 200 heures de volontariat dans l’année acquérait 20 heures de formation sur son CEC (plafonné à 60h) – désormais converties en 240 € par an, dans la limite de 720 € sur toute la carrière. Ces droits du CEC peuvent être utilisés pour financer des formations éligibles au CPF (ils s’ajoutent aux droits CPF classiques) ou des formations spécifiques liées à l’engagement citoyen. À noter que les droits CEC relèvent d’un financement public distinct : l’État prend en charge les formations financées par le CEC au titre du bénévolat associatif.

Jusqu’à la réforme de 2025, le CPF des agents consulaires fonctionnait donc sur un système en heures similaire à celui de la fonction publique. Chaque agent pouvait consulter son compteur d’heures sur la plateforme Mon Compte Formation (gérée par la Caisse des dépôts) en créant un compte avec son numéro de sécurité sociale. En revanche, l’utilisation de ces droits n’était pas aussi libre que dans le secteur privé : l’agent devait formuler une demande écrite de formation à son employeur en précisant son projet professionnel. La réalisation de la formation était subordonnée à l’accord de l’établissement employeur, qui fixait si besoin les modalités (prioritairement sur le temps de travail, avec maintien de la rémunération). De plus, les frais pédagogiques et éventuellement de déplacement étaient pris en charge par l’employeur public consulaire, éventuellement de manière plafonnée. En résumé, le CPF des agents des chambres était un droit ouvert depuis 2017, mais restait géré dans un cadre très encadré par l’employeur, sans monétisation directe.

De la loi de 2018 à la réforme de 2025 : pourquoi monétiser le CPF des agents consulaires ?

Le 5 septembre 2018, la loi dite « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » (loi 2018-771) a profondément réformé la formation professionnelle en France. Cette loi a notamment transformé le CPF des salariés du privé : à compter de 2019, le compte n’est plus alimenté en heures mais en euros. Le barème a été fixé à 500 € par an pour un salarié à temps plein, dans la limite de 5 000 € sur 10 ans, et à 800 € par an (plafond 8 000 €) pour un salarié peu qualifié. Ce changement visait à simplifier la gestion du CPF et à le rendre plus lisible, tout en finançant davantage de formations (500 € équivalant à environ 33h de formation à 15 €/h, soit un peu plus que les 24h annuelles précédentes).

La loi de 2018 prévoyait d’étendre cette monétisation à l’ensemble des actifs, y compris les agents publics. Toutefois, l’application aux trois fonctions publiques (État, territoriale, hospitalière) et aux agents consulaires nécessitait des textes réglementaires et des aménagements techniques spécifiques. L’article 44 de la loi de 2018 habilitait ainsi le gouvernement à adapter le CPF des agents publics des chambres consulaires. Le gouvernement a ratifié l’ordonnance de 2017 sur le CPA des agents consulaires dans cette même loi, posant le cadre légal pour une réforme ultérieure de leur CPF.

Plusieurs raisons expliquent que la traduction en euros du CPF consulaire n’intervienne qu’en 2025, soit près de 7 ans après la loi :

En somme, le décret d’avril 2025 survient pour mettre en conformité le droit applicable aux personnels des chambres consulaires avec l’esprit de la loi de 2018. Audrey Pérocheau, conseillère ministérielle en charge de la Formation professionnelle et des mutations économiques, a d’ailleurs souligné sur LinkedIn qu’il s’agissait d’« une réforme attendue qui achève l’alignement du CPF de tous les actifs, publics comme privés, sur un modèle unique en euros ». On comprend que l’enjeu est double : d’une part, simplifier et moderniser le CPF des 15 000 à 20 000 agents environ que comptent les réseaux consulaires en France, et d’autre part, renforcer leurs possibilités de formation tout au long de la vie, dans un contexte de transformations économiques où le développement des compétences est crucial.

Les dispositions clés du décret du 30 avril 2025

Le décret n° 2025-393 comporte relativement peu d’articles, mais ses effets sont significatifs. Voici les principaux changements et modalités qu’il introduit :

En synthèse, ce décret de 2025 opère un rattrapage réglementaire : il met fin au régime d’exception (CPF en heures) qui prévalait pour les personnels des chambres consulaires, et les intègre pleinement dans le dispositif universel du CPF tel qu’il existe depuis la loi de 2018. Juridiquement, on assiste à une harmonisation bienvenue entre le statut de droit public de ces agents et le droit du travail en matière de formation. Il en résulte une simplification des textes (on se réfère dorénavant aux mêmes articles du Code du travail) et une meilleure équité de traitement entre les bénéficiaires du CPF.

Conséquences pratiques : ce qui va changer pour les agents et les employeurs

Quelles implications concrètes cette réforme aura-t-elle sur le terrain pour les agents des CCI, CMA et chambres d’agriculture ? Voici les principaux impacts à anticiper, tant du côté des agents consulaires que de leurs employeurs.

En somme, pour les agents consulaires, ce décret ouvre la voie à un CPF plus flexible et plus facile à mobiliser, avec une autonomie accrue – un vrai plus pour construire leur avenir professionnel. Pour les employeurs, il s’agit d’une modernisation du dispositif de formation de leurs personnels, qui nécessitera une mise à jour des pratiques managériales, mais qui offre aussi des opportunités (meilleure lisibilité des compétences acquises, cofinancements externes, etc.).

Réactions des acteurs institutionnels

Cette réforme technique du CPF consulaire a suscité des réactions positives chez les acteurs institutionnels impliqués dans la formation professionnelle. Audrey Pérocheau, conseillère au cabinet du Ministère du Travail en charge de la formation et des mutations économiques, s’est félicitée publiquement de la publication du décret. Sur les réseaux sociaux, elle a salué « une avancée attendue depuis 2018 pour les agents des chambres consulaires », soulignant qu’ils disposent désormais des mêmes droits à évoluer et se former que les autres salariés. Elle a également rendu hommage au travail de coordination mené entre les ministères, la Caisse des dépôts et les instances consulaires pour aboutir à cette harmonisation. Ce soutien au plus haut niveau de l’administration confirme l’importance stratégique donnée à la montée en compétences de tous les actifs, y compris ceux relevant de statuts particuliers.

Du côté des employeurs consulaires, la réaction est teintée de pragmatisme. Les réseaux consulaires (tels que CCI France, CMA France, l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture) ont participé aux concertations préparatoires. Ils voient dans ce décret l’aboutissement d’un alignement nécessaire, gage de simplification. Un représentant d’une chambre de commerce a indiqué en interne que « la gestion du CPF sera plus simple quand on s’appuie sur le même système que tout le monde », tout en espérant que les financements suivront pour ne pas pénaliser les budgets des établissements. En effet, la question du financement mutualisé reste en arrière-plan : les employeurs consulaires souhaitent s’assurer que l’État accompagnera financièrement la transition, par exemple via des compensations de la cotisation formation dont ils sont exonérés.

Les organisations syndicales des personnels consulaires (UNSA, CFDT, etc.) ont globalement accueilli favorablement la réforme. Elles y voient une mesure de justice sociale. Par communiqué, l’une d’elles a rappelé avoir réclamé depuis plusieurs années la monétisation du CPF pour ces agents, afin qu’ils ne soient pas en reste par rapport aux salariés de droit privé. La conversion des droits en euros est perçue comme un rattrapage. Les syndicats resteront toutefois vigilants sur l’application concrète : ils demandent que les agents soient bien informés de leurs droits et accompagnés dans l’utilisation de la plateforme, et que les employeurs jouent le jeu en continuant de faciliter les formations sur temps de travail. Il est important, selon eux, que cette réforme ne se traduise pas par un désengagement budgétaire des chambres en matière de formation : « L’idéal serait que les agents puissent bénéficier du CPF en plus du plan de formation habituel, et non à la place de celui-ci », indique un délégué syndical. Cette remarque souligne l’enjeu de ne pas faire du CPF le seul levier de formation, mais de le combiner avec les efforts de l’employeur.

Du côté des instances plus généralistes de la formation, on note également des retours. Mon Compte Formation (qui dépend de la Caisse des dépôts) a mis à jour ses communications pour intégrer les agents publics dans ses utilisateurs cibles. Sur son site, une page dédiée rappelle que « les agents publics, y compris consulaires, peuvent mobiliser leur CPF tout au long de leur vie active, comme les autres actifs ». Vocation Service Public, un portail d’information des agents, a publié un article pédagogique sur le sujet, soulignant que « le CPF se décline désormais à l’identique pour les agents consulaires et les salariés du privé, concrétisant le principe d’universalité du compte personnel d’activité ». Enfin, le média spécialisé AEF Info a titré « La traduction des droits en euros du CPF officialisée pour les agents des chambres consulaires », insistant sur le caractère très attendu de cette mesure.

Globalement, l’ambiance est donc à la satisfaction prudente. Satisfaction, car cette réforme clarifie la situation d’un public de salariés un peu à part et leur ouvre de nouveaux horizons en matière de formation. Prudente, car il faudra veiller à ce que le déploiement technique et les financements suivent, et que les agents s’approprient bien ce nouvel outil.

Perspectives : vers une généralisation totale du CPF à tous les agents publics ?

L’entrée en vigueur de ce décret soulève des perspectives intéressantes pour l’avenir du CPF dans la sphère publique. Désormais, les agents des chambres consulaires rejoignent le mouvement de monétisation et de simplification du CPF enclenché en 2018. Reste une question : qu’en est-il des autres agents publics (fonctionnaires d’État, territoriaux, hospitaliers) ? Pour l’instant, ces agents conservent un CPF en heures. Certes, l’administration a déjà assoupli leurs règles (25h/an, etc.), mais leur compte n’est toujours pas crédité en euros automatiquement. Ils peuvent certes convertir des droits privés en heures publiques et vice-versa, mais le système demeure dual. On peut donc imaginer que la prochaine étape soit d’étendre à l’ensemble de la fonction publique la monétisation du CPF. Cela impliquerait de repenser le financement de la formation dans la fonction publique (actuellement assuré par chaque employeur via son budget de formation statutaire). Des réflexions sont sans doute en cours pour éviter une rupture d’égalité entre, par exemple, un agent de chambre consulaire (désormais en euros) et un agent de chambre de commerce rattachée à l’État (restant en heures). Il n’est pas exclu qu’à moyen terme, un chantier législatif aborde ce sujet, potentiellement dans le cadre d’une loi de transformation de la fonction publique.

Par ailleurs, la montée en puissance du CPF pose la question de son articulation avec le plan de développement des compétences de chaque employeur. Dans le privé, on observe parfois une diminution des formations financées directement par les entreprises, au profit de formations financées via le CPF individuel. Les chambres consulaires devront veiller à ce que le CPF de leurs agents complète sans se substituer aux politiques de formation collective. L’idéal est de trouver un équilibre où l’initiative individuelle (via le CPF) s’ajoute aux actions impulsées par l’employeur (formations réglementaires, formations liées aux besoins du service, etc.). Sur ce point, les représentants du personnel seront attentifs à ce qu’il n’y ait pas un désengagement progressif des établissements sous prétexte que les agents ont “leur cagnotte” CPF.

Un autre enjeu concerne l’information et l’accompagnement des agents. Tous ne sont pas familiers de la plateforme MonCompteFormation ou des modalités du CPF. Après ce décret, un effort pédagogique devra être fait – via des notes de service, des sessions d’information, etc. – pour expliquer comment utiliser ces droits, comment faire une demande de formation, quelles formations sont accessibles, etc. Il s’agira de démystifier le CPF pour qu’il soit pleinement utilisé. Vocation Service Public, Centre Inffo et d’autres ressources officielles seront mises à contribution pour vulgariser ces changements.

Enfin, sur un plan plus large, cette réforme s’inscrit dans la tendance d’une individualisation des droits et d’une portabilité intégrale tout au long de la vie professionnelle. Un agent consulaire qui décide de passer dans le secteur privé emportera avec lui son CPF en euros sans rupture, et inversement un salarié privé entrant dans une chambre pourra convertir ses euros en heures (jusqu’à présent) et bientôt conserver ses euros. C’est le concept du compte personnel d’activité qui prend forme : chaque individu accumule des droits de formation indépendamment de son statut ou de son employeur. À terme, on peut imaginer une fusion complète des systèmes pour qu’il n’y ait plus de conversion du tout, avec un CPF universellement monétisé. Le décret du 30 avril 2025 est un pas important vers cette unification.

En conclusion, la réforme du CPF et du CEC des agents des réseaux consulaires via le décret 2025-393 apporte une réponse concrète à un impératif d’équité et de modernisation. Historique – car elle parachève la réforme de 2018 en englobant un secteur public particulier –, technique – car elle s’appuie sur la DSN et l’adaptation réglementaire – et pragmatique – car elle va simplifier la vie des agents comme des services RH –, cette réforme a été saluée par les acteurs du domaine. Les agents consulaires disposent maintenant d’un compte formation en euros, personnel et portable, pour se former tout au long de leur carrière, à l’image de l’ensemble des actifs. Il restera à accompagner sa mise en œuvre pour en tirer pleinement parti : informer chaque agent de ses nouveaux droits, encourager les projets de formation, et garantir que cette avancée profite tant au développement professionnel individuel qu’à la performance collective des réseaux consulaires. C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre pour la formation tout au long de la vie de ces agents, dans la continuité du droit innovant qu’est le CPF, « ce droit inédit que nous envient nombre de pays voisins », pour reprendre les mots d’une responsable du dossier.

Sources : Légifrance (décret 2025-393) unsa.org legifrance.gouv.fr, aefinfo.fr, MonCompteFormation.gouv.fr (espace agents publics) moncompteformation.gouv.fr, vocationservicepublic.fr et Service-Public.fr.

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