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Centre Inffo : une association privée au cœur d’une mission publique

Le paysage de la formation professionnelle en France s’appuie sur une constellation d’acteurs publics, parapublics et privés. Parmi eux, Centre Inffo occupe une place à part. Créé par décret en 1976, mais doté d’un statut d’association loi 1901 à but non lucratif, il se distingue par son modèle hybride : à la fois opérateur d’information, référent technique et organisme sous forte tutelle de l’État. Bien que souvent méconnu du grand public, son influence est majeure sur les professionnels du secteur, les partenaires sociaux et les décideurs.

Dans un contexte de transformation profonde du modèle de la formation en France, il est utile de revenir en détail sur le rôle, le statut, les missions, les moyens et les interrogations que suscite aujourd’hui Centre Inffo. Qui est-il vraiment ? Quelle est sa légitimité ? Sur quels fonds agit-il ? Et quel avenir pour cet acteur discret mais stratégique ?


I. Origines et statut juridique : une création dÉtat, une structure privée

Le Centre pour le développement de l’information sur la formation permanente, plus connu sous le nom de Centre Inffo, est né d’un décret gouvernemental (n°76-203 du 1er mars 1976). Son objectif initial était de répondre à un besoin croissant d’information structurée et fiable sur les dispositifs de formation continue, dans un contexte d’expansion des droits à la formation.

Mais malgré sa création par l’État, Centre Inffo adopte le statut d’association loi 1901 à but non lucratif. Cela signifie qu’il n’appartient pas à l’administration publique, n’est pas un établissement public administratif, ni une société. Il relève du droit privé, mais remplit une mission de service public qui lui confère un statut à part, que l’on qualifie souvent de “parapublic”.

Ce positionnement singulier a un avantage : il permet une certaine souplesse juridique et opérationnelle, tout en conservant un alignement fort avec les politiques publiques. Il s’accompagne néanmoins d’un encadrement strict par l’État.


II. Missions et activités : information, formation, expertise

Depuis sa création, Centre Inffo poursuit une mission claire : produire, capitaliser et diffuser l’information sur la formation professionnelle et l’orientation. Cette mission s’adresse à plusieurs publics cibles :

Des outils concrets

Centre Inffo met en œuvre sa mission à travers :

Cette activité est à la fois documentaire, juridique, pédagogique et institutionnelle. Elle vise à rendre accessible une matière complexe, mouvante, et souvent technique.


III. Financement public : une dépendance assumée

Bien que de droit privé, Centre Inffo est largement financé par des fonds publics. Dans le projet de loi de finances pour 2025, une subvention de 3,83 millions d’euros lui est allouée pour couvrir ses charges de service public.

Ce financement prend la forme d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), actuellement sur la période 2022-2025. Ce CPOM fixe des engagements réciproques entre l’association et l’État, autour de plusieurs axes :

En contrepartie, l’État est représenté au conseil d’administration de Centre Inffo et suit attentivement la réalisation de ses objectifs. Cette gouvernance partagée garantit un alignement fort avec les politiques publiques, tout en maintenant une autonomie opérationnelle.


IV. Transparence et gouvernance : une certaine opacité ?

Sur le papier, Centre Inffo n’a rien à cacher. Mais dans les faits, l’association ne publie pas ses comptes sur les plateformes comme Pappers ou le Journal officiel, contrairement à d’autres structures recevant des fonds publics.

Cette situation est légalement possible : les associations à but non lucratif ne sont tenues à la publication de leurs comptes que si elles reçoivent plus de 153 000 euros et qu’elles exercent une activité lucrative significative. Dans le cas de Centre Inffo, l’activité marchande semble marginale (quelques formations payantes), ce qui pourrait expliquer cette absence de transparence externe.

Cela n’empêche pas un suivi financier rigoureux de la part de l’administration, via le CPOM et les rapports annuels d’activité transmis aux ministères.

Mais cette configuration peut alimenter les critiques, notamment dans un contexte où d’autres structures parapubliques sont de plus en plus appelées à rendre des comptes publiquement. La question de la transparence financière mérite donc d’être posée.


V. Une position stratégique dans un écosystème en recomposition

Centre Inffo n’est ni un opérateur de formation, ni un OPCO, ni un établissement public. C’est un référent transversal, technique et neutre, capable de faire dialoguer les acteurs du système : État, régions, partenaires sociaux, entreprises, organismes de formation.

Cette capacité d’animation et de décryptage lui donne une fonction d’interface, essentielle dans un paysage devenu très complexe. Avec la multiplication des réformes (CPF, Qualiopi, France Compétences, transitions écologiques et numériques), le besoin d’une structure médiatrice s’est accru.

Mais cette position intermédiaire peut aussi être source d’ambiguïtés :


VI. Quels défis pour l’avenir ?

Centre Inffo fait aujourd’hui face à plusieurs enjeux :

Le renforcement de la “gouvernance compétences” en France, les discussions sur la place des branches et des régions, ou encore la possible réforme du CPF, pourraient repositionner son rôle dans les années à venir.


Conclusion

Discret mais influent, public mais privé, ancien mais toujours en mouvement : Centre Inffo est un acteur paradoxal mais indispensable du champ formation-compétences en France. Son modèle mérite d’être connu, questionné, et peut-être, renforcé. Dans un système appelé à toujours plus de cohérence, de transparence et d’efficacité, il pourrait bien être à la fois un observateur et un levier du changement.

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