Le 16 juin 2022, les ministres de l’Emploi et des affaires sociales des États membres de l’Union européenne ont adopté une recommandation relative aux comptes de formation individuels. Dernière étape avant la création d’un compte individuel de formation européen inspiré du CPF français ? On fait le point.
Dans quel contexte s’inscrit cette mise en avant d’un compte individuel de formation ?
L’ambition de parvenir à un taux de participation annuel des adultes à la formation d’au moins 60 % d’ici à 2030 est toujours d’actualité. Pourtant, « la participation à l’éducation et à la formation des adultes dans l’Union a stagné au cours de la dernière décennie et 21 États membres n’ont pas atteint l’objectif fixé pour 2020 au niveau de l’Union » rappellent les ministres de l’Emploi et des affaires sociales dans le préambule de leur recommandation.
La Commission souligne également l’importance de la formation pour :
- Renforcer la compétitivité durable de l’Union,
- Soutenir une reprise génératrice d’emplois après la pandémie de COVID-19
- Assurer une transition écologique et numérique socialement équitable
- Faire face aux évolutions du marché du travail.
Vers une révolution des compétences dans l’Union européenne ?
Pour les signataires, « le passage à une économie moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive nécessitera l’acquisition de compétences pour la transition écologique ainsi que la reconversion et le perfectionnement professionnels de la main-d’œuvre, comme le prévoit le pacte vert pour l’Europe pour parvenir à la neutralité climatique à l’horizon 2050. »
Pour y parvenir, la Commission « réitère l’objectif visant à ce que, d’ici à 2030, au moins 80 % de la population de l’Union possèdent au moins des compétences numériques élémentaires, et propose un objectif de 20 millions de spécialistes des TIC occupant un emploi, avec une convergence entre les hommes et les femmes, et ce également à l’horizon 2030. »
En même temps, elle pointe l’insuffisance de l’aide financière en matière d’apprentissage des adultes, les investissements publics et privés étant jugés insuffisants. La Commission rappelle que la plupart des formations liées à l’emploi dans l’Union sont financées par les employeurs.
Zoom : les différents types de dispositifs individuels existants actuellement
Quelle forme pourrait prendre le compte individuel de formation en Europe ?
Les recommandations sont les suivantes, et sont proches du CPF, version française du compte individuel de formation :
- La Commission définit le droit individuel à la formation comme étant « le droit d’accéder à un budget personnel mis à disposition d’une personne pour couvrir les coûts directs de formations adaptées au marché du travail ainsi que de services d’orientation et de conseil, d’évaluation ou de validation des compétences, pouvant bénéficier d’un financement. »
- Créer un compte personnel qui permet au titulaire d’accumuler et de conserver, au fil du temps, des droits de recourir à la possibilité de formation, d’orientation ou de validation qu’il jugera la plus utile, et chaque fois qu’il le souhaitera, conformément aux règles nationales.
- Instaurer la transférabilité des droits individuels à la formation : une fois acquis, ces droits restent en la possession du titulaire.
- Mettre en place un “cadre facilitateur”, un soutien de nature à favoriser l’accès effectif aux droits individuels à la formation. Il s’agit notamment de possibilités d’orientation professionnelle et de validation des acquis, d’un catalogue national d’offres éligibles à un financement au titre des droits individuels à la formation, d’un portail numérique national unique pour accéder au compte de formation individuel et au catalogue national ainsi que de congés de formation rémunérés.
- Prévoir tous les ans, pour chaque compte de formation individuel, un nombre suffisant de droits susceptibles d’être accumulés et utilisés sur une période donnée afin de permettre des formations plus consistantes.
- Doter de droits individuels à la formation supplémentaires les comptes des personnes qui ont le plus besoin de reconversion et de perfectionnement professionnels, en se fondant sur les besoins nationaux ou sectoriels, sur la situation au regard de l’emploi ou le statut professionnel ou le niveau de qualification de ces personnes, ainsi que sur toute autre circonstance pertinente, et conformément à des critères clairs et transparents, après consultation des partenaires sociaux et des parties prenantes concernées.
- Inviter les employeurs à doter de droits individuels à la formation supplémentaires les comptes de formation individuels de leurs salariés et d’autres personnes travaillant dans leur chaîne de valeur, en particulier dans des PME, sans que cela n’interfère avec la formation en entreprise.
- Inviter les services de l’emploi publics et privés à doter de droits individuels à la formation supplémentaires les comptes de formation individuels des personnes qui ont le plus besoin de reconversion et de perfectionnement professionnels.
LE CPF français inspire l’Europe…
Droits individuels, en euros, transférables et cumulables d’une année à l’autre, abondements possibles par l’entreprises ou des services publics dédié à l’emploi, avec un catalogue national des formations éligibles… La recommandation européenne est bien dans l’esprit et dans la même dynamique que le CPF français.
Cependant, cette recommandation introduit un aspect qui n’est pas encore d’actualité en France avec le CPF : il s’agit de fixer les conditions dans lesquelles les droits individuels à la formation peuvent être accumulés et conservés, en vue de trouver un équilibre entre la faculté pour les bénéficiaires d’accumuler leurs droits pour financer des formations plus longues et la volonté de les encourager à recourir régulièrement à leurs droits tout au long de leur vie professionnelle.
Une recommandation sur l’intérêt d’un compte individuel de formation… et après ?
Dans son communiqué de presse, la Commission indique avoir publié cette proposition de recommandation le 10 décembre 2021, en même temps qu’une autre proposition relative aux microcertifications (qui a également été adoptée par le Conseil EPSCO lors de sa session du 16 juin). Les deux propositions s’inscrivent dans le cadre des douze actions phares annoncées dans la stratégie européenne en matière de compétences (juillet 2020) et le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux (mars 2021).
Le suivi des progrès accomplis en vue de la réalisation des objectifs généraux de cette recommandation, à savoir aider les adultes en âge de travailler à accéder à la formation et renforcer les incitations et la motivation de chacun à rechercher des formations, aura lieu dans le cadre des rapports du Semestre européen.
Au bout de cinq ans, la Commission élaborera un rapport destiné au Conseil, comprenant une analyse et une évaluation des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la recommandation.
Il est bon de rappeler que l’Institut Delors avait publié un rapport en décembre 2020 allant déjà dans le sens d’un compte de formation individuel à l’échelle européenne : « Vers un droit individuel à la formation des adultes pour tous les Européens ».
Alors pourquoi attendre ?