A l’occasion des 50 ans de la Loi Delors, Audrey Pérocheau, Directrice du développement des compétences dans les territoires à la direction générale de Pôle emploi apporte son éclairage sur l’évolution de l’offre de formation à destination des demandeurs d’emploi durant la dernière décennie.
Audrey Pérocheau, quels sont les principaux dispositifs mobilisés par Pôle emploi pour faire monter en compétences les demandeurs d’emploi ?
Il existe trois types de dispositifs qui permettent à un demandeur d’emploi ou à une entreprise de bénéficier d’une formation financée par des fonds publics. Les voici de manière décroissante tant en termes de budgets que de volumes de formation dans le plan d’investissement des compétences :
Les formations conventionnées, proposées après passation d’un appel d’offres. Ces formations sont gratuites pour les demandeurs d’emploi car elles ont été achetées dans le cadre de ces marchés publics, soit par les Conseils régionaux, soit par Pôle emploi aux côtés des Conseils régionaux de manière coordonnée et complémentaire. Ce sont des formations qui répondent aux métiers en tension, aux besoins en compétences des entreprises mais aussi des formations destinées aux cibles prioritaires du Plan d’investissement dans les compétences : les jeunes et demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés. Il peut s’agir par exemple des Préparations Opérationnelles à l’Emploi Collectives (POEC) mises en œuvre en articulation avec les OPCO.
La deuxième modalité concerne les financements individuels : le demandeur d’emploi a un besoin pour lequel il a repéré une formation qui ne fait pas partie de l’offre conventionnée. Il peut déposer une demande de financement (aide individuelle à la formation) auprès de Pôle emploi ou du Conseil régional qui peut aussi financer selon les Régions. Depuis le lancement de MonCompteFormation (fin 2019), un demandeur d’emploi qui trouve une formation certifiante sur MonCompteFormation peut demander un financement de Pôle emploi. Et cela qu’il ait ou non du crédit formation sur son CPF. La démarche se fait directement en ligne dans son espace formation, la passerelle se faisant automatiquement avec les services de Pôle Emploi.
La 3e et dernière modalité est aussi un financement individuel mais à la demande d’une entreprise qui recrute. Ce sont les aides à la formation avant l’embauche : Préparation Opérationnelle à l’Emploi Individuelle (POEI) et Action de Formation Préalable au Recrutement (AFPR).
Quels sont les critères pour bénéficier d’un financement de formation ?
Quel que soit le canal de demande de financement de formation auprès de Pôle emploi, nous sommes dans le même schéma de l’aide individuelle à la formation. On fonctionne par subsidiarité de la manière la plus étroite avec le besoin de formation de chaque individu dans son bassin économique.
Le conseiller regardera en premier si une formation conventionnée peut correspondre au besoin du demandeur d’emploi, que ce dernier ait déjà repéré ou non une formation qui pourrait lui convenir. Il en discute avec le demandeur d’emploi et le choix se fait en co-validation. Au cœur des échanges pour le choix d’une formation, nos conseillers ont pour mission de trouver la bonne formation, au bon moment, pour le projet de retour à l’emploi de chaque demandeur d’emploi. Si aucune formation conventionnée ne convient, il s’agit alors d’un financement individuel. Une fois la formation repérée, le conseiller évalue le devis, et la bonne adéquation entre la durée, le contenu pédagogique et le besoin de montée en compétences de la personne au regard des priorités fixées dans son bassin d’emploi.
Plus largement, quelles sont les tendances émergentes en termes de formation des demandeurs d’emploi depuis quelques années ?
En premier, nous avons individualisé l’accès à la formation et la réponse en termes de formation. Cela s’est accompagné par l’extension des enjeux et des préoccupations sociétales de la formation des salariés à la formation des demandeurs d’emploi depuis notamment le Plan 500 000 formations en 2016 et la Loi du 5 septembre 2018. Cela a permis de développer les formations à distance et l’AFEST. Pôle emploi s’est engagé dans la dynamique de parcours du demandeur d’emploi où l’on prend en compte l’individu comme il est : s’il a besoin d’heures de soutien, il est possible d’ajouter des heures à une formation de base, si sa mobilité ou sa disponibilité est réduite (éloignement des centres de formation, contraintes familiales, travail à temps partiel, etc.), une formation 100 % à distance peut être préconisée, etc.
Depuis 2015, il s’agit pour Pôle emploi de faciliter l’accès à la formation pour les demandeurs d’emploi et les entreprises. Cela est passé par la digitalisation et la dématérialisation progressive entre 2017 et 2020 des actes pour accéder à la formation conventionnée (catalogue en ligne, dématérialisation de la demande d’AFPR, automatisation de la rémunération minimale pendant la formation, etc.). Par exemple, dans le Grand Est, l’expérimentation « Ouiform » a permis de centraliser toutes les données sur les parcours de formation dans une même application accessible par tous les acteurs de la formation : Pôle emploi, Cap emploi, Missions locales, etc. Cela améliore la synergie collective de tous les acteurs engagés dans la formation.
Autre point à souligner : l’émergence du rôle des entreprises comme acteurs en propre de la formation de leurs salariés et de leurs futurs salariés avec les formations 100 % emploi. Ces formations marquent aussi notre orientation vers un réajustement des formations au gré des besoins de recrutement exprimés par les entreprises.
Dans un contexte de tensions de recrutement inédit, Pôle emploi va progressivement adapter son offre de services pour permettre aux entreprises de mieux former en situation de travail.
Les demandes de formation ont-elles évolué ces dernières années ?
L’émergence de MonCompteFormation contribue à l’individualisation de la formation. On accompagne cette tendance depuis le lancement de MonCompteFormation en lien avec la Caisse des Dépôts et Consignations. On développe l’information sur l’accès au conseiller en évolution professionnelle.
Améliorer l’information sur les métiers et les formations, apporter des éléments clairs d’aide à la décision de façon individualisée… Notre attention se porte sur les contenus de formation, la méthode pédagogique de formation, la réputation de l’organisme de formation et les aspects pratiques (financement, rémunération, etc.).
Comment intégrez-vous le CPF dans votre politique d’accompagnement des demandeurs d’emploi ?
Le CPF est totalement intégré à notre stratégie d’accompagnement des demandeurs d’emploi. A cette notion d’intégration, nous ajoutons la notion de « débureaucratisation ». Notre objectif est de permettre aux demandeurs d’emploi d’accéder facilement à leur CPF, en les informant au plus près de leur besoin, en les accompagnant dans la recherche de la formation, en apportant un abondement au CPF si besoin, etc.
Pôle emploi a été le premier acteur à ouvrir l’abondement au CPF en juillet 2020. Depuis le 17 décembre, l’abondement du CPF par Pôle emploi est possible pour les demandeurs d’emploi n’ayant aucun euro sur leur compte CPF. C’est cette logique de simplification des démarches qui nous permet de dénombrer plus de 41 000 entrées avec abondement via le CPF depuis janvier 2021 contre 13 600 entre juillet et décembre 2020. Les agents s’en sont saisis. Les délais de validation sont aujourd’hui rapides, de l’ordre de 5 jours en moyenne alors que nous disposons d’un délai de 10 jours ouvrés. Globalement les usagers sont satisfaits du service. L’abondement Pôle emploi améliore l’impact des formations achetées.
Pour conclure, avec le développement de MonCompteFormation, nous visons la complémentarité entre des actions individuelles et des actions institutionnelles. Pour réussir, il faut une totale adhésion du demandeur d’emploi qui se forme. Cette adhésion est d’autant plus forte qu’il a contribué au choix, mobilisé son CPF, été dans l’échange avec un conseiller. Avec l’abondement du CPF, Pôle emploi transforme les formations. Celles financées via le CPF avec un abondement Pôle emploi sont plus longues, plus souvent qualifiantes, plus chères que celles financées sans abondement. Avec la simplification digitale du dispositif, on peut même co-abonder une formation avec un Conseil régional pour accompagner au mieux chaque demandeur d’emploi.
Propos recueillis par Sandrine Damie (novembre 2021).
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