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Entretien avec Gwenola Martin, Directrice de la formation professionnelle à la CDC

À l’occasion de l’événement “CPF coconstruit” du 25 juin à la Caisse des Dépôts, nous avons échangé avec Gwenola Martin, Directrice de la formation professionnelle au sein du pôle politique sociale du Groupe Caisse des Dépôts. Elle revient sur les évolutions récentes du dispositif, notamment les nouvelles possibilités de fléchage et de cofinancement, qui renforcent le rôle stratégique du CPF dans la gestion des compétences. Un échange structuré, précis et profondément tourné vers l’impact.

Responsable de la mise en œuvre opérationnelle du CPF et de la plateforme Mon Compte Formation pour le compte de l’État, Gwenola Martin porte une vision exigeante et réaliste du cofinancement : un outil à la fois technique et politique, au service des individus comme des branches et des employeurs. Forte d’un parcours public ancré dans le développement social et économique, elle milite pour une coconstruction outillée, concrète et alignée sur les enjeux de transformation des organisations.

Bonjour Gwenola, pouvez-vous vous présenter brièvement et rappeler votre parcours ?

Je suis Directrice de la formation professionnelle, au sein du pôle politique sociale de la Caisse des Dépôts, direction qui assure, pour le compte de l’Etat, la gestion du CPF et de la plateforme moncompteformation, mais aussi les passeports compétences ou prévention, Agora (hub de données de la formation professionnelle), ou encore la plateforme Soltea permettant la répartition du solde de la taxe d’apprentissage.

Auparavant, j’ai occupé plusieurs fonctions de DRH ou de développement des compétences dans le secteur public, et ai travaillé dans différents secteurs de politiques publiques et sur les enjeux de développement social, territorial et économique, à la Caisse des Dépôts et dans plusieurs collectivités locales. 

Pouvez-vous nous expliquer concrètement ce qu’est le CPF coconstruit, et surtout en quoi consiste l’évolution récente qui facilite l’abondement et le fléchage des formations ? Cette évolution concerne-t-elle uniquement les entreprises ou ouvre-t-elle également la voie à d’autres financeurs (branches professionnelles, opérateurs publics, etc.) ?

Depuis cinq ans, Mon Compte Formation s’adapte aux besoins des acteurs pour favoriser une logique partenariale entre usagers et financeurs. la plateforme, gérée par la Caisse des Dépôts pour le compte de l’État, facilite l’accès à la formation pour ses 37 millions d’usagers. Elle a aussi pour ambition de permettre aux différents financeurs du CPF, comme France Travail, les régions, mais aussi bien évidemment les employeurs et les branches professionnelles, de venir doter les comptes de ces usagers pour faciliter un projet particulier de retour à l’emploi ou favoriser une évolution professionnelle. Près de 600 M€ supplémentaires ont déjà été mobilisés pour co-construire des parcours professionnels qui répondent aux besoins du marché du travail. En 2025, de nouveaux services sont déployés, visant à simplifier l’utilisation du CPF dans les politiques de formation des entreprises et des branches.

Le 14 avril dernier a marqué une étape importante concernant le CPF. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce qui a changé à cette date précise ?

Depuis 2020, chaque employeur ou autre financeur de la formation professionnelle peut, par le biais d’un portail dédié, le portail des employeurs et financeurs (EDEF), venir co-financer le projet de formation de son ou ses salariés. A l’occasion de nombreux ateliers et focus groups, ces financeurs tiers, et notamment les entreprises, nous ont fait remonter un certain nombre de besoins complémentaires pour qu’ils se saisissent pleinement de cette possibilité, de manière simple et sécurisée. Ces nouvelles fonctionnalités, portées par le décret du 14 avril, viennent répondre à ces attentes, dans une logique d’amélioration continue et d’amplification de la co-construction des parcours.

Ce qui change en 2025 :

Avec un tableau de bord global, la plateforme offre ainsi un outil de suivi sécurisé pour les employeurs tout en simplifiant la co-construction avec les usagers, qui peuvent bénéficier à la fois d’un abondement et de l’exonération de la participation financière obligatoire sans fournir d’autres éléments.

Le ticket modérateur avait été introduit il y a environ un an. Quel bilan peut-on tirer aujourd’hui de sa mise en place ?

La mise en place d’une participation financière obligatoire en avril 2024 visait à responsabiliser l’acte d’achat de formation de la part des bénéficiaires. Nous avons pu constater depuis que le rythme de mobilisation du CPF par les salariés, apres une légère baisse post mise en place de cette participation, a retrouvé une dynamique proche de celle de 2023. Nous constatons par ailleurs une vraie diminution des taux d’annulation, ce qui confirme l’impact de la mesure sur le fait de venir limiter des achats de formation insuffisamment réfléchis. Par ailleurs, il est important de souligner que tout cofinancement du projet de formation exonère d’emblée le bénéficiaire de cette participation financière obligatoire. Un autre argument important pour favoriser la démarche de co-construction des parcours des salariés avec leurs employeurs !

Pourquoi, selon vous, l’entreprise a-t-elle un rôle crucial à jouer dans le CPF coconstruit ? Est-elle réellement bien placée pour orienter le choix des formations ?

 « Le CPF est à l’articulation du libre choix des individus et des besoins des entreprises » a souligné Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l’Emploi, qui a appelé de ses vœux une dynamique amplifiée de co construction, lors de l’anniversaire des 10 ans du CPF, en novembre 2024. 

Cette pratique du co-financement, par les entreprises notamment, doit se renforcer pour développer des compétences stratégiques utiles aux filières tout en permettant à chacun de construire son parcours professionnel en phase avec les besoins collectifs. Astrid Panosyan-Bouvet y voit aussi un moyen d’investir davantage dans l’accompagnement des publics éloignés de l’emploi ou des personnes en phase reconversion.

Pour faciliter ces politiques de co-financement, les équipes de la Caisse des Dépôts assurent un accompagnement « sur mesure » à chaque financeur.

Les financements via la plateforme CPF peuvent également contribuer à relever les enjeux d’attractivité de certaines filières par exemple. C’est dans cette perspective que certaines branches se mobilisent autour du CPF, souhaitant ainsi renforcer l’attractivité de leur secteur, comme l’a fait l’OPCO santé, dont plusieurs métiers sont en tension. C’est ce que nous partageait Jean-Pierre Delfino, à l’époque directeur de l’Opco santé : « Dans notre secteur où les rémunérations ne sont pas à notre main, la formation est un levier important du dialogue professionnel ». 

C’est également un véritable outil d’évolution au sein de l’entreprise, qui peut alors orienter ses financements pour permettre de construire des parcours évolutifs, en permettant des formations longues ou la validation des acquis de l’expérience. Ce co-financement mobilise le salarié et l’organisation qui l’emploie autour d’un même projet. La formation devient ainsi également un vecteur du dialogue social dans des secteurs en pleine mutation. 

Quels défis majeurs les entreprises doivent-elles relever pour réussir à accompagner efficacement leurs salariés dans ce cadre du CPF coconstruit ?

Un employeur a tout intérêt à intégrer le CPF dans sa stratégie de développement des compétences, notamment en co-finançant des formations à impact.

Sans dénaturer le CPF qui reste un droit individuel propre à chaque salarié, il est possible d’en augmenter la portée et l’impact, individuellement comme collectivement, en en faisant aussi pour l’employeur un instrument RH. Le dialogue social autour du dispositif CPF est utile pour répondre à des situations individuelles : projet de reconversion ou de mobilité, recherche d’évolution en gagnant en compétences. Il permet aussi de rassembler toutes les énergies autour d’un objectif partagé, par exemple la transformation environnementale d’une entreprise. A titre d’exemple, la planification écologique nécessitera d’ici 2030 l’évolution des compétences de 8 M d’emplois.

 La plateforme Mon Compte Formation se dote de nouvelles fonctionnalités pour permettre à tous les acteurs, et notamment les employeurs de se saisir pleinement de cet outil.

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