Voici en exclusivité pour CPFormation le premier interview de Mme Carine Chevrier en tant que chef de la DGEFP.
5 questions sur le CPF à Carine Chevrier
CPFormation : Vous avez repris la tête de la DGEFP récemment. Pour ceux qui ne savent pas quelles sont les missions de cette délégation. Pourriez-vous tenter de les expliquer de manière synthétique ?
Au sein du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la raison d’être de la DGEFP est d’accompagner le développement de l’emploi et de favoriser une trajectoire professionnelle de qualité tout au long de la vie pour tous les actifs français, en priorité ceux qui rencontrent des difficultés d’insertion ou de réinsertion.
Pour faire simple, la DGEFP est la direction de l’Etat chargée de la conception et la mise en œuvre des politiques de l’emploi. Elle finance à ce titre différents dispositifs d’accès et de retour à l’emploi et appuie les entreprises confrontées à des mutations économiques, tant en matière d’anticipation des évolutions des filières que en matière défensif. Elle régule également la formation professionnelle en lien avec les acteurs du secteur, les politiques d’apprentissage et assure la gestion de programmes de Fonds social européen (FSE) en France.
Avec un budget de plus de 12 Md€ et 250 agents, nous centrons donc notre action autour de 3 priorités, largement partagées par les acteurs avec qui nous travaillons en concertation (entreprises, acteurs du service public de l’emploi, partenaires sociaux patronaux et syndicaux, collectivités territoriales…) :
- sécuriser les parcours professionnels ;
- agir en faveur d’une économie riche en emplois
- territorialiser les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle.
Pour en savoir plus : Rapport d’activité 2014 de la DGEFP
CPFormation : Le CPF a mis beaucoup de temps à se mettre en place il a désormais rencontré une partie de son public : les demandeurs d’emplois. quels sont les derniers chiffres ?
Au 1e mars 2016, près de 2,8 millions de personnes ont activés leur compte personnel de formation en ligne, et 302 345 formations ont été validées.
2015 a été une année de transition, d’appropriation de la réforme par les acteurs. Le CPF a connu une montée en charge assez lente au 1er semestre, puis une forte accélération au second, d’abord du côté des demandeurs d’emploi puis progressivement des salariés. Et dorénavant, la montée en charge est constante, ce qui est plus qu’encourageant.
Autre chiffre important : la durée médiane des formations financées est de 210 heures, ce qui démontre que la montée en charge se fait en cohérence avec la vocation qualifiante du CPF (par comparaison, la durée moyenne des formations DIF était de 23,5 heures).
CPFormation : Pour autant les employés semblent ne pas prendre en main cet outil qui leur permet de se former sans l’accord de leurs employeurs (s’ils se forment en dehors de leurs temps de travail). Comment faire pour que cette situation s’améliore ?
La mobilisation des salariés dans les entreprises est, de fait, encore assez progressive, et c’est une préoccupation forte de la DGEFP pour 2016. Deux facteurs vont pouvoir accélérer la montée en charge du CPF pour les salariés.
Tout d’abord, les comptes des salariés en heures CPF commencent actuellement à être alimentés : dès à présent, 1 million de salariés peuvent déjà constater que leur compte a été alimenté par les heures CPF correspondant à leur activité 2015. Cette alimentation sera totalement terminée fin avril, et nous allons mener des actions d’information via les réseaux sociaux du ministère pour informer largement sur le sujet.
D’autre part, nous poursuivons l’évolution du site moncompteformation.gouv.fr pour qu’il soit encore plus accessible et facile d’utilisation pour les titulaires, avec un accompagnement à chaque étape. Cette évolution se fait progressivement jusqu’en juin. Elle doit rendre l’accès au système plus simple pour tous, de l’activation du compte jusqu’au montage du dossier de formation.
CPFormation : Le marché de la formation est en pleine mutation et les organismes de formations sont en grande difficulté. Nombreux d’entre eux ferment, car ils ne parviennent plus à travailler avec les OPCA qui sont leur unique financeur pour la plupart. Emmanuelle Wargon avait peu avant son départ adressé une lettre aux OPCA pour faciliter les échanges et la manière de travailler. Cette lettre n’a pas été prise en considération et les relations entre OPCA et organismes de formations ne se fluidifient pas. Que peut-on faire pour uniformiser et améliorer les relations entre OF et OPCA.
Les circuits de financement ont été mis en place dans des délais très courts, malgré quelques incertitudes initiales, et ont permis aux actifs – et notamment aux demandeurs d’emploi – de mobiliser leur compte dès le printemps 2015. Il est nécessaire de reconnaître et de saluer l’implication de tous les acteurs (entreprises, administration et OPCA) dans le déploiement du CPF.
Nous avons déjà prolongé la mesure prise en 2015 pour l’année 2016, qui permet aux OPCA d’imputer les abondements sur la dotation CPF en plus des heures elles-mêmes. C’est une mesure qui a été l’an passé un vrai accélérateur à l’utilisation du CPF.
Je reste en outre persuadée que les évolutions du système d’information seront très structurantes pour les OPCA et constitueront un levier permettant d’uniformiser et d’harmoniser certains process. C’est pourquoi je vais faire en sorte, avec le COPANEF, que ces évolutions se poursuivent et s’accélèrent, au-delà de ce qui est envisagé à ce stade pour fin juin. Et dans ce cadre, la contribution et les retours d’expériences d’organismes tel que les vôtres pourra nous être utile.
Enfin, le décret relatif à l’identification des organismes ayant la capacité de mener des actions de qualité doit permettre d’instituer des relations renouvelées de confiance entre les dispensateurs de formation et les financeurs. Cela va également améliorer les processus de contrôle de service fait, en privilégiant l’atteinte des objectifs et la qualité des actions et en mettant en œuvre des mesures de simplifications pour traduire cette relation de confiance.
CPFormation : Quelles sont selon vous les actions à mettre en place pour aider Clotilde VALTER à « Doper le CPF » ?
Je souhaite tout d’abord vraiment rappeler que le CPF constitue un volet de la réforme de la formation professionnelle lancée en mars 2014, mais que ce n’est pas le seul. Cette réforme a permis de remettre à plat le système de la formation professionnelle dans sa globalité, pour plus d’efficacité et une action accrue en direction des actifs qui en ont le plus besoin.
Il y a bien d’autres dispositions dans cette réforme, et notamment trois autres piliers essentiels : la fin de l’obligation fiscale de dépenses, l’entretien professionnel et le conseil en évolution professionnelle (CEP). Or, tant la montée en charge des entretiens professionnels que du CEP vont avoir un impact positif sur le CPF en 2016, en continuant à mieux le faire connaitre et en incitant les salariés comme les demandeurs d’emplois à en bénéficier pleinement. Nous allons donc continuer à œuvrer activement, avec nos partenaires, à la mise en œuvre de ces dispositifs.
Et puis nous préparons la mise en place du compte personnel d’activité (CPA), dont les contours seront précisés par la loi qui sera bientôt présentée au Parlement.