Réalisée par l’Igas, l’évaluation des conventions d’objectifs et de moyens des Opca et Opacif, est l’occasion de faire le point sur leur bilan, et d’en tirer quelques enseignements pour leur transformation à venir.
Par lettre du 31 août 2017, la ministre du travail a saisi l’Igas, Inspection générale des affaires sociales, d’une mission d’évaluation des Conventions triennales d’objectifs et de moyens (COM) conclues par l’Etat et les Organismes paritaires collecteurs agréés des contributions au financement de la formation professionnelle (Opca).
Frédéric Remay et Véronique Wallon, inspecteurs généraux des affaires sociales, ont été désignés en septembre 2017 pour conduire cette mission. Ils ont été rejoints en novembre 2017 par Laurent Caussat, inspecteur général des affaires sociales.
Les 20 Opca, Organismes paritaires collecteurs agréés pour la collecte des contributions au financement de la formation professionnelle continue et les 25 Opacif, Organismes paritaires collecteurs agréés pour la collecte de la contribution au financement du congé individuel de formations gèrent aujourd’hui près de 7 milliards d’euros de contributions des entreprises. Cette manne financière est destinée au financement des différents dispositifs de la formation professionnelle continue. C’est plus du 1/3 de la dépense globale de formation continue et d’apprentissage (hors fonction publique) qui est de près de 20 milliards d’euros.
Selon les textes, les Opca :
“collectent les contributions des entreprises à la formation professionnelle, informent et sensibilisent les entreprises, notamment les TPE-PME, dans l’analyse de leurs besoins en matière de gestion prévisionnelle des compétences et de formation, s’assurent de la qualité des formations dispensées, et contribuent au financement de l’ingénierie et des dispositifs de formation et de qualification, en application d’accords de branche ou d’accords collectifs d’entreprise.”
En pratique, l’évaluation de l’Igas souligne le fait que :
” l’activité des Opca diffère très largement selon la nature de leur agrément sur le champ de la formation professionnelle, leur périmètre et la complexité de leur organisation, leur taille, la structure des entreprises adhérentes et les politiques mises en œuvre par les branches qui les gouvernent.”
Ainsi on a deux Opca interprofessionnels et interbranches (Agefos-PME et Opcalia), cinq Opca monobranches (Anfa, Fafiec, Faftt, Ocaim, Unifaf) et treize sont pluri-branches.
Par ailleurs, les branches professionnelles adhèrent à l’Opca de leur choix, et ce choix ne relève pas toujours d’une logique de filière économique. Le rapport de l’Igas donne l’exemple de l’industrie de transformation des volailles, rattachée à Opcalia alors que les autres industries agro-alimentaires relèvent d’Opcalim.
Bilan des Conventions triennales d’objectifs et de moyens
Les Conventions triennales d’objectifs et de moyens (COM) conclues entre l’Etat d’une part, les Opca et les Opacif d’autre part, ont été créées par la loi du 24 novembre 2009.
Deux conventions triennales ont ainsi été conclues, pour les années 2012-2014 puis pour la période 2015-2017, et un avenant 2018 est en cours de signature pour chaque organisme dans l’attente de la mise en œuvre de la réforme de la formation professionnelle.
De la gestion des frais de gestion….
La première génération de COM a été centrée essentiellement sur le contrôle de l’évolution des dépenses des Opca / Opacif et la volonté de l’Etat d’appréhender plus précisément les pratiques et les résultats de leur gestion.
L’encadrement des frais des Opca et des Opacif repose alors sur deux leviers :
- un levier réglementaire : des plafonds de frais de gestion, à 7,6 % de la collecte pour les Opca, et à 11 % de la collecte pour les Opacif, complétés, au sein des frais de missions, par des plafonds spécifiques pour les frais afférents aux observatoires, aux études et recherches et aux diagnostics ;
- un levier conventionnel, habilitant les COM de première génération à fixer les taux de gestion au titre de l’accompagnement des entreprises et de l’information conseil.
Ainsi, les COM de première génération sont des documents lourds et complexes, avec plus de 153 catégories de données à fournir (et un nombre effectif de données, chiffrées ou littérales, proche de 200), dont 113 pour les seuls frais de gestion.
Le cadre prévu pour les Opca a été ensuite adapté aux Opacif. Compte tenu de leurs missions, il comporte un nombre plus limité de catégories de données (73 catégories dans les annexes relatives aux frais de gestion, contre cent treize pour les Opca). Pour les Opca qui sont également Opacif, un seul document réunit les deux conventions.
… à la mise en oeuvre des politiques de la formation professionnelle
A partir du bilan des COM 2012-2014, le cadre contractuel de la deuxième génération de COM a été simplifié. Ainsi la 2e génération a infléchi sensiblement cette approche en simplifiant l’exercice et en portant le dialogue sur les conditions de mise en œuvre des politiques de la formation professionnelle, notamment en accompagnement de la réforme du 5 mars 2014.
Dans le suivi de la deuxième génération des COM, le dialogue Etat – Opca / Opacif a davantage porté sur les politiques menées par les organismes. Mais la construction des conventions n’a pas suivi cette pratique et est restée centrée sur les taux de gestion, jusqu’à l’avenant 2018. cet avenant s’apparente pour les Opca à l’ébauche d’une troisième génération de COM.
L’avenant pour 2018 propose 4 objectifs portant sur les politiques de formation, dont deux obligatoires et deux spécifiques à chaque organisme ce qui permet de« personnaliser » les COM en s’éloignant du modèle unique. Sur le fond, il comporte 2 objectifs sur les politiques de formation à destination respectivement des TPE-PME et des demandeurs d’emploi pour l’ensemble des OPCA.
Quel bilan avant la transformation des Opca ?
L’appréciation de l’efficacité et de l’impact des politiques menées aurait gagné à être mesurée par des indicateurs de résultats et pas seulement des données relatives aux moyens mis en œuvre.
La mission a pu constater que certains axes prioritaires fixés par la loi, tels la mutualisation en faveur des TPE et PME, sont inégalement appliqués par les organismes et peu contrôlés par l’administration.
Le choix, jusqu’à l’avenant 2018, d’adopter un cadre unique ne s’est pas avéré adapté à la réalité d’un ensemble d’organismes dont les missions sont juridiquement communes mais les cadres d’action hétérogènes.
Par ailleurs, le rapport souligne l’absence de dimension territoriale :
“Les COM sont préparées et signées au niveau national, selon une logique verticale parallèle à celle des branches. Le déploiement territorial des engagements des organismes est assez largement ignoré par ces documents, alors même qu’il constitue un élément essentiel de l’action publique en ce domaine compte tenu du rôle de pilote en matière de formation professionnelle continue confié aux Régions par la loi.”
Toutefois, l’ensemble des représentants des Opca / Opacif rencontrés par la mission à ce jour se déclare satisfait de la teneur du dialogue avec la DGEFP, et souligne en particulier l’évolution positive qu’a connu ce dialogue vers des échanges à la fois plus opérationnels et de meilleur niveau au regard des objectifs de politiques publiques.
De collecteur à opérateurs de compétences
La réforme annoncée de la formation professionnelle porte en elle une transformation profonde du rôle des Opca, qui ne seront plus collecteurs mais « opérateurs de compétences ». Cette évolution est largement amorcée depuis une dizaine d’années, avec la délégation aux Opca et Opacif par l’Etat de certaines « missions d’intérêt général » telles que la gestion des droits des salariés en matière de formation continue, et le conseil ou l’accompagnement des entreprises en matière de gestion prévisionnelle des compétences. Mais le projet actuel l’accélère fortement.
Consultez l’évaluation complète : http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-127R.pdf