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Interview d’Audrey Richard, Présidente de l’Association nationale des DRH

Audrey Richard ANDRH

Audrey Richard ANDRH

Audrey Richard, Présidente de l’Association nationale des DRH fait le point avec nous sur la façon dont les DRH concilient les urgences engendrées par la crise sanitaire qui perdure et les questions RH / Formation.

Audrey Richard ANDRH

Comment se portent les équipes RH aujourd’hui ?

Les équipes RH sont toujours en première ligne, avec cette crise sanitaire dans laquelle nous sommes plongés depuis de longs mois. On doit faire face à une quadruple crise : économique, sociale, psychologie et sanitaire. Les équipes RH restent au cœur de tout ce qu’il faut mettre en place avec leurs Présidents, avec les responsables de crise pour y faire face. Si les équipes tiennent la route, c’est extrêmement difficile en termes de charge de travail, et en termes de charge émotionnelle. Les DRH se battent pour garder les emplois dans leurs entreprises.

Mais il faut noter que cette période a permis de mettre sur le devant la fonction RH. Cela a donné l’occasion de mieux connaître nos missions, d’avoir une vision moins parcellaire de nos métiers et de mieux nous connaître.

Quelles sont les alertes posées par les RH actuellement ?

Les équipes nous font part d’alertes récurrentes, notamment sur des problématiques de santé, ou sociale. Avec la crise et le télétravail, nous entrons chez nos collaborateurs. Il est alors parfois difficile de prendre la distance nécessaire. Même si l’on a été formé à cela dans notre parcours RH, cela reste complexe à gérer au niveau humain et émotionnel. Et cette difficulté est encore plus grande pour les représentants syndicaux et les managers.

C’est pourquoi sur le terrain, les DRH proposent à leurs managers des formations pour détecter les signaux faibles et aussi pour développer la notion de prise de hauteur. Dans la première phase de la crise, nous avions accompagné les managers à manager à distance. Aujourd’hui, cet aspect est plutôt maîtrisé, et il faut accompagner nos équipes pour se mobiliser sur ces questions de mal-être généré par la pandémie, par exemple.

Fin 2020, la possibilité de dotations supplémentaires au CPF des salariés a été ajoutée à la plateforme MonCompteFormation. Comment les services RH se sont saisis ou envisagent-ils de se saisir de cette opportunité ?

Avec l’activité partielle, le dispositif FNE Formation a vraiment été mobilisé depuis le début de la crise, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Par contre, si les équipes sont au courant des abondements possibles au CPF, elles ont peu ou pas investi cette opportunité, faute de temps à y consacrer.

Lors de la première vague du Covid, le recours à la formation a permis de faire évoluer entreprises et collaborateurs sur la partie digitale. On estime que les entreprises ont gagné deux ans en maturité numérique. Aujourd’hui les entreprises travaillent sur le développement des compétences à travers des accords GEPP (Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels). Cette approche globale nous semble essentielle pour une vision d’ensemble de l’évolution des métiers dans chaque entreprise.

Quelle place pour la co-construction dans le plan de développement des compétences ?

Pour accompagner l’activité de leur entreprise, les DRH sont très sensibles aux sujets d’évolution des métiers, qu’ils concernent de nouveaux métiers ou mettent en exergue les métiers en tension. Les échanges avec les partenaires sociaux sur ces sujets sont très animés.

Réfléchir aux abondements, au CPF co-construit, doit passer par un travail de fond sur les activités en tension, ceux en évolution et ceux en disparition. Il faut pouvoir communiquer sur ces points en interne. Il faut ensuite que les salariés eux-mêmes se saisissent de la question de l’évolution ou de la disparition de leur métier pour chercher à se former. Un dialogue constructif doit se mettre en place avec les RH. Plus qu’à la co-construction, à l’ANDRH nous travaillons à la prise de conscience d’une co-responsabilité en matière de formation.

Vous avez évoqué l’idée d’un abondement par l’Etat du CPF pour les seniors. Comment les RH peuvent contribuer à encore mieux accompagner les salariés seniors ?

Les seniors ne sont pas aujourd’hui prioritaires dans la formation, et nous le déplorons car leur place dans l’entreprise comme dans la société est capitale. Il faut miser sur leurs compétences et connaissances. Hélas, des stéréotypes sur les seniors ont la vie dure : ils feraient preuve de moins d’adaptabilité que les plus jeunes ou auraient un déficit d’usage des nouvelles technologies. Au sein de l’ANDRH, nous avons mis en place un groupe de travail sur la place des seniors et devrions proposer prochainement à nos adhérents des ateliers pour sensibiliser sur la place des seniors.

Comment les RH ont accueilli le nouveau dispositif “Transitions collectives” ? L’ont-ils déjà investi ?

Nous venons de mener une enquête auprès de nos adhérents sur ce point. Il en ressort que 64 % des répondants indiquent ne pas être concernés par le dispositif. Ils disent aussi que ce dispositif n’est pas assez connu : 26 % affirment ne pas le connaître ou ne pas savoir cibler le bon interlocuteur sur le sujet ; 9 % le trouvent trop complexe à mettre en œuvre.

A l’ANDRH, nous avons un travail de pédagogie à faire auprès de chacun pour expliquer le dispositif et accompagner les équipes RH dans son déploiement.

Enfin, en quoi la formation peut-elle être le levier dont les entreprises doivent se saisir, via les RH, en cette période de crise qui dure ?

La formation est capitale dans une politique RH. Suite à l’identification des métiers qui sont en évolution / en tension / en voie de disparition, la mise en place d’une véritable politique de formation est importante. C’est ce qui va permettre d’enclencher des plans de développement des compétences adaptés. Dans une grande entreprise, on a les équipes pour faire cela. Dans une PME, il est plus difficile de se mobiliser sur le sujet et d’avoir une vision prospective.

La formation est une responsabilité de l’entreprise et c’est pour cela que nous avions fortement réagi au lancement du CPF : nous avions alors le sentiment qu’on nous enlevait les budgets de formation pour tout mettre dans la main du salarié qui n’avait peut-être pas ce recul que possède les équipe RH sur les évolutions de compétences.

Aujourd’hui face à l’obsolescence de certains métiers, on a besoin de programme de Reskilling (pour changer de métier) ou de Upskilling (pour augmenter les compétences existantes dans un contexte de métier en mutation). Cela permet de résister à la crise, de faire face aux évolutions technologiques, ou aux évolutions des façons de travailler (modes de management, etc.). La formation des salariés et des managers est vitale pour que l’entreprise soit à la hauteur de ce qu’on attend d’elle, à savoir développer le business.

Propos recueillis par Sandrine Damie – Mars 2021

Pour compléter cet entretien autour des RH et de la formation

Interview d’Audrey Richard – juin 2020

Formation en entreprise : qu’en pensent les salariés et les DRH ?

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