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Réforme de la formation professionnelle : allons jusqu’au bout !

Dans une note publiée aujourd’hui, Bertrand Martinot, économiste et Senior Fellow au sein de l’Institut Montaigne appelle le gouvernement et les partenaires sociaux à procéder à une réforme en profondeur. Il y formule douze propositions pour que les changements opérés sur notre système de formation professionnelle aillent jusqu’au bout de la logique d’individualisation nécessaire à son bon fonctionnement.

1. La formation professionnelle : un système encore défaillant

Le compte personnel de formation (CPF), entré en vigueur en janvier 2015 et intégré à partir de janvier 2017 par la loi El Khomri au compte personnel d’activité (CPA), représente un premier élan dans le sens de la constitution de comptes de formation individuels. Cependant, trois ans après sa création, ce compte reste méconnu et peu utilisé (moins de cinq millions de salariés ont “activé” leur CPF, sur les 30 millions d’actifs potentiellement éligibles et 1 % seulement des salariés du secteur privé y ont effectivement recours).

Notre système de formation professionnelle dysfonctionne pour les raisons suivantes :

Le parcours aboutissant à la mobilisation du CPF par le salarié est particulièrement compliqué. Il est soumis à l’accord de l’employeur quant au contenu et au calendrier et la formation doit figurer sur l’une des centaines de listes fixées administrativement par les partenaires sociaux ;

Si 59 % des actifs français déclarent avoir déjà suivi une ou plusieurs formations durant leur carrière, ce chiffre cache une réalité hétérogène. En effet, les cadres et professions intermédiaires ont un taux d’accès respectif à la formation de 71 % et 64 % quand celui des employés et des ouvriers est de 45 % et 39 %. Les plus qualifiés sont donc aussi les plus formés. Le système bénéficie aux salariés les mieux outillés pour s’adapter au changement.

L’inégalité ne s’arrête pas là. La taille de l’entreprise est un facteur discriminant : quand le taux d’accès à la formation est de 15,6 % pour les petites PME (10 à 19 salariés), il atteint 49,8 % pour les ETI (250 à 1 999 salariés) et 55,9 % pour les grandes entreprises (plus de 2 000 salariés).

Enfin, la valorisation de ces droits se fait en heures, ce qui renforce les inégalités entre salariés : une heure de formation d’un cadre est généralement plus coûteuse qu’une heure de formation d’un ouvrier ou d’un employé.

61 % des Français interrogés par Elabe déclarent ne pas avoir suivi de formation professionnelle car leur employeur ne leur en a pas proposée. Pour une grande partie des actifs, la formation est vécue comme une prescription médicale faite par le chef d’entreprise et non comme un choix dont ils devraient être les principaux acteurs. La place centrale accordée aux branches professionnelles et à leurs opérateurs, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), dans le pilotage et le financement de la formation professionnelle, renforce cette logique. La formation est proposée par l’entreprise à ses salariés. Ces derniers ne disposent pas du financement nécessaire et ne sont pas incités à co-investir soit en temps, soit financièrement.

1,3 milliard d’euros pour environ 30 millions d’actifs concernés : 1 milliard d’euros pour les actifs en emploi et 300 millions d’euros pour les chômeurs.

Ajoutons à cela l’absence d’évaluation de la performance de notre système qui est patente. Les acteurs, très dispersés, de la formation professionnelle continue n’ont pas été capables de créer des institutions compétentes, raisonnablement indépendantes et capables de faire un travail scientifique sur le sujet, sur le modèle de BiBB en Allemagne. Par ailleurs, comme tous les secteurs d’activité, celui de la formation professionnelle est bousculé par la digitalisation. D’après le baromètre Cegos, la France accuserait un retard préoccupant par rapport à ses concurrents en matière de digitalisation des formations proposées aux salariés. En 2016, seuls 34 % des salariés français ont bénéficié d’une formation en ligne, contre 62 % au Royaume-Uni. Pourtant, les innovations technologiques pourraient permettre de contourner la problématique d’accès à la formation professionnelle mais aussi de développer une offre de formation sur-mesure.

→ Pour en savoir plus : consultez le rapport d’Estelle Sauvat et de Bertrand Martinot, publié par l’Institut Montaigne en janvier 2017, “Un capital emploi formation pour tous”.

2. Les clés d’une vraie réforme

Nous proposons d’aller au bout de la réforme, notamment en :

Le CEF, dont le schéma complet est présenté dans l’étude « Un capital emploi formation pour tous », co-rédigée par Bertrand Martinot et Estelle Sauvat pour l’Institut Montaigne en janvier 2017, est une rupture fondamentale par rapport au CPF, puisque l’on passerait de la notion de financement d’heures de formation à celle d’achat de « parcours de reconversion professionnelle ». Cet outil, valorisé en euros, ne serait pas restreint à des formations fixées administrativement par les partenaires sociaux : il pourrait être mobilisé librement par l’actif, chômeur ou salarié, non seulement pour bénéficier des prestations de formation professionnelle, mais aussi pour acheter sur le marché, des prestations de type « conseil en évolution professionnelle » auprès d’organismes dûment certifiés.

 

Pour pallier les inégalités du système actuel, les publics les plus éloignés de l’emploi, particulièrement sensibles à ce type d’accompagnements, seraient ciblés spécifiquement, notamment via le programme d’investissement dans les compétences (PIC) : doté d’environ 13,8 milliards d’euros, il aurait pour objectif de financer sur cinq ans la formation d’un million de chômeurs adultes et d’un million de jeunes ayant peu ou pas de qualification.

Le financement du CEF, en partie mutualisé, serait beaucoup plus important (0,2 % CPF + 0,2 % CIF + 0,1 % FPSPP pour les chômeurs). Nous proposons de doter le CPF de 1 à 2 milliards d’euros supplémentaires en y ajoutant d’autres ressources significatives : le versement défiscalisé de congés ou de RTT, une partie des indemnités de rupture des contrats de travail. Enfin les régions et Pôle emploi joueraient naturellement un rôle de solidarité vis-à-vis des demandeurs d’emploi n’ayant pas accumulé suffisamment de fonds dans leur CEF.

Il est également essentiel de repositionner les OPCA. Ils ont deux rôles importants à jouer:

Enfin, la transparence des OPCA, de leur fonctionnement, et de leurs frais de gestion est une nécessité absolue. Nous souhaitons donc que les conventions d’objectifs et de moyens qui lient les OPCA et l’Etat soient publiées. Les salariés, les entreprises et les indépendants doivent pouvoir prendre connaissance de manière précise des indicateurs d’activité et de performance des OPCA auxquels ils versent des contributions.

Afin d’évaluer les formations et de conseiller au mieux les bénéficiaires dans leur choix, nous proposons notamment de créer le FormAdvisor ou TripAdvisor de la formation professionnelle. Cela contribuerait à la transparence et à une qualité accrue du système.

12 propositions pour une véritable réforme de la formation professionnelle :

Télécharger la note et l’enquête ici :

Cette note était pour nous l’occasion d’échanger avec Bertrand Martinot, qui a pu nous éclairer sur quelques conflits et différents points de vue qui pour un non-initié du domaine de la formation sont tout simplement incompréhensibles. Retrouvez notre échange sur cette page : Bertrand Martinot, contributeur à l’institution Montaigne et DG adjoint des services, dév économique, de l’emploi et de la formation chez Région Ile-de-France.

 

 

 

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