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Sous-traitance CPF : pourquoi la fin des formateurs étrangers est actée (et pourquoi c’est une absurdité)

Depuis la dernière mise à jour réglementaire, l’État encadre plus strictement la sous-traitance dans le cadre du CPF (Compte Personnel de Formation). L’idée ? Limiter les fraudes et responsabiliser les organismes de formation.
Mais pour beaucoup d’acteurs, surtout dans les langues, la conséquence est claire : impossible, ou presque, de continuer à travailler avec des formateurs basés à l’étranger.

Ce que dit la règle (en version simple)

👉 Si vous êtes organisme de formation, vous êtes 100 % responsable de la qualité de la prestation CPF.👉 Si vous sous-traitez, vous devez :

✅ Déclarer la sous-traitance (via EDOF)
✅ Encadrer la relation (contrat clair, traçable)
✅ Vérifier (et c’est là que ça se complique) que votre sous-traitant est :
✅ Déclaré comme organisme de formation (NDA)
✅ Certifié Qualiopi pour l’action sous-traitée s’il dépasse un certain chiffre d’affaires annuel – Seuil actuel : 72 000 € de chiffre d’affaires par an (pour un entrepreneur individuel, par exemple).
✅ En règle sur toutes ses obligations administratives (bilan pédagogique et financier, fiscalité, etc.)

Et pour un prestataire étranger ?

C’est là que ça devient irréaliste.
Un formateur basé à New York, Londres ou Tokyo devrait :
1️⃣ Obtenir un NDA en France
2️⃣ Produire un bilan pédagogique et financier chaque année en France
3️⃣ Réaliser un audit Qualiopi, avec une présence physique
4️⃣ Déclarer ses revenus en France

👉 Quand on échange avec le législateur, on nous répond qu’en pratique, l’organisme donneur d’ordre peut « porter » le NDA de ses prestataires indépendants… Mais qui va déclarer le bilan pédagogique et financier ? L’OF donneur d’ordre ? Franchement, c’est infaisable. Et quand on interroge les DREETS, elles disent n’avoir aucune information claire pour le moment — ce qui n’est pas surprenant au vu de la complexité.

👉 Autrement dit : mission impossible pour un freelance indépendant basé à l’étranger.

La formation linguistique : grande perdante

Dans les langues, beaucoup d’organismes travaillent avec des profs natifs, installés dans leur pays d’origine. C’est même souvent un gage de qualité.
Mais demain, tous ces profils sortent du CPF, sauf s’ils passent sous un NDA français et font toutes les démarches fiscales. Autant dire que ça n’arrivera pas.

Résultat : pour continuer à bénéficier d’un formateur natif basé à l’étranger, il faudra passer par un autre mode de financement :

👉 soit un plan de développement des compétences financé par votre employeur ou votre OPCO,
👉 soit un paiement direct de votre poche. Mais on sait tous que le marché de la formation linguistique payée en direct par l’individu n’existe plus car il n’y a que deux marchés véritables pour le B2C :

✅ soit vous êtes sur un marché de quelques euros par mois pour une appli mobile, qui n’a pas pour vocation réelle de vous faire progresser mais plutôt de vous rendre accro à votre téléphone,
✅ soit vous êtes sur de la formation professionnelle sérieuse, fortement dépendante de la pratique réelle avec des coachs d’une qualité irréprochable et celle-ci, par définition, repose aujourd’hui sur le CPF pour être accessible.

La grande absurdité : le e-learning « poubelle » favorisé

Pendant que ceux qui font vivre une vraie relation pédagogique doivent justifier chaque heure, chaque intervenant et chaque contrat, ceux qui vendent du contenu 100 % en ligne sans aucun formateur n’ont aucune contrainte. Pas de NDA, pas de Qualiopi pour un tiers, pas de contrat de sous-traitance, aucun contrôle sur la qualité humaine puisqu’il n’y a plus d’accompagnement réel.

On en arrive à pousser un modèle où l’apprenant reste seul devant des modules e-learning standardisés, souvent peu engageants, validés par des tests automatisés. Est-ce vraiment cela, l’esprit du CPF ? Remplacer l’échange humain par du contenu figé, vendu plus facilement ?

Je comprends qu’il faille réguler pour écarter les coquilles vides et j’y contribue volontiers. Mais les contraintes sont devenues si lourdes pour les formateurs indépendants, qu’ils soient français ou étrangers, qu’on finit par les exclure. Pour un formateur étranger, gérer l’administratif français est tout simplement irréaliste.

Pendant ce temps, les opportunistes s’adaptent. Ils vendent du contenu prêt à consommer, sans accompagnement, car c’est plus simple et plus rentable. L’apprenant, lui, risque d’acheter un module qu’il ne finira jamais et une certification qu’il ne passera pas. Au fond, c’est l’apprenant qui y perd.

Une question de cohérence

Beaucoup d’acteurs de la formation linguistique le constatent :
Certaines plateformes grand public proposent uniquement du contenu 100 % e-learning, sans aucun formateur humain pour accompagner réellement les apprenants.
Pourtant, certains de leurs certificats sont inscrits au Répertoire Spécifique, alors qu’ils relèvent davantage d’un test automatisé que d’une véritable certification reposant sur une évaluation pédagogique fine et un échange humain.

👉 Bref, pendant qu’on verrouille la sous-traitance de vrais experts humains, on laisse la porte grande ouverte à des « usines à contenus », sans contrôle de qualité réel.
On en arrive à ce paradoxe : le CPF prétend soutenir l’acquisition de compétences concrètes, mais finit par favoriser le contenu standardisé plutôt que la pratique vivante et individualisée.

En résumé : un signal clair pour les prestataires étrangers

✔️ Pour un prestataire étranger, c’est fini, sauf exception rarissime.
En pratique, les barrières administratives (NDA, bilan pédagogique et financier, fiscalité, audit Qualiopi) rendent le modèle tout simplement infaisable.

Conclusion

Dire aujourd’hui que l’on peut sous-traiter un formateur étranger dans le cadre du CPF relève presque de la théorie. En pratique, chacun aura compris que cela devient impossible. À l’inverse, vendre du contenu e-learning standardisé reste non seulement possible, mais même facilité et encouragé.

Chez Lingueo, nous n’avons pas l’intention de contester ce nouveau cadre. Nous n’avons pas pour habitude de nous engager dans un combat perdu d’avance. Nous avons déjà mis en place toutes les solutions techniques et organisationnelles pour rester pleinement en conformité, sans compromettre la qualité de notre accompagnement ni la sécurité de nos partenaires, mais à quel prix.

Ce qui interroge, malgré tout, c’est la logique qui se dessine derrière ce texte. Car sous couvert de lutter contre la fraude, la réglementation finit par restreindre la créativité pédagogique, freiner l’innovation et orienter tout un marché vers des offres plus figées, moins ouvertes sur le monde et parfois bien éloignées des besoins réels des apprenants.

C’est toujours une déception de constater qu’au lieu d’encourager des approches hybrides intelligentes, qui marient accompagnement humain et autoformation de qualité, la loi ferme aujourd’hui une porte qui, pour beaucoup, faisait la richesse même de la formation linguistique.

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