Le Garf vient de mener une enquête auprès de sa communauté, et il en ressort un certain scepticisme quant à la portée de la réforme de la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Sylvain Humeau nous permet un zoom sur les attentes du Garf et de ses adhérents.
Sylvain Humeau, pouvez-vous nous rappeler les missions principales du GARF ?
Acteur de référence, le Garf est une association loi 1901, implanté sur la toute la France et engagé dans le développement des compétences. Créé́ en 1954, le Garf est la première communauté́ de professionnels et de Responsables Formation en entreprise, tout secteur d’activité́, issus de la sphère publique, économique et sociale.
Les principales missions du Garf :
- Accompagner ses adhérents dans un contexte de transformation des organisations et missions de la fonction formation,
- Fournir un espace de réflexion, de partages de pratiques, d’échanges et de retours d’expériences sur des problématiques RH, Formation et développement des compétences,
- S’inscrire dans un réseau de professionnels, pour participer au débat d’idées, aux avancées des pratiques professionnelles, contribuer par l’engagement associatif, aux réflexions nationales et législatives.
Vous venez de mener une enquête auprès de nombreux Garfistes, et il en ressort un certain scepticisme quant à la portée de la réforme de la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Sur le CPF et les abondements possibles, quelles sont vos attentes ?
Sur les abondements au CPF, d’une part nous souhaitons l’homogénéité selon les régions pour bénéficier d’abondements pour le financement des formations des demandeurs d’emploi car les disparités régionales à ce jour posent problème.
D’autre part, nous souhaitons avoir la possibilité de payer les formations avec un échéancier.
De nombreux salariés sollicitent le CPF pour une formation sur leur temps de travail. Comment souhaiteriez-vous voir évoluer le dispositif sur ce point ?
La formation doit être considérée comme un temps indispensable au maintien des compétences. si le CPF est mobilisé en lien avec l’emploi occupé ou une évolution de l’emploi, le CPF doit être un levier mobilisable de manière souple en accord entre l’employeur et le salarié pendant ou hors temps de travail, sans pour autant être un prétexte pour ne pas assumer les responsabilités de l’entreprise dans la formation.
On sait qu’un grand nombre de salariés ne se forment jamais ou très peu alors que l’arsenal réglementaire en droit français est conséquent et que les besoins de compétences ne cessent d’évoluer. On constate aussi que les droits à formation issus du CPF ne sont pas tous utilisés. Il faut donc inciter les salariés à l’utiliser et poursuivre les efforts de lisibilité sur l’offre de formation ainsi que sur le conseil en formation, car si pour certains les droits tombent dans l’oubli, d’autres peuvent fondre comme neige au soleil pour des formations non adaptées avec un coût très élevé.
Se former Tout au Long de la Vie est un droit, et une opportunité à saisir !
Autre frein : la complexité …plus on annonce de la simplification, plus c’est compliqué : il faut être en capacité de repérer de la “bonne” formation, de faire financer sa formation, d’anticiper plusieurs mois à l’avance la démarche, de s’organiser en conséquence… c’est incompréhensible pour qui n’est pas du métier de comprendre et de se repérer dans toutes les formations et le système !
En 2018, nous avons fait une proposition d’amendement qui n’a pas été retenue. De la même façon que pour les RTT, pourquoi ne pas envisager de faire don de tout ou partie de son CPF afin d’aider au financement d’un projet professionnel important ? Cela serait pertinent notamment pour les personnes qui n’ont pas le besoin d’utiliser leur CPF, soit parce qu’ils n’ont pas de réels besoins formation, soit parce que leur entreprise leur permet déjà largement de se former via le plan de développement de compétences.
Selon vous Monsieur Humeau, quelle place doit avoir la co-construction dans la mobilisation du CPF par les salariés ?
Le CPF est un outil d’aide au développement des compétences individuelles. Nous pensons ainsi qu’il est de la co-responsabilité avec l’employeur, de construire un parcours intelligent qui permet (doit permettre) l’employabilité du salarié et de répondre aux besoins de l’entreprise. Cela doit donc se faire dans la concertation. L’avis sur l’utilisation du CPF est toujours requis.
Nous pensons qu’il convient d’être vigilant sur les pratiques d’abondements automatiques qui poussent les employeurs à envoyer en formation des salariés sans pertinence avec la progression en compétences ou le besoin/motivation du salarié. Il faut que le salarié trouve non seulement de l’intérêt à se former mais de la satisfaction, de la reconnaissance de la valorisation (ne pas négliger le facteur humain du plan de formation). C’est ainsi que nous pensons que la co-construction favorisera l’adhésion.