L’obligation de négocier des accords de GPEC dans de nombreuses entreprises, singularité française, a permis de générer du dialogue social autour des enjeux de compétences. Le Réseau Emplois Compétences (REC) s’est appuyé notamment sur cette dynamique pour étudier la place des compétences dans l’entreprise. Zoom sur les principaux enseignements qu’il ressort de ce rapport.
Lancé en 2015, le Réseau Emplois Compétences (REC) est un réseau d’observation et de prospective des emplois et des compétences réunissant des représentants de l’Etat, des partenaires sociaux, des Régions, des observatoires de branches, des représentants du monde de l’entreprise, des organismes producteurs de travaux d’observation et de prospective. Ce réseau est animé par France Stratégie.
Dans son rapport « Quelle place pour les compétences dans l’entreprise ? », le REC dresse une série de recommandations en direction des acteurs institutionnels de l’accompagnement pour mieux répondre aux attentes des entreprises, en particulier des TPE-PME, en inscrivant davantage leur offre de services dans une logique de réponse personnalisée à leurs besoins.
La compétence, une ressource au service des objectifs de l’entreprise
Le rapport éclaire sur les différentes façons d’appréhender la notion de compétences au sein d’une entreprises, les approches de GPEC très formalisées étant largement développées dans les grandes entreprises, les TPE/PME étant plus éloignées d’une gestion formalisée faute de service RH dédié. Le rapport précise :
« La compétence est avant tout une ressource au service de l’atteinte des objectifs opérationnels et stratégiques des entreprises. Une majorité d’entre elles partagent de prime abord cette vision. Interrogées sur leurs représentations de la notion de compétence, elles la relient à des enjeux largement opérationnels : performance économique et besoins de main-d’œuvre. (…) Outre des processus RH, la compétence est ainsi tributaire d’une dynamique de travail qui s’exprime notamment à travers le contexte organisationnel et les modes de management. Individuelle ou collective, elle se construit au sein de l’entreprise, en interaction avec son écosystème ».
Certaines entreprises développent les compétences de leurs collaborateurs sans avoir formalisé de démarche. Il peut s’agir de la mise en place de tutorat lors d’un recrutement, d’ateliers professionnels, etc. :
« Outre des processus RH, la compétence est ainsi tributaire d’une dynamique de travail qui s’exprime notamment à travers le contexte organisationnel et les modes de management. Individuelle ou collective, elle se construit au sein de l’entreprise, en interaction avec son écosystème. »
Dans leurs tentatives de définition, les entreprises interrogées rattachent en première intention la notion de compétence :
- Soit à l’entreprise, à sa performance ou à sa stratégie, au « collectif ».
- Soit au poste, à l’activité et aux tâches effectuées par une personne, de manière individuelle.
A noter : les plus petites entreprises interrogées articulent plus volontiers les dimensions collective et individuelle (des compétences au service de la performance de l’entreprise et du projet collectif), quand les plus grandes entreprises interrogées axent leur définition plus clairement sur le poste, l’activité et les métiers. Ce constat doit aussi être relié à la fonction des personnes interrogées : des gérants pour les plus petites entreprises, des professionnels RH pour les plus grandes.
De nouvelles compétences développées par des pratiques informelles
Dans l’enquête Defis, 55 % des employeurs déclarent que l’origine des nouvelles compétences acquises réside principalement dans l’exercice du travail, contre seulement 15 % dans le cadre de formations organisées. Quant aux salariés, ils déclarent que la principale voie d’accès informelle à de nouvelles compétences est l’échange avec des collègues (62 %), devant les recherches sur internet ou la lecture de la presse (58 %).
Le rapport souligne combien « Ces constats mènent à réaffirmer la place centrale qu’occupe la réalité du travail dans la propension à apprendre et à développer des compétences. »
Comment améliorer la place des compétences dans l’entreprise ?
Aujourd’hui, la compétence renvoie à la fois à des démarches d’anticipation des mutations économiques – ainsi que le préconisent les approches de GPEC formalisées – et à la gestion quotidienne de l’entreprise.
Mettre en place une stratégie de compétences nécessite d’anticiper les évolutions du marché et leurs conséquences sur l’adaptation des compétences des salariés en place. Dans les TPE-PME, même de taille conséquente, les démarches d’anticipation sont la plupart du temps absentes. Confrontées à l’urgence de la gestion au quotidien, elles ne bénéficient que rarement des ressources et du temps pour développer les processus ou les outils permettant d’anticiper les évolutions du marché ou des métiers.
A noter : si les démarches prospectives constituent une ressource de qualité pour les entreprises qui en ont les moyens, c’est l’incitation légale (accords GPEC pour les entreprises de plus de 300 salariés ; obligations en termes de formation ; entretiens professionnels tous les deux ans, etc.) qui les place au cœur de la gestion des compétences.
Pour améliorer les pratiques de chacun dans la gestion des compétences, le rapport préconise les axes de développement suivants :
- Sensibiliser les dirigeants d’entreprise et les responsables des ressources humaines aux bénéfices que leurs entreprises peuvent retirer à considérer la compétence comme une ressource stratégique et opérationnelle.
- Sensibiliser – en priorité les dirigeants de TPE-PME – aux bénéfices que peuvent générer les compétences en termes de performances économiques et à leur nécessité dans un contexte de crise qui se traduit par une accélération des mutations économiques (sujet des transitions collectives, notamment).
- Œuvrer à l’émergence d’un langage commun autour de la compétence, qui s’appuie largement sur les logiques « métier » et qui soit audible par les dirigeants de TPE-PME.
- Rendre plus lisibles et facilement mobilisables sur le plan opérationnel les ressources mises à disposition des entreprises : s’appuyer sur les acteurs de proximité (secteur, branche, territoire, etc.)
- Associer l’ensemble des parties prenantes dans la démarche de diagnostic et de définitions des actions cibles à mettre en œuvre.
- Partir des pratiques en matière de ressources humaines déjà en place au sein de l’entreprise, qu’elles soient formalisées ou non, afin de rendre visibles les actes de gestion quotidiens et de construire ou renforcer à la fois les principes réglementaires et managériaux.
- Re-positionner l’appui-conseil pour l’articuler à la spécificité de l’intervention auprès des TPE-PME en passant d’une logique de prestations standardisées à une logique de service à la carte, adapté aux spécificités de l’entreprise et à ses besoins.
- Améliorer la gouvernance des dispositifs d’accompagnement, et rendre ainsi plus lisible l’offre d’accompagnement sur un territoire par : a) une meilleure intelligibilité des processus d’élaboration et d’application des dispositifs d’accompagnement ; b) une coordination voire une harmonisation des offres d’accompagnement.
- Créer des guichets uniques sur les territoires et/ou améliorer l’interconnaissance des acteurs afin de permettre une meilleure orientation des entreprises en quête d’information.
- Systématiser la culture de l’évaluation des actions d’accompagnement réalisées ou financées, autant sur le montant et les modalités de prise en charge financières que sur l’impact de ces actions dans les entreprises.
- Assurer un suivi des entreprises après le terme de l’action d’accompagnement afin de s’assurer notamment de l’adaptation et d’une pérennité des solutions mises en place.