Alors que 60 % des recrutements industriels ont été jugés difficiles en 2024, l’OPCO 2i a présenté ce 31 mars une stratégie résolument volontariste : miser simultanément sur l’alternance et les certifications de branche. Une réponse de fond à la crise des compétences, ancrée dans les territoires et pilotée au plus près des branches professionnelles.

« L’alternance et les certifications, c’est le combo gagnant pour répondre aux tensions de recrutement dans l’industrie. » La formule, prononcée par Pascal Le Guyader, vice-président sortant d’OPCO 2i, a été répétée à plusieurs reprises lors de la conférence de presse annuelle de l’opérateur interindustriel. Un résumé efficace de la feuille de route de l’OPCO, alors que 220 000 recrutements ont eu lieu dans l’industrie en 2024, dont 60 % jugés difficiles par les entreprises.

À ses côtés, Edwin Liard, tout juste élu président, incarne la continuité d’un engagement de long terme en faveur de la montée en compétences des salariés et des jeunes en formation. « L’industrie se transforme, mais elle a besoin de bras, de têtes et de reconnaissance. L’alternance est un levier de transmission, et les certifications permettent une adaptation fine des compétences. Notre rôle, c’est d’articuler les deux. »
Une alternance en forte croissance… mais sous tension
Entre 2020 et 2024, le nombre total d’alternants dans l’interindustrie est passé de 97 918 à 133 534, soit une hausse de +36 %. En parallèle, la part d’alternants dans l’emploi salarié atteint désormais 4,6 %, avec un âge moyen de 23 ans. L’apprentissage s’impose largement : 82 600 nouveaux contrats signés en 2024, contre seulement 12 000 en contrat de professionnalisation, en net recul.
Autre signal fort : 28 % des entreprises de l’interindustrie comptaient au moins un alternant en 2024. Mais cette dynamique cache des disparités, comme le rappelle l’équipe prospective d’OPCO 2i : « Ce sont les TPE de moins de 10 salariés qui présentent le taux le plus élevé d’alternants dans leurs effectifs. En revanche, les entreprises de taille intermédiaire (50 à 249 salariés) sont aujourd’hui celles où le taux d’alternance reste le plus faible. »
Sur le plan territorial, les régions PACA, Occitanie, Île-de-France et Pays de la Loire se distinguent par une croissance supérieure à la moyenne nationale. Les Hauts-de-France, le Centre-Val de Loire et la Bourgogne-Franche-Comté affichent quant à elles des niveaux légèrement en retrait.
Certifications de branche : un levier d’adéquation, de reconnaissance… et d’attractivité
Second pilier de la stratégie OPCO 2i : les certifications de branche. Au total, 310 certifications paritaires sont proposées dans 24 des 29 branches couvertes par l’OPCO (CQP, CCP, titres à finalité professionnelle). Plus de 10 000 personnes en bénéficient chaque année, et 50 % d’entre elles sont inscrites au RNCP ou au Répertoire spécifique.
Mais ce sont surtout leurs effets qui intéressent : selon une enquête menée entre 2022 et 2024 auprès de 6 500 certifiés, 74 % occupent un emploi dans la branche du CQP obtenu, et 76 % dans un poste correspondant exactement à leur certification. Deux ans après la certification, 88 % des bénéficiaires sont toujours en emploi.
« Ces certifications sont conçues par des professionnels pour des professionnels, a insisté Bérangère Deplaix-Sabard, responsable du pôle certifications chez OPCO 2i. Elles permettent d’adapter les parcours aux vrais besoins des entreprises, de créer de la valeur immédiatement mobilisable, et d’accompagner l’individualisation des parcours. »
Une stratégie cohérente, mais confrontée à des incertitudes budgétaires
Si les résultats sont là, les inquiétudes budgétaires le sont aussi. L’OPCO 2i a profité de cette conférence pour alerter sur un risque de ralentissement du développement de l’alternance. « Nous avons besoin de plus de visibilité sur les dispositifs comme la POE (préparation opérationnelle à l’emploi), et sur les aides à l’apprentissage. Nous espérons à minima une stabilisation**, a averti Pascal Le Guyader. »
Le message est clair : l’industrie est prête, mais l’État doit suivre. L’OPCO a ainsi formellement demandé un recalcul de la dotation du Plan de Développement des Compétences (PDC) : « Sur les 100 millions d’euros nécessaires, nous n’en recevons aujourd’hui que 38 », a rappelé le vice-président. Une situation d’autant plus préoccupante que 70 millions d’euros de projets de formation n’ont pu être engagés faute de financements en 2024.
Une approche pilotée au plus près des branches… et des territoires
Ce qui distingue la stratégie OPCO 2i, c’est son ancrage dans les besoins concrets. Chaque certification de branche est analysée selon qu’elle relève du cœur d’activité, de l’interindustrie, ou de fonctions supports. « Ce travail de catégorisation permet aux branches de piloter leur stratégie emploi-formation avec une précision inédite », explique l’équipe de l’Observatoire interindustriel.
En parallèle, près de 2 000 organismes de formation (CFA) accompagnent les entreprises industrielles. Parmi eux, cinq réseaux concentrent 45 % des alternants, dont les Pôles Formation UIMM, les IUT, ou les CCI.
Un secteur qui progresse aussi en image
Enfin, l’OPCO 2i poursuit ses efforts pour renforcer l’attractivité de l’industrie. Grâce à la campagne collective « Avec l’industrie® », menée de mars 2023 à février 2025, l’image du secteur a progressé de +17 points en 5 ans dans l’opinion publique. Mieux encore : ceux qui perçoivent l’industrie comme composée de PME sont 69 % à en avoir une bonne image, contre 59 % pour ceux qui pensent uniquement aux grandes entreprises.

Une stratégie solide… mais en attente de décisions politiques
Alternance et certification ne sont pas de simples outils RH. Ce sont des leviers systémiques pour répondre à la crise de compétences, sécuriser les parcours, et renforcer l’attractivité des métiers industriels. Mais pour fonctionner, ce « combo gagnant » doit pouvoir s’appuyer sur une stratégie de financement cohérente.
Comme l’a rappelé Edwin Liard en conclusion : « L’industrie a des solutions. Ce qu’il nous faut désormais, ce sont des moyens et des décisions publiques alignées sur les ambitions. »
🔜 Car derrière les données rassurantes se cache une réalité plus tendue : des formations non menées en 2024, faute de financements suffisants. Dans une tribune à venir, nous reviendrons sur ce paradoxe : comment la puissance publique peut-elle afficher une ambition industrielle forte tout en sous-finançant les outils qui la rendent possible ? L’alerte de l’OPCO 2I mérite d’être entendue.
Laisser un commentaire