Le 27 novembre 2025, le conseil d’administration de France compétences a adopté le budget prévisionnel 2026. Pour la première fois depuis 2020, ce budget affiche un résultat positif attendu.
Mais ce retour à l’équilibre s’opère au prix d’une réduction massive des moyens, inédite par son ampleur et par ses conséquences sur l’ensemble de l’écosystème de la formation professionnelle.
Un budget en forte baisse, malgré un résultat excédentaire
Le budget 2026 prévoit 12,078 milliards d’euros de dépenses, soit près de 1,5 milliard d’euros de moins qu’en 2025, ce qui représente une baisse de plus de 10 % sur un an.
Comparé au budget initial 2025, l’écart atteint même 2 milliards d’euros, soit une contraction de plus de 14 %.
Fait notable, France compétences anticipe un excédent de trésorerie de 641 millions d’euros en 2026, alors qu’un déficit de 885 millions d’euros est encore attendu à la clôture 2025.
Ce redressement comptable repose donc essentiellement sur une compression des engagements, bien plus que sur une augmentation durable des ressources.
Ce budget a été massivement rejeté par les partenaires sociaux, employeurs comme salariés. Les représentantes des Régions ont, quant à elles, démissionné du conseil d’administration avant le vote, dénonçant la baisse brutale des financements, notamment sur l’apprentissage et les enveloppes régionales.
Des ressources sous tension et un désengagement progressif de l’État
Les ressources prévisionnelles de France compétences atteindraient 12,7 milliards d’euros en 2026, un niveau globalement stable par rapport à 2025.
La principale ressource reste la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA), estimée à 11,5 milliards d’euros, sur la base d’une hypothèse de hausse de la masse salariale privée de 2,3 %.
En revanche, la dotation de l’État poursuit sa baisse. Après une réduction d’un milliard d’euros en cours d’exercice 2025, la dotation inscrite au PLF 2026 s’élèverait à 579 millions d’euros, complétée par 8 millions d’euros dédiés aux nouvelles périodes de reconversion.
Cette trajectoire confirme un désengagement budgétaire progressif de l’État, compensé par des mesures d’économies structurelles.
Une baisse généralisée des engagements sur les dispositifs clés
À l’exception du Conseil en évolution professionnelle et des dispositifs de transition, la quasi-totalité des lignes budgétaires est orientée à la baisse.
Alternance : premier poste touché
L’alternance concentre toujours l’essentiel des financements, avec 8,2 milliards d’euros prévus en 2026, soit environ 73 % du budget d’intervention.
Mais cette enveloppe est en recul de plus de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2025.
Dans le détail :
- 6,9 milliards d’euros pour financer environ 835 000 contrats d’apprentissage, un volume stable par rapport à 2025 mais en baisse par rapport à 2024.
- 498 millions d’euros pour les contrats de professionnalisation, dont la baisse se poursuit.
- 153 millions d’euros pour les dépenses non éligibles, notamment le tutorat et les investissements des CFA, contre 242 millions en 2025.
Les dotations régionales aux CFA sont divisées par deux, passant de 268 à 134 millions d’euros, un point de rupture majeur avec les Régions.
CPF : une baisse marquée sous l’effet des régulations
L’enveloppe consacrée au Compte Personnel de Formation est ramenée à 1,31 milliard d’euros, contre 1,96 milliard d’euros en 2025, soit une baisse de 14 %.
Cette diminution résulte principalement des mesures de régulation mises en œuvre depuis 2023 :
- généralisation du ticket modérateur,
- plafonnements renforcés,
- restriction de certains publics,
- intensification de la lutte contre la fraude.
L’impact cumulé de ces mesures est estimé à 885 millions d’euros d’économies.
Le CPF change ainsi clairement de nature : d’un dispositif de masse, il devient un outil plus sélectif, de plus en plus orienté vers des parcours certifiants, justifiables économiquement et lisibles pour les financeurs.
Autres dispositifs : ajustements ciblés
- Plan de développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés : 521 millions d’euros, en légère baisse.
- Projets de transition professionnelle (PTP) : enveloppe stable à 435 millions d’euros.
- Conseil en évolution professionnelle (CEP) : budget maintenu à 110 millions d’euros, dans le cadre de marchés pluriannuels.
- Plan d’investissement dans les compétences (PIC) : baisse marquée à 627 millions d’euros, contre 800 millions en 2025.
- Périodes de reconversion, nouveau dispositif issu de la transposition de l’ANI, doté de 68 millions d’euros à partir de 2026.
Ce que révèle le budget 2026 : une inflexion structurelle du modèle
Au-delà des montants, le budget 2026 marque une rupture stratégique.
France compétences ne joue plus un rôle d’expansion ou de soutien contracyclique, mais devient un outil de régulation budgétaire, chargé d’arbitrer la rareté.
Trois tendances se dégagent clairement :
- Priorité à l’équilibre financier, même au prix d’une réduction de l’offre.
- Sélectivité accrue des dispositifs, en particulier sur le CPF.
- Transfert implicite de responsabilité vers les entreprises, appelées à cofinancer davantage les parcours.
Dans ce contexte, la lisibilité des certifications, la cohérence des parcours et la capacité à démontrer une valeur d’usage réelle pour l’entreprise deviennent déterminantes. Le budget 2026 acte ainsi une transformation profonde de la formation professionnelle, où la compétence mesurable et certifiée prime désormais sur la logique de volume.
