Lettre ouverte, chiffres clés, impacts terrain : les organisations représentatives de la formation professionnelle tirent le signal d’alarme
Dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre, le Synofdes (Syndicat national des organismes de formation) et la Fédération nationale des UROF alertent sur les conséquences des choix budgétaires récents concernant la formation professionnelle. Selon ces organisations, les arbitrages en cours fragiliseraient durablement l’écosystème de la formation, à un moment où les besoins en compétences augmentent fortement.
Le document, signé notamment par Philippe Genin, Muriel Pécassou et Jeanine Chapot, s’appuie sur des données budgétaires, des constats de terrain et une analyse des effets concrets des politiques publiques actuelles.
Le Synofdes, un acteur représentatif du secteur
Le Synofdes regroupe plusieurs centaines d’organismes de formation privés, associatifs et publics intervenant sur l’ensemble du territoire. Il est l’un des interlocuteurs reconnus des pouvoirs publics sur les questions de formation professionnelle, d’apprentissage et de politiques de compétences.
Avec la Fédération nationale des UROF, il a choisi de rendre publique cette alerte afin de documenter ce qu’il considère comme une déstabilisation progressive du secteur.
Des décisions budgétaires identifiées comme structurantes
La lettre met en avant plusieurs évolutions budgétaires récentes :
- une baisse de 2,2 milliards d’euros des crédits consacrés à l’apprentissage et aux aides aux employeurs d’apprentis
- une diminution de près de 50 % des crédits alloués à la formation des demandeurs d’emploi
- une évolution du cadre du Compte Personnel de Formation, marquée par l’instauration d’un reste à charge et par les débats parlementaires autour d’un plafonnement des certifications du Répertoire Spécifique
Selon les auteurs du document, ces décisions ne relèvent pas d’ajustements ponctuels mais traduisent une inflexion plus large de la politique de financement de la formation.
Des effets déjà observés sur la commande publique
Sur le terrain, les organisations signataires décrivent une pression accrue sur la commande publique de formation.
Elles observent une baisse significative des prix dans les appels d’offres, avec des niveaux tarifaires en moyenne inférieurs de 15 % à ceux de 2022. Cette évolution s’accompagnerait d’un recours plus fréquent à des accords-cadres sans volume minimum garanti, transférant le risque économique vers les organismes de formation.
Toujours selon le Synofdes et la Fédération nationale des UROF, cette situation complique la planification des activités, limite les capacités de recrutement et fragilise la continuité pédagogique. Des arrêts soudains de dispositifs, parfois après des investissements déjà engagés, sont également mentionnés.
Un impact différencié selon les territoires et les publics
La lettre souligne par ailleurs des disparités territoriales croissantes. Dans certaines Régions, la raréfaction de la commande publique remettrait en cause la continuité du service de formation, tandis que d’autres territoires maintiennent encore une offre structurée.
Les publics les plus éloignés de l’emploi seraient les premiers concernés par ces évolutions, notamment les demandeurs d’emploi de longue durée, les primo-arrivants et les personnes engagées dans des parcours d’insertion.
CPF et Répertoire Spécifique : une phase d’incertitude réglementaire
Le document évoque également les débats en cours autour du CPF. Après l’instauration d’un reste à charge obligatoire, le Sénat a voté le principe d’un plafonnement des droits mobilisables pour les certifications du Répertoire Spécifique, renvoyé à un décret d’application.
À ce stade, les modalités concrètes de ce plafonnement ne sont pas connues. Les organisations signataires estiment que cette incertitude réglementaire complique la lisibilité du dispositif pour les organismes, les certificateurs et les bénéficiaires, dans un contexte où les certifications RS jouent un rôle important dans l’accès à des compétences opérationnelles.
Une alerte dans un contexte de besoins croissants en compétences
La publication de cette lettre intervient alors que les pouvoirs publics rappellent régulièrement l’ampleur des besoins à venir en matière de compétences. Pour la seule transition écologique, le gouvernement estime que 2,8 millions de personnes devront être formées d’ici 2030 dans les secteurs prioritaires.
C’est ce décalage entre objectifs affichés et trajectoire budgétaire que le Synofdes et la Fédération nationale des UROF souhaitent mettre en débat.
Un appel au dialogue avec les pouvoirs publics
Dans leur courrier, les organisations ne formulent pas de propositions opérationnelles détaillées mais appellent à une réouverture du dialogue avec les acteurs du secteur. Elles estiment que les politiques de formation gagneraient à s’appuyer davantage sur les dynamiques territoriales et sur l’expertise des professionnels de terrain.
La lettre se conclut par une mise en garde : sans ajustement des arbitrages actuels, les auteurs redoutent un affaiblissement durable de la capacité du système de formation professionnelle à accompagner les transitions économiques, sociales et environnementales en cours.
