Jean-Charles Simon : pas de cravates, moins de 50 ans, l’ancien directeur général du Medef (sous le mandat de Laurence Parisot) se lance dans la course pour devenir patron des patrons, nous avons pu échanger avec lui au sujet de cette candidature et de la formation professionnelle.
Qui êtes-vous Mr Simon ?
J’ai eu de nombreuses responsabilités au sein des organisations patronales, comme cadre dirigeant dans une grande fédération professionnelle, en tant que directeur de l’Afep, l’association qui regroupe les plus grandes entreprises en France, et à la direction générale du Medef. J’ai aussi été le représentant d’employeurs dans des instances exécutives de ces organismes patronaux, car j’ai une expérience également variée en entreprise, dans des postes opérationnels ou transversaux au sein de grands groupes. Et j’ai créé il y a quatre ans mon entreprise.
J’ai pu ainsi acquérir une connaissance approfondie du monde patronal, de sa vie interne comme de sa perception externe. Et mesurer l’ampleur de la tâche à accomplir pour réformer ses structures et les rendre à la fois efficaces, attractives pour les entreprises et pleinement à leur service.
Pourquoi VOUS pour remplacer Pierre Gattaz ?
A l’opposé des traditionnelles tractations en coulisses avec les principales structures participant au petit cercle des votants à cette élection, je souhaite que celle-ci se décide sur les projets et qu’elle implique autant que possible les entreprises adhérant indirectement au Medef. Je porte pour ma part un projet libéral, de rupture avec les mauvaises habitudes et de transformation en profondeur de l’organisation. J’en ai publié dès mon annonce de candidature les grandes lignes, et je vais le détailler précisément.
C’est pour moi une exigence et une urgence. Le monde se transforme rapidement, y compris dans notre pays où même le paysage politique a été bouleversé l’an dernier en quelques mois. Il serait funeste que seuls les partenaires sociaux soient immobiles, alors qu’ils sont de moins en moins représentatifs de ceux qu’ils sont supposés défendre, comme en attestent les mesures d’adhésion et les résultats électoraux. Et surtout, ils constituent, avec leurs prérogatives considérables et souvent méconnues dans notre système social, l’un des principaux obstacles à la modernisation et à la compétitivité de notre pays.
Vous souhaitez sortir le Medef du paritarisme de gestion pour évoluer vers un « syndicalisme patronal de services ». comment et pourquoi ?
Le Medef poursuit encore aujourd’hui des décennies de cogestion d’un modèle social très particulier, qui fait de la France le pays où les dépenses publiques sociales représentent la plus grande part de la richesse nationale. Les seuls partenaires sociaux ont la responsabilité sur environ 130 milliards de prélèvements obligatoires annuels, 6 points de PIB !
C’est absolument considérable, et cela pèse sur la compétitivité des entreprises françaises. Le Medef est d’ailleurs souvent schizophrène, car il dénonce l’excès de charges et de normes venant des pouvoirs publics, alors qu’il y contribue lui aussi dans son champ de responsabilités. Il a d’ailleurs encore augmenté les contributions dues par les entreprises ces dernières années… alors même que les systèmes dont il est cogestionnaire accumulent les déficits.
Non seulement notre système social est obèse, mais en plus ses résultats sont médiocres. Le chômage et le chômage de longue durée sont plus élevés que chez beaucoup de nos voisins, le marché du travail est de plus en plus dual entre situations protégées et précarité, le taux d’activité des plus jeunes et des seniors est encore trop faible, l’adéquation des formations aux besoins sur le marché du travail n’est pas satisfaisante.
La méthode de réforme doit consister à analyser les besoins et les objectifs poursuivis dans l’intérêt des entreprises et de l’activité économique, sans s’attacher aux structures, aux mécanismes ou aux postes. Définir les organisations cibles qui répondraient le mieux à ces objectifs, et réformer l’existant en conséquence, y compris lorsqu’il s’agit de renvoyer vers l’Etat ou vers le marché des responsabilités exercées aujourd’hui par les partenaires sociaux.
Vous êtes une personne qui n’a pas peur de dire les choses comme vous l’avez prouvé avec votre rapport “Pour en finir avec le paritarisme” Est-ce que c’est une force ou une faiblesse dans le paritarisme…
La tentation est hélas souvent de privilégier le statu quo et la préservation des structures dans le paritarisme. En partie car il y a un attachement aux responsabilités réelles ou supposées qui en découlent, mais aussi aux financements qui bénéficient aux organisations qui gèrent ces systèmes.
Ce qui représente à mon sens un conflit d’intérêts majeur. Je fais donc le pari d’une prise de conscience collective, celle de la nécessité de ne se préoccuper que des intérêts des adhérents ultimes, entreprises ou salariés, et pas des mécanismes, des tuyauteries, des prérogatives ou des moyens des organisations devant les représenter. Tenir un langage de vérité en toute transparence me paraît aujourd’hui une exigence.
Dites-nous en un peu plus sur votre projet pour la formation professionnel ?
Je détaillerai à la fin janvier la première partie de mon projet relative au modèle social, et notamment aux questions de formation professionnelle. Mais les lignes directrices et la méthode sont communes à tous les domaines sociaux. Le constat, tout d’abord, d’un système complexe pour ses utilisateurs et bénéficiaires, coûteux dans son ensemble, et aux performances très discutables, ici dans la rencontre de l’offre et de la demande de travail.
Une réforme ambitieuse devrait avoir trois objectifs : la transparence et la simplicité du système pour ses parties prenantes ; la réponse aux besoins des entreprises et des individus, sans contraintes ou limitations inutiles ; l’optimisation des fonds employés, avec le moins possible de pertes en ligne.
En matière de formation l’état peut-il mieux faire que le paritaire ?
Il n’y a pas de réponse de principe. Mais souvent, les responsables patronaux ont eu la conviction que le paritarisme était le pire des systèmes… à l’exception de l’Etat. Notamment parce qu’ils pensaient que celui-ci était le plus mauvais gestionnaire possible. Or, s’il est vrai que la gestion de l’Etat peut-être défaillante dans bien des domaines, on observe qu’elle l’est parfois moins que celle des partenaires sociaux, comme la Cour des comptes l’a par exemple montré en comparant les frais de gestion de la Cnav et des caisses Agirc-Arrco.
Il faut donc s’attacher à définir l’opérateur le plus cohérent et adapté pour chaque mission. En l’occurrence, dans la formation, on peut en distinguer plusieurs : la définition d’obligations et de cahiers des charges, la collecte de fonds, la certification des formateurs, la sélection des formations, les actions de formation proprement dites… Et le choix ne se résume pas à l’Etat ou aux partenaires sociaux : dans beaucoup de domaines, il nous faut savoir utiliser le marché, bien trop peu sollicité sur les sujets sociaux en France. C’est d’ailleurs ce qui explique que nous sommes les champions des dépenses sociales publiques, autour de 32% du PIB ! Avec les résultats que l’on connaît…
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