L’Institut Montaigne vient de publier un rapport intitulé “Dernière chance pour le paritarisme de gestion “. Zoom sur ses recommandations sur le volet de la formation professionnelle.
Le paritarisme de gestion constitue une spécificité du modèle social français. Près de 150 milliards d’euros sont gérés dans le cadre du paritarisme de gestion, dont 13,75 milliards d’euros pour la formation professionnelle (OPCA, FPSPP, OPACIF, COPANEF, COPAREF, CPNE de branches et AFPA).
Le paritarisme de gestion, vecteur de pacification sociale
Le paritarisme de gestion se caractérise par le fait que les partenaires sociaux cogèrent un certain nombre d’activités au sein d’institutions dans lesquelles ils siègent, et dans lesquelles les compétences sont partagées (assurance-chômage, formation professionnelle, etc.).
Au-delà de la gestion des organismes eux-mêmes, le paritarisme de gestion présente un certain nombre de vertus. Il contribue à impliquer et à responsabiliser les acteurs sociaux en les plaçant en position de gestionnaires et de décideurs.
Il contribue également à sortir les partenaires sociaux de la seule logique de confrontation en les conduisant à gérer ensemble, et non pas uniquement, dans une logique de confrontation, les uns contre les autres.
Les limites de l’actuel paritarisme de gestion
Les acteurs du paritarisme, syndicats de salariés et organisations patronales, sont insuffisamment représentatifs. Dès lors, la question de la légitimité de leur intervention comme gestionnaires de services d’intérêt général, comme c’est le cas dans le cadre du paritarisme de gestion, peut être soulevée.
Le paysage patronal et syndical français se caractérise par un éparpillement significatif des acteurs, avec un nombre élevé d’organisations, d’où une gestion paritaire plus complexe.
Par ailleurs, le système centralisé de négociation sociale qui constitue l’un des traits de la gestion paritaire apparaît en décalage avec les réalités du monde moderne où la décision est de plus en plus décentralisée et proche du terrain.
Comment améliorer la gestion paritaire de la formation professionnelle ?
L’Institut Montaigne rappelle que le système de formation français gère 3 logiques différentes :
- une au profit des salariés des entreprises, qui constitue aujourd’hui le cœur de cible du paritarisme de gestion ;
- une autre au profit des demandeurs d’emploi, pour laquelle le partage de responsabilité est encore mal défini entre partenaires sociaux, régions et Etat ;
- une troisième qui concerne le droit personnel à la formation, qui relève du droit individuel à choisir et à gérer sa formation, encore en construction.
Dans le cadre d’une réforme en profondeur, ces trois logiques devront être clarifiées et mettre en cohérence les moyens qu’elles mobilisent et les objectifs qu’elles poursuivent.
Il conviendra ainsi, au regard de ces trois logiques, de poser de manière très explicite la question des responsabilités respectives des partenaires sociaux, de l’Etat et des régions, dont les rôles devront être redéfinis. Les modalités de financement de la formation professionnelle par chacun de ces acteurs devront être revues en conséquence.
La proposition récente de l’Institut Montaigne de créer un Capital emploi formation (CEF) pour chaque individu met en avant la nécessité de renforcer les garanties octroyées à chacun, notamment en termes d’accompagnement, afin de sécuriser les parcours professionnels en toute autonomie.
Selon l’Institut Montaigne, “la formation professionnelle attend encore la réforme ambitieuse qui permettra de rendre le système français de formation plus efficace, plus efficient, plus simple et plus équitable tout en lui donnant les moyens de faire face aux enjeux que la loi du 5 mars 2014 n’a pas suffisamment pris en compte”.
Quel rôle pour les Opca ?
Parmi les aspects concernant spécifiquement la gestion paritaire du système de formation professionnelle, deux pistes d’évolutions devront en particulier être explorées :
- Les partenaires sociaux devront être davantage responsabilisés et leur capacité d’anticipation des besoins en formation devra être renforcée, au niveau national, au niveau des branches et au niveau des régions pour améliorer l’adaptation de l’offre aux besoins présents et futurs des salariés et des demandeurs d’emploi.
- L’avenir et les missions mêmes des Opca, dont les partenaires sociaux ont aujourd’hui la responsabilité de la gestion, devront être réexaminés :
- Il conviendra sans doute de poursuivre l’orientation engagée par la loi du 5 mars 2014 en positionnant les Opca comme offreurs de services aux entreprises, en adéquation avec les besoins et les attentes des entreprises ;
- Le mouvement, déjà engagé, de regroupement des Opca, ainsi que la démarche de maîtrise de leurs coûts de gestion, doivent être poursuivis ;
- Les missions de collecteurs et de gestionnaires de fonds des Opca devront être réinterrogées, en imaginant, par exemple, un nouveau partage des rôles entre Opca et Urssaf.
Enfin, sur les 13,75 milliards d’euros gérés annuellement par les partenaires sociaux dans le cadre de la formation professionnelle (uniquement le financement par les entreprises), il serait opportun de réfléchir aux leviers d’optimisation concernant la gestion de ces montants (notamment les frais de gestions des nombreux organismes gérés de façon paritaire).
En conclusion, l’Institut Montaigne note que “cette réforme s’inscrit donc nécessairement dans une réforme plus large de la formation professionnelle, qui pourrait constituer le pilier de mesures en faveur de la compétitivité de notre économie et sa capacité d’adaptation aux évolutions du marché du travail.”
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