2023 s’annonce sous le signe de la régulation pour la formation des actifs. Mais comment réguler cette offre de formation continue tout en sauvant le CPF ? Nous vous proposons ci-dessous une synthèse des pistes possibles notre avis.
Cela ne vous a pas échappé, Carole Grandjean a évoqué une régulation du CPF après la révolution menée sur plusieurs années pour faire naître, connaître et utiliser MonCompteFormation. Mais voilà que le dispositif est victime de son succès… ou plutôt des finances publiques qui ne sont pas à la hauteur des attentes pour le CPF.
On peut d’ailleurs s’interroger sur le déficit de financement du CPF alors que dans le même temps l’alternance se voit allouer un budget de 10 milliards d’euros sur 5 ans.
Serait-ce une preuve de désamour vis-à-vis de la formation des actifs ? Ou un aveu que les formations financées par le CPF ne permettent pas forcément de répondre à l’objectif de plein emploi visé par le Gouvernement pour 2027 ?
Rappelons qu’en 2021, 2,1 millions de dossiers de formation ont été validés via le CPF pour un budget de 2,755 milliards. Le projet de budget 2023 de France compétences propose une dotation de 2,37 milliards pour le CPF, soit 385 millions de moins en un an. Source : les Echos, Serrage de vis budgétaire en perspective pour le compte personnel de formation.
A l’heure où le Gouvernement s’interroge sur les modalités de poursuite du CPF, il est essentiel de rappeler que pour les acteurs de la formation, le CPF contribue à la montée en compétences de chacun, à sa meilleure employabilité mais aussi à son estime de soi… tout cela étant indispensable pour trouver et conserver un emploi, s’adapter aux changements de la société, du marché du travail, des technologies, etc.
CPF : Il va falloir ré-gu-ler…
En faisant payer les bénéficiaires ?
L’évocation d’un reste à charge (qui pourrait osciller entre 5 et 30 % du coût de la formation) a suscité des réactions hostiles de la part tant des organismes de formation que de nombreux partenaires sociaux. La crainte porte sur l’impossibilité de prendre en charge cette dépense budgétaire par les plus éloignés de la formation et de l’emploi.
Toutefois cette piste doit être prise au sérieux au vu du rapport de la Commission des Affaires sociales du Sénat de juin dernier “Afin de responsabiliser les bénéficiaires et d’élever l’intérêt des formations prises en charge, les rapporteurs recommandent d’instaurer un reste à charge pour l’utilisateur du CPF, même modique, en cas de formation ne débouchant pas sur une certification inscrite au RNCP.”
La réaction des internautes qui ont largement commentés nos articles est unanime : Ils ne veulent pas payer pour accéder à leurs droits. Une piste acceptable par les Français sur le reste à charge serait un euro symbolique pour chaque action de formation qui permettrait l’empreinte bancaire du titulaire avec la mobilisation d’un pourcentage faible de la formation s’il ne respecte pas les engagement des CGU de Mon Compte Formation : abandon, non passage de la certification, etc. Ainsi la responsabilité du titulaire serait engagée et beaucoup de problèmes liés à la réalisation de l’action de formation seraient réglés de fait.
Réduire le champ des formations finançables ?
Réduire la voilure et les domaines de formation possibles serait un aveu d’échec du gouvernement car il est au cœur de la réforme de 2018. Alors que la richesse du catalogue de MonCompteFormation donne l’opportunité à chacun de se former dans des domaines très variés, il serait regrettable de réduire les possibles, non pas du fait du manque de qualité des formations, mais pour une question budgétaire.
Peut-on envisager de supprimer le permis de conduire des actions de formation éligibles au CPF alors qu’il est un passeport pour l’emploi des 62% de la population. Faut-il alors ne le rendre éligible que pour cette partie des Français ? Peut-on supprimer les formations linguistiques ou bureautique du dispositif juste parce qu’elles sont plébiscitées par les personnes souhaitant se former et que certains paritaires considèrent que ce sont des “formations pour les riches” ? Quels sont les compétences en lien avec les métiers d’avenir ? Comment ne pas se tromper quand on parle d’avenir ? Est-ce que le CPF peut former aux métiers en tensions ? Est-ce qu’on ne parviens pas à recruter d’employer pour occuper les métiers en tensions par faute de compétences ou d’attractivité de la tache ?
Quand on prend cette route, la liste de question est infinie et définir un besoin de formation en lien avec un objectif professionnel défini est impossible à mettre en œuvre avec les données disponibles à date. Travaillons de concert pour que cela devienne possible dans un futur proche mais faisons très attentions aux décisions basées sur des opinions plus que des faits vérifiés.
Réintermédier l’accès au CPF ?
Comme le rappelait le rapport du Sénat cité plus haut, en juin dernier « Le recours au CPF a été stimulé par sa désintermédiation, l’alimentation des comptes en euros plutôt qu’en heures et la simplification de l’éligibilité des formations. »
Le retour à une intermédiation via les Opco ou le CEP (conseil en évolution professionnelle) pourrait permettre de mieux accompagner chaque bénéficiaire et identifier les besoins de formation en lien avec les attentes des entreprises mais le risque est immense : Allonger la durée de traitement de chaque dossier ou de saturer le CEP alors que la rapidité possible pour débuter une formation via le CPF est l’une de ses forces.
Le CEP est un outil qui a son intérêt mais il ne doit en aucun cas devenir obligatoire à 100% des dossiers.
Cibler les publics bénéficiaires du CPF ?
L’idée de cibler les publics prioritaires pour financer leurs formations via le CPF est à creuser. Toutefois cette approche doit se faire toujours dans un dispositif CPF ouvert à tous, quel que soit son parcours de formation initiale ou continue, et quel que soit son statut (salarié, demandeur d’emploi, etc.).
Réduire le montant annuel par bénéficiaire ?
Et si le temps était venu de réduire le financement de 500 euros à une somme moindre ? Chacun pourrait continuer à se former avec cette enveloppe budgétaire, qui se cumule d’année en année. Cela contribuerait à freiner le déficit de financement. Dans le même ordre d’idée, il pourrait être envisagé de réduire le plafond maximum du CPF.
Booster les abondements ?
La solution pourrait bien venir des abondements possibles au CPF, encore sous utilisés. Avec un co-financement par le CPF et l’entreprise ou un accord de branche, les efforts de financement seraient ainsi partagés et les objectifs de formation concertés.
L’objectif des abondements s’inscrit d’ailleurs dans une dynamique de meilleure adéquation entre l’action de formation et les besoins des entreprises. Il faudrait toutefois veiller à ne pas contraindre le salarié à utiliser son CPF si la formation proposée par l’entreprise ne correspond pas à ses aspirations.
Les propositions de pistes de la Squad Qualité
Alors que nous réfléchissons depuis plusieurs semaines à la viabilité du CPF au vu des alertes budgétaires, nous sommes ravis de voir que nombreux sont les professionnels du secteur de la formation à se pencher sur la question. Nous vous invitons à découvrir les propositions de la Squad Qualité via Linkedin.
La Caisse des Dépots en la personne de Laurent Durain n’a pas tardé pour commenter ces propositions :
- En savoir plus sur la Squad Qualité.
- En savoir plus sur la Régulation du Compte personnel de formation : quels dispositifs et quel rôle de la Caisse des dépôts – Replay du webinaire du 24 novembre animé par Michel Baujard, président fondateur de CFS+. consultant-formateur.
Et si les nombreux changements de ces derniers mois avaient changé la donne ?
Les Français sont trop peu informés sur le sujet de la formation et ne sont pas conscients des travaux colossaux qui ont étés effectués les deniers mois (nous sommes là aussi pour le rappeler) :
▶ Exigence de Qualiopi pour apparaitre sur MCF
▶ Montée des exigences pour enregistrer une certification professionnelle chez France Compétences (mécaniquement : forte baisse du taux d’acceptation et non renouvellement de nombreux certificats)
▶ Décret sur le code 203 pour encadrer les formations à la création et reprise d’entreprise (ACRE) source de nombreuses dérives. CF : Le grand nettoyage
▶ Accélération des contrôles par France compétences et Groupe Caisse des Dépôts sur les mauvais usages et les fraudes et déréférencement des offres irrégulières sur Mon Compte Formation (MCF)
▶ Procédure complémentaire de référencement (en plus de Qualiopi) sur MCF pour les nouveaux OF
Ajoutez à cela :
▶ Le travail de la police et des juges à saluer et les première condamnation d’OF pour fraudes au CPF
▶ Et pour finir la mise en place de l’identité numérique qui complexifie l’accès mais sécurise le CPF des titulaires du CPF.
🔜 Mise en application de la loi contre le démarchage au CPF
Avant de prendre des décisions hâtives, mesurons l’impact des dernières actions et notamment la mise en place de l’identité numérique.
Dans le dernier article d’investigation de CPFormation, vous trouverez un état des lieux factuel de l’impact de FC+ sur les escrocs de la formation. Notre constat est sans appel : c’est le meilleur outil anti fraude mis en place depuis la création du CPF.
Phénomène confirmé par l’article d’InfosocialRH de Benjamin d’Alguerre intitulé : “L’achat de formations avec l’appli CPF s’écroule depuis le renforcement des règles de sécurité”
Les chiffres de la Caisse des dépôts pour le mois de novembre ci-dessus confirment un recul plus que sensible des achats de formation par le biais de la plateforme CPF depuis la mise en place du dispositif de sécurité France Connect +.
La solution est sous nos yeux depuis le 1er jour : elle se trouve dans l’offre de formation
2023 les escroqueries vont chuter, et avec eux une partie de la demande (la moins motivée) et générer inévitablement es économies. Parallèlement, la qualité des formations dispensées doit augmenter sinon aucune amélioration n’aura l’effet final escompté. Il faut se concentrer massivement sur l’offre et sa mise en avant.
Il est capital d’arrêter de mettre les formations les unes contre les autres sans données véritables.
Nos décideurs se basent-ils sur des données ou sur des opinions ?
On peut se demander si le Sénat se base sur des faits ou sur des opinions : sur quelle étude se base le Sénat pour affirmer que les formations enregistrées au répertoire spécifique n’ont pas de liens sur “l’employabilité des utilisateurs du CPF” :
Le rapport propose d’instaurer un reste à charge des utilisateurs du CPF pour les formations qui ne débouchent pas sur l’obtention d’une certification inscrite au RNCP (proposition n° 11). Il a recommandé que ce reste à charge soit supprimé pour l’utilisateur en cas de co-financement de la formation par l’employeur (proposition n° 14) ou lorsqu’il passe préalablement par un conseil en évolution professionnelle (proposition n°15). Ces mesures doivent permettre de recentrer le CPF sur l’employabilité des utilisateurs et sur le développement des compétences à finalité professionnelle.
Dernier rapport de la commission des affaires sociales du Sénat intitulé « France compétences face à une crise de croissance »
Le Sénat a t’il déjà fait un rapport sur la qualité de l’offre de formation et l’impacte des formation sur les individus qui les ont suivies. Impacte personnel et professionnel qui devrait être la priorité des certificateurs et du moteur de recherche de Mon Compte Formation.
Ne nous mentons pas, au moment ou nous écrivons ces lignes il est quasi impossible de distinguer deux formations sur le moteur de recherche de Mon Compte Formation pour un non professionnel de formation.
Prenons l’exemple d’une compétences populaire : la maîtrise d’excel ? laquelle va m’aider à valoriser mes compétences, laquelle est conseillée par qui. Qu’est ce qu’il y a vraiment dans la formation ? Est-ce que c’est une formation propriétaire de l’organisme ou l’organisme revend juste une solution digitalisée ?
Exemple de recherche pour “Excel” à distance :
On ne trouve pas moins de 4611 formations pour se perfectionner à Excel, très souvent proposées par les mêmes organismes : les deux premiers résultats sont proposés par un organisme qui se nomme Mon *** Formation, une société créée il y a un an d’existence et qui propose déjà des cours d’excel, de la prothésie ongulaire, des cours de langue, de la création de site Internet, de la création d’entreprise, etc…
On trouve plus bas des sociétés sans véritables identités (noms de marques) qui utilisent sans cesse les même mots : Europe Formation, France Formation, Centre Français de formation européenne, l’école internationale des formation, l’Institut de formation… Un point commun ce sont tous des généralistes qui proposent tout, et qui contractualisent avec les mêmes certificateurs.
Il faut aider les titulaires à identifier les spécialistes et les professionnels de la formation des commerçants de la formation qui vendent tout ce qui est éligible. Ils ne sont pas propriétaires de leurs contenus de formations, ils achètent les mêmes contenu aux mêmes sociétés identifiées (il n’y a que 2 revendeurs). Ils ont des partenariats avec les mêmes certificateurs qui depuis 2022 sont invités à contrôler a qualité des formations proposées par leurs partenaires.
Améliorons la lisibilité de l’offre de formation
Les résultats du moteur ne devraient s’afficher que s’il y a moins de 100 propositions. Au delà c’est un choix inhumain. Deux possibilités : ne plus afficher les actions de formation mais les thématiques et ainsi n’afficher qu’un prestataire (pour filtrer par la suite) ou mieux utiliser les filtres au moment de la recherche.
Il faut ainsi mettre en avant les filtres du moteur de recherche et ajouter des options de recherches :
Exemple de filtres :
- Afficher tous les prestataires y compris les généralistes ou n’afficher que des spécialistes
- Afficher les organismes y compris les revendeurs de solutions ou n’afficher que les propriétaire de contenu
- Afficher le nombre de personnes qui ont suivies la formation
- Afficher les avis écrits des anciens apprenants (et le nombre d’avis)
- Afficher l’impact sur l”employabilité ou la mobilité de la formation sur les anciens apprenants
Bien sûr pour obtenir ces données il faut que la Caisse des dépôts et France Compétences continuent leurs efforts. Il faut forcer les prestataires de formation à être plus transparents. Il faudrait aussi motiver toutes les personnes formées à noter et laisser un commentaire écrit sur la formation et l’organisme de formation tout en prévoyant un droit de réponse. Ces changements motiveraient les organismes de formation à proposer une offre plus qualitative et favoriseraient le choix d’une formation plutôt qu’une autre.
Le CPF doit viser l’excellence et le catalogue témoigner de la qualité de chaque formation. C’est tout le moteur de recherche de Mon Compte Formation et ses filtres qu’il faut continuer de faire évoluer pour valoriser les actions de formation.
Limiter l’offre en imposant des tickets modérateurs ou des plafonds injustes sur une formation ou un public ne résoudrait pas le problème actuel.
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