A l’approche de la fin d’année, nous avons sollicité les partenaires sociaux pour avoir leur point de vue sur l’avenir du CPF en 2023. Découvrez la tribune d’Angeline Barth, secrétaire confédérale de la CGT qui évoque la formation professionnelle et le CPF en particulier.
Où va la formation professionnelle ?
“La formation professionnelle a pris ces 15 dernières années un virage considérable vers la libéralisation et la marchandisation, y compris de l’apprentissage qui est poussé vers la sortie du champ de la formation professionnelle initiale.
La réforme de 2018 et la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel » sont aujourd’hui suffisamment installées pour que l’on en tire des bilans. Notamment au niveau financier. Le passage de l’obligation légale de financement de la formation de 1,6 % de la masse salariale à seulement 1 %, avait déjà offert dès 2014 aux employeurs un gain de près de 2,4 milliards d’euros par an en déduction de ce qui constituait une part socialisée du salaire. En 2020, l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales ont pointé que la réforme de 2018 n’était pas suffisamment financée. Depuis, les aides massives et sans conditionnalité aux entreprises pour l’embauche des apprentis a considérablement accentué le déficit cumulé de France Compétences (+11 milliards d’euros). Compte tenu de la situation, tout porte à craindre que l’on ne continue à assister dans les mois qui viennent à des mesures de replâtrage qui ne feront que reporter le problème structurel de financement. La loi de 2018 a également considérablement réduit le rôle jusque-là donné aux organisations syndicales et patronales en matière de gouvernance nationale de la formation professionnelle. L’essentiel de leurs précédentes prérogatives ont été dévolues à France Compétences, organisme quadripartite au sein duquel leurs voix ne sont plus réellement prises en compte.
Concernant le Compte personnel de formation, celui-ci constituait incontestablement à sa création, pour la CGT, un progrès avec plus d’heures et une transférabilité totale tout au long de la vie active. Mais son financement insuffisant a conduit rapidement à une mise en concurrence avec les autres droits à la formation. Avec la réforme de 2018, il a été de plus en plus individualisé. Sa monétisation, associée à son utilisation sans intermédiaire via une application ou un site internet, est un facteur d’isolement des salariés face à l’offre de formation et non pas, comme veut le faire croire le gouvernement, un moyen de « choisir sa formation en toute liberté ». C’est une liberté illusoire comparable à la liberté celle du consommateur face à la grande distribution, le salarié est en réalité seul face une offre de formation pour laquelle il n’existe pas de régulation des prix et de la qualité.
De plus, la monétisation du CPF permet de ne plus lier l’accès à la formation à la durée du travail, et ainsi de favoriser et développer la formation en dehors du temps de travail. Par ailleurs, il n’est pas rare d’avoir des remontées d’entreprises, dont de grands groupes, où les directions font pression sur les salariés pour qu’ils utilisent leur CPF pour des formations – y compris celles obligatoires liées à la sécurité, qui relèvent normalement des obligations de l’employeur. Cette pression s’exerce sur les salariés sous forme de chantage à la prime ou à l’évolution de poste dans l’entreprise. Les principes de co-construction avec les employeurs pouvaient offrir des perspectives pour trouver des financements à des projets personnels de salariés intéressant les entreprises. Dans les faits, le CPF couvre de moins en moins de projets personnels de formation, et est de plus en plus à la main des employeurs.
Il faut donc refonder tout le système. Non pas en colmatant ou en améliorant à la marge tel ou tel dispositif, mais en s’affranchissant des lois mortifères du sacro-saint marché au profit d’un objectif central : satisfaire réellement les besoins de formation des salariés, des demandeurs d’emploi et des jeunes qui n’ont pas encore intégré le monde du travail. Et plus seulement répondre aux besoins court termistes en compétences des entreprises pour former les salariés uniquement au poste de travail. Cela pose bien sûr la question du financement : l’augmentation de l’obligation légale des entreprises à hauteur de 1,6 % est donc toujours d’actualité pour la CGT.
Cela est d’autant plus urgent et essentiel dans le contexte actuel où nous faisons face aux transitions numériques, aux besoins de relocalisation et de réindustrialisation et aux urgences sociales et environnementales. La formation professionnelle doit être un élément moteur pour répondre à ces enjeux cruciaux pour l’ensemble des habitants.”
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