La réforme de la formation professionnelle en France, qui représente 32 milliards d’euros de dépenses par an, est entrée mercredi dans sa dernière ligne droite avec la présentation en conseil des ministres d’un projet de loi issu du dialogue social.
Le gouvernement veut faire de la formation continue une arme anti-chômage mais attend aussi de cette loi, qu’il souhaite faire voter en procédure d’urgence avant fin février, un financement plus transparent des organisations syndicales et patronales.
Ce texte traduit l’accord conclu par les partenaires sociaux le 14 décembre, signé par la CFDT, Force ouvrière, la CFTC, la CFE CGC côté syndical, le Medef et l’Union professionnelle artisanale côté patronal – CGT et CGPME ont refusé de signer.
Il met notamment en oeuvre un compte personnel de formation (CPF) dont tous les actifs disposeront à partir de 2015 et pour toute la durée de leur carrière professionnelle.
Le CPF “permettra à tous de connaître leurs droits et de les conserver” quels que soient les soubresauts de leur parcours professionnel, a expliqué le ministre du Travail, Michel Sapin, lors d’une conférence de presse.
“Les droits du chômeur seront exactement les mêmes que ceux du salarié, il n’y a plus de différence”, a-t-il ajouté.
Sur les 32 milliards d’euros de la formation continue, 24,8 milliards sont dépensés dans le secteur privé, dont 13,7 par les entreprises, 4,7 par l’Etat et 4,5 par les régions, selon des chiffres du ministère du Travail. Sur les 13,7 milliards des entreprises, 6,5 sont versés à des organismes paritaires de collecte gérés par les partenaires sociaux, les Opca.
CORDON FINANCIER COUPÉ
Outre les cotisations de leurs adhérents, les principales organisations syndicales et patronales tirent aujourd’hui une partie de leurs ressources de la gestion des organismes sociaux paritaires, dont 65 millions d’euros par an de ces Opca.
Le projet de loi coupe le cordon entre ces organismes et le financement des organisations syndicales et patronales pour mettre fin à un système qui nourrit la suspicion.
“Je ne veux pas que le dialogue social soit une boîte noire”, avec “des soupçons et des débats qui ne devraient pas polluer les débats de fond”, a souligné Michel Sapin.
Le texte crée un fonds paritaire unique dédié au financement de ces organisations et garantissant des ressources équivalentes mais désormais clairement identifiables.
Il sera en partie alimenté par une contribution des employeurs, qui sera fixée par accord entre organisations syndicales et patronales et compris entre 0,014% et 0,02% de la masse salariale, précise le texte.
Au total, ce fonds sera ainsi doté d’au moins 80 millions d’euros auxquels pourraient s’ajouter les contributions d’autres organismes paritaires comme l’assurance chômage, pour atteindre 120 à 150 millions d’euros, selon le ministère du Travail.
L’Etat continuera pour sa part, également via ce fonds, à financer la formation économique et sociale des cadres syndicaux – une contribution d’environ 23 millions aujourd’hui et qui pourrait être un peu supérieure, ajoute-t-on de même source.
RÉFORME DES PRUD’HOMMES RETARDÉE
Le texte est aussi le fruit d’une concertation avec les régions sur la mise en œuvre du CPF, d’une autre avec les partenaires sociaux sur l’apprentissage et de discussions avec les employeurs sur la représentativité patronale.
Il réforme les modalités d’accès à l’apprentissage, améliore le “contrat de génération” et crée un cadre juridique pour mesurer la représentativité des organisations d’employeurs.
Il renforce enfin les moyens de contrôle des inspecteurs du travail et leur permet d’infliger des amendes aux entreprises dans le cadre d’un nouveau système de sanctions administratives, alors que seule la voie pénale est jusqu’ici possible.
En revanche, le gouvernement a disjoint de ce texte sur la formation et la démocratie sociale la réforme des prud’hommes, pour en faire un projet de loi distinct l’habilitant à légiférer par ordonnance.
La CGT, FO, la CFE CGC, les sénateurs Verts et des élus du Front de gauche et de l’UMP s’étaient élevés contre un article du projet initial visant à remplacer l’élection des 14.500 juges prud’homaux par une procédure de désignation fondée sur l’audience des organisations syndicales et patronales.
Le gouvernement entend donner le temps à l’ensemble des organisations patronales et syndicales de s’exprimer sur le contenu de la future ordonnance, a expliqué Michel Sapin, pour qui “il y a moins d’urgence” que pour la formation.
Le texte sur les prud’hommes – juridiction chargée de régler les litiges individuels relatifs au droit du travail dont le renouvellement a été repoussé à fin 2015 – ne sera pas soumis au Parlement avant avril, voire cet été, dit-on au ministère.
Edité par Gilles Trequesser
Laisser un commentaire