Novembre 2017
DOCUMENT D’ORIENTATION
Depuis 1945, notre pays a connu deux phases de transformation économique et sociale profonde. Les Trente glorieuses ont permis un développement économique sans précédent, fondé sur la fin de l’économie paysanne traditionnelle remplacée par une agriculture plus intensive, l’essor de l’industrie fordiste de masse et l’installation des services comme premier pourvoyeur d’emplois du pays. Les trente années suivantes ont vu, depuis le premier choc pétrolier, le taux de croissance divisé par deux, puis par trois, l’affaiblissement substantiel de notre appareil de production et le développement d’une économie de services polarisée entre prestations à haute valeur ajoutée et services peu rémunérés.
La formation initiale et professionnelle a largement accompagné ces transformations. La massification de l’enseignement secondaire puis supérieur, ainsi que le développement de la formation professionnelle ont permis à la majorité des Français de trouver une place sur un marché du travail de plus en plus exigeant et dual, sans pour autant parvenir à éviter l’installation d’un chômage de masse.
Depuis quelques années, notre pays, comme l’ensemble des pays de l’OCDE, est entré dans une troisième ère de transformation. La globalisation des marchés, le développement du numérique, de la robotique, la nécessité d’adapter les modes de production et de consommation à la préservation des ressources naturelles et au réchauffement climatique, entraînent une redistribution de la chaîne de valeur mondiale et une transformation des modes de production, de l’organisation du travail dans les entreprises et des compétences requises sur le marché du travail. Selon plusieurs études convergentes, environ 10% à 20% des emplois sont menacés de disparition par l’automatisation des tâches entraînée par la robotisation ou le numérique, autant seront créés, et 50% seront profondément transformés dans les dix ans qui viennent.
Face à cette troisième transformation, que l’on peut caractériser comme l’entrée dans l’économie de la connaissance, l’enjeu pour notre pays est triple :
- investir massivement dans la formation et les compétences, pour être collectivement capables de se hisser au sommet de la chaîne de valeur mondiale et d’impulser les changements de l’économie de la connaissance plutôt que les subir ;
- donner à chacun la liberté de choisir et la capacité de construire son parcours professionnel, pour créer ou saisir les différentes opportunités professionnelles qui se présentent ;
- protéger les plus vulnérables contre le manque ou l’obsolescence rapide des compétences et vaincre ainsi, enfin, le chômage de masse.
Une bataille mondiale de la compétence est engagée : les pays les plus dynamiques économiquement seront ceux qui feront le plus progresser en compétences l’ensemble des actifs. Les nations qui tireront le mieux leur épingle du jeu de la mondialisation à moyen terme seront celles qui réussiront à massifier des systèmes de formation initiale et professionnelle de grande qualité.
Le destin collectif de la France et les destins individuels des Français sont étroitement liés : plus notre système de formation professionnelle sera performant, plus il créera les conditions donnant à chacun la liberté individuelle de saisir toutes les opportunités de la mondialisation. Plus la France sera compétitive comme nation, plus elle offrira de possibilités à tous de construire et développer son projet professionnel.
Etre à la hauteur de ces enjeux déterminants pour l’avenir de notre pays et sa place dans la division internationale du travail en redéfinition suppose non pas de réformer, une fois de plus, notre système de formation professionnelle, mais de le transformer. Ce défi n’est pas hors de portée. Au début des années 1970, la France avait inventé un système de formation moderne et performant, en avance sur les autres pays européens. Il s’agit de renouer avec l’inspiration de la loi dite Delors, en l’adaptant aux enjeux de notre temps.
Investir massivement dans les compétences des salariés relève d’abord de la responsabilité des entreprises. C’est à elles qu’il revient d’anticiper les changements, de faire évoluer les organisations et d’innover pour être compétitives sur des marchés de plus en plus concurrentiels. Ces évolutions fondamentales s’inscrivent aussi dans le cadre refondé du dialogue économique et social impulsé par la réforme récente du code du travail. L’Etat doit, en la matière, dessiner un cadre légal et financier propice à ce mouvement, favorable à un investissement massif dans les compétences des salariés, encourageant toutes les innovations pédagogiques et toutes les formes de formation efficaces.
Donner à chacun la liberté de choisir et la capacité de construire son parcours professionnel relève davantage de la responsabilité conjointe de l’Etat et des partenaires sociaux. Il leur revient de rendre la formation professionnelle accessible à chaque actif, de façon autonome, simple, opérationnelle, pour rendre concrète et réelle la liberté d’évoluer professionnellement par la formation. Cela suppose bien sûr de financer cette liberté individuelle garantie collectivement, mais aussi de promouvoir la qualité de la formation, la transparence du marché de la formation et l’accompagnement des personnes qui ont besoin d’être aidées dans la construction de leur parcours professionnel.
Protéger les plus vulnérables contre le manque ou l’obsolescence rapide des compétences relève avant tout des pouvoirs publics, c’est-à-dire de l’Etat mais surtout des Régions, qui ont en charge la formation professionnelle des demandeurs d’emploi. Etre à la hauteur de l’enjeu requiert un investissement sans précédent dans la formation des demandeurs d’emploi et un effort d’identification des besoins en compétences des entreprises pour rendre plus efficace la formation.
Si les acquis instaurés par la loi du 5 mars 2014 sont significatifs, parmi lesquels la création du compte personnel de formation, du conseil en évolution professionnelle, la création d’une contribution unique pour les entreprises et des premières exigences en matière de qualité des formations, ils sont insuffisants pour répondre aux défis en présence.
Notre système, trop centré et focalisé sur la gestion de nombreux dispositifs, n’est pas adapté aux mutations rapides et profondes que connaissent nos sociétés. En outre, il ne permet pas de répondre aux inégalités de droit et d’accès entre salariés qualifiés et non qualifiés, entre salariés des petites et moyennes entreprises et salariés des grandes entreprises.
Afin de rendre notre système de formation professionnelle plus efficace, plus équitable, plus transparent au service de la compétitivité de l’économie française et du renforcement des capacités des actifs au sein du marché du travail, il convient donc de franchir une étape décisive dans la transformation de notre modèle.
Sur la base de ces objectifs, les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel sont invitées à engager une négociation interprofessionnelle sur les sujets qui relèvent du champ de la négociation collective, conformément à l’article L. 1 du code du Travail.
Le présent document d’orientation a pour objet d’expliciter les principaux objectifs du gouvernement, s’agissant de la réforme à conduire et les options possibles sur lesquels les partenaires sociaux sont appelés à négocier.
Le Gouvernement présentera un projet de loi portant réforme de la formation professionnelle, de l’assurance chômage et de l’apprentissage, au mois d’avril 2018, ce qui implique une négociation finalisée fin janvier 2018.
1. Créer une liberté professionnelle pour les salariés par un compte personnel de formation facile d’accès, opérationnel et documenté
Afin de développer les capacités des actifs sur le marché du travail, le système de formation tout au long de la vie a engagé de fortes évolutions pour développer une approche centrée sur les personnes, leurs besoins et leurs projets. Avec plus d’un million de dossiers de formation validés depuis son entrée en vigueur en 2015, le compte personnel de formation – qui constitue le noyau dur du compte personnel d’activité – commence à s’installer dans le paysage de la formation professionnelle comme un moyen de développer cette logique de personnalisation.
Des droits individuels sont désormais capitalisés à travers des heures acquises sur le compte, et mobilisables jusqu’à la retraite, indépendamment du statut. Ces droits peuvent être également complétés par des abondements différenciés en fonction de la difficulté de certaines situations sur le marché du travail ou de projets professionnels. Afin d’accroître les ressources en faveur de ceux qui en ont le plus besoin, leur acquisition est désormais accélérée pour les salariés non qualifiés. Cependant, pour les salariés, comme pour les demandeurs d’emploi, la création du CPF n’a pas permis de sortir vraiment d’une logique de prescription de formation.
C’est pourquoi cette première étape de construction du compte personnel de formation demande à être approfondie, pour renforcer l’autonomie et la liberté des actifs, sa place dans le système de formation professionnelle et simplifier substantiellement les mécanismes d’accès à la formation et de gestion des comptes.
Avant la création du CPF, le congé individuel de formation (CIF) a longtemps représenté le seul droit de formation à la main du salarié et faisant l’objet d’un financement propre. De la création du DIF (Droit individuel à la formation) par l’accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 à sa transformation progressive en compte personnel de formation, les partenaires sociaux et le législateur ont construit des dispositifs alliant droits individuels et personnels. L’un, le CIF, est passé d’une logique de promotion sociale à une logique de reconversion professionnelle. L’autre, le CPF, s’est construit dans une logique de sécurisation des parcours professionnels actant les évolutions du marché du travail et s’inscrivant dans une perspective de droit attaché à la personne plutôt qu’au statut. Par leur finalité, assurer l’exercice d’un véritable droit de liberté professionnelle sorti du lien de subordination juridique, les deux droits se rapprochent de plus en plus. Cependant, par sa construction même, le CIF peine à remplir de manière collective et générale une véritable fonction de reconversion professionnelle (50 000 CIF par an environ pour 19 millions de salariés).
Le CPF doit donc devenir l’unique droit personnel à la main des individus dans une logique d’appropriation directe, c’est-à-dire d’autonomie sans intermédiaire obligatoire. Ses possibilités de mobilisation doivent devenir simples et transparentes. A cette fin, le Gouvernement mettra à disposition de tous les salariés et demandeurs d’emploi une application numérique permettant de connaître en temps réel les droits individuels acquis sur le compte personnel de formation, les offres d’emploi disponibles sur le bassin d’emploi et la région, les formations préparant à l’acquisition des compétences requises par ces emplois et les taux d’insertion dans l’emploi à l’issue des formations proposées. L’application permettra également de connaître les dates des cessions de formation et de s’inscrire en formation, sans avoir à solliciter obligatoirement un intermédiaire et sans avoir à effectuer de démarches administratives.
L’unité de mesure en heures des droits de chacun sur son compte n’est pas satisfaisante, celle-ci prenant mal en compte les nouvelles formes d’actions de formation relativisant les notions de présence sur un lieu en un temps donné.
L’encadrement de l’utilisation du CPF se fait aujourd’hui notamment à travers le système des listes de formation éligibles au compte. Pour autant, et bien que les listes de formation éligibles aient permis un investissement sans précédent des partenaires sociaux sur l’identification des certifications professionnelles, le système d’éligibilité au CPF par des listes restreint les possibilités d’accès à la formation et rajoute un niveau de complexité supplémentaire à un ensemble déjà peu lisible. Il est également peu transparent et crée de l’iniquité entre les bénéficiaires potentiels d’une même certification. Il doit donc être mis fin à cette condition d’utilisation du CPF.
Dans cette perspective les partenaires sociaux sont invités à négocier sur les questions suivantes :
- quelle doit être la nouvelle unité de mesure du CPF ?
- Quel doit être le montant du financement collectif garanti pour le compte personnel de formation, celui-ci pouvant être évolutif en fonction de la montée en charge du dispositif ? La dotation doit-elle être différenciée en fonction du niveau de qualification de la personne et pour permettre des reconversions professionnelles ?
- Comment doivent être organisées, notamment par la négociation, les possibilités d’abondement au CPF des entreprises, dans une logique de co-construction, et des personnes, dans une logique de co-investissement ?
- Comment concilier l’autonomie individuelle dans le choix de la formation et l’orientation des formations vers les besoins de l’économie ?
- Dans le contexte de la fin des listes d’éligibilité au CPF, comment maintenir et organiser la montée en qualité des formations proposées ?
2. Organiser un effort sans précédent de formation des demandeurs d’emploi pour vaincre le chômage de masse
Compte tenu du déficit de compétences constatés en France pour certains publics peu qualifiés et du rythme de croissance de la demande d’emploi plus rapide que le niveau de dépense de formation pour les demandeurs d’emploi entre 2009 et 2015, la formation des demandeurs d’emploi a bénéficié de contributions exceptionnelles de l’Etat et des partenaires sociaux. Ces plans exceptionnels, à temporalité souvent annuelles, constituent des outils conjoncturels, suscitant la mobilisation des acteurs, mais une approche plus systémique, pluriannuelle, tenant compte des droits et besoins des individus est nécessaire. Le rôle des régions est également essentiel en la matière, celles-ci disposant d’une compétence de principe. Leur rôle est donc déterminant.
Ainsi, un plan d’investissement compétences (PIC), destiné à financer un effort sans précédent de formation des demandeurs d’emplois, sera engagé dès l’année prochaine et sur l’ensemble du quinquennat. Il permettra de former, en plus du « rythme de croisière » des dernières années, un million de demandeurs d’emplois de longue durée et un million de jeunes sans qualification.
Aujourd’hui, les partenaires sociaux consacrent en moyenne, sur les dernières années, environ 700 à 800 millions d’euros, hors contrat de professionnalisation, à la formation des demandeurs d’emploi. Dans le cadre du PIC, cette contribution pourra être portée, à partir de 2019, à 1,5 milliards d’euros par an et prendra la forme d’un prélèvement pouvant atteindre 0,3% de la masse salariale. Cette contribution a vocation à évoluer en fonction du nombre de demandeurs d’emplois.
Outre la masse financière nécessaire, la réussite du PIC suppose d’identifier de manière à la fois précise et prospective les besoins en compétences des entreprises, de flécher les formations sur ces besoins et d’intéresser financièrement les opérateurs au résultat.
Dans cette perspective les partenaires sociaux sont invités à négocier sur les questions suivantes :
- comment les entreprises et les branches professionnelles peuvent-elles se mettre en situation d’effectuer une GPEC de branche, déclinable au niveau territorial, capables d’apporter une information précise et de qualité aux acheteurs de formation ?
- Comment organiser un rapprochement cohérent des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications pour apporter toute l’information nécessaire à ceux qui commandent et organisent des formations pour les actifs ?
3. Favoriser l’investissement massif des entreprises dans les compétences des salariés
Si le renforcement du CPF permettra au salarié d’assumer davantage sa liberté professionnelle, il convient toutefois de confirmer les obligations de l’entreprise relatives au maintien de l’employabilité de ses salariés.
Les entreprises ont vocation à conforter leur rôle central d’acquisition des compétences pour leurs salariés. En matière de formation professionnelle, l’employeur a plusieurs obligations à cet égard : au-delà de la participation au financement, il doit s’assurer de l’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi, organiser un entretien professionnel bisannuel, concerter le plan de formation soumis aux représentants du personnel.
Dans ce cadre, il est proposé de réorganiser les modalités par lesquelles l’entreprise contribue à la formation de ses salariés, tant par obligation que pour des raisons de compétitivité.
Il est ainsi indispensable de simplifier la construction et la formalisation du plan de formation. En effet, dans la pratique, les entreprises et les représentants du personnel ont du mal à distinguer effectivement les différences entre les catégories du plan. Il convient également de simplifier les dispositifs de maintien en emploi des salariés. Ainsi, la période de professionnalisation a vocation à disparaître. Outre qu’elle est souvent utilisée comme outil d’adaptation au poste, le maintien dans l’emploi du salarié relève de l’obligation générale qui incombe à l’employeur au titre de l’article L. 6321-1 du code du travail.
En outre, la digitalisation fait exploser le partage entre présentiel et non présentiel, entre formation pendant et hors du temps de travail. Il devient donc nécessaire de développer des modalités pratiques d’accès à la formation, de pédagogie active, plus souples et plus adaptées à la rapidité des évolutions du marché du travail et donc des besoins en compétence des salariés.
Enfin, la France se caractérise toujours par un moindre accès des salariés des TPE-PME à la formation. Or, ces entreprises sont elles aussi fortement impactées par la révolution digitale et elles n’ont pas souvent les capacités en interne pour faire face à ces bouleversements de leur modèle économique et social. Il est donc indispensable de simplifier les voies d’accès à
la formation pour leurs salariés, d’imaginer des modes d’incitation financière permettant le développement des compétences tout en maintenant une part de mutualisation et d’encourager la construction d’une meilleure offre en matière d’ingénierie de compétence.
Dans cette perspective, les partenaires sociaux sont invités à négocier sur les questions suivantes :
- Quelle doit être la nouvelle définition simple et opérationnelle de l’action de formation, favorisant toutes les formes de formation et l’innovation pédagogique ?
- Comment inciter les entreprises à mieux assurer le maintien de la capacité de ses salariés à occuper un emploi, en anticipant l’évolution de leurs besoins en compétences, en accompagnant les transitions professionnelles en interne et en favorisant l’accès des salariés les moins qualifiés à la formation ?
- Comment apporter aux TPE-PME les moyens financiers et outils nécessaires à l’anticipation de leurs besoins en compétences et à la formation des salariés de ces entreprises et de leurs dirigeants ? A quelles conditions un système de mutualisation asymétrique peut-il être efficace ?
- Comment faciliter une meilleure association des élus du personnel et/ou des organisations syndicales à l’élaboration de la politique de formation de l’entreprise ?
4. Refonder le système de formation en alternance sur les besoins des entreprises et les attentes des jeunes
Malgré des progrès récents, notre système de formation en alternance est à la fois complexe, peu efficient et peu transparent.
Au vu des comparaisons avec les pays européens les plus performants en la matière, qui présentent un taux de chômage des jeunes souvent deux fois plus faibles que le nôtre, l’organisation de l’apprentissage dans notre pays n’est pas satisfaisante. Les professionnels sont peu ou mal associés à l’élaboration des diplômes. La gestion des centres de formation d’apprentis reste très encadrée administrativement, ne répondant pas toujours aux besoins des entreprises. Certaines demandes de formation des entreprises ne sont pas satisfaites, cependant que beaucoup de centres sont loin d’être remplis. Les contraintes du rythme scolaire sur l’organisation de la formation en entreprise est inadapté à la demande des entreprises et des jeunes et peuvent conduire les entreprises à renoncer à des offres d’apprentissage et des jeunes en rupture de contrat à perdre une année entière.
Pour contourner cette rigidité, les partenaires sociaux ont développé le contrat de professionnalisation, plus souple, plus réactif, et dont le financement au contrat garantit une meilleure utilisation des fonds publics. Ceci étant, la coexistence de deux systèmes participe de la complexité et au final du manque d’attractivité de la formation en alternance.
La formation en alternance nécessite donc une révolution copernicienne : les entreprises et les jeunes ne doivent plus tourner autour du système, mais c’est à l’inverse le système lui-même qui doit se mettre à tourner autour des entreprises et des jeunes.
C’est pourquoi le système de financement des formations en alternances doit être piloté dans un souci d’efficacité et de transparence, l’affirmation du statu quo ne la garantissant pas par elle-même.
Il doit donner la priorité à la prise en compte des besoins du monde professionnel, des entreprises qui embauchent les personnes et en particulier les jeunes concernés, tout en assurant une régulation d’intérêt général avec les Conseils régionaux, notamment dans une perspective d’aménagement du territoire et de développement économique.
Dans cette perspective, les partenaires sociaux sont invités à négocier sur les questions suivantes :
- comment mettre en place un système de financement au contrat (apprentissage et professionnalisation), garantissant la transparence et l’utilisation optimale des ressources dédiées à la formation en alternance ?
- Comment organiser un système de péréquation permettant d’accompagner les branches souhaitant développer les formations en alternance mais ne disposant pas des ressources suffisantes ?
- Comment améliorer les modalités d’évaluation des formations en alternance proposées, garantissant ainsi aux jeunes et aux familles une pleine connaissance des débouchés et des taux d’insertion dans l’emploi des formations existantes ?
5. Développer la régulation du système de formation professionnelle par la qualité et renforcer l’accompagnement des actifs : un enjeu transversal et systémique de la réforme
La transformation indispensable de l’ensemble de notre système de formation ne sera possible que si l’écosystème, qui permet une prise en compte des besoins effectifs des actifs et des entreprises, évolue profondément.
Il s’agit de rénover considérablement notre système de certification afin qu’il réponde aux aspirations individuelles des personnes et aux besoins des entreprises face aux changements toujours plus rapides du marché du travail, mais également de renforcer très fortement la transparence et la qualité de l’offre de formation dans une double logique d’efficacité économique et de justice sociale.
Donner plus de libertés aux actifs dans la gestion de leur droit peut nécessiter un accompagnement renforcé permettant leur utilisation effective. Il s’agit alors pour l’ensemble des institutions de rendre « capable » les personnes afin qu’elles fassent des choix éclairés et libres.
5.1 Renforcer la régulation en amont par une révision du système de certification professionnelle
Un cadre des qualifications clair et simple aide l’ensemble des acteurs à comprendre la valeur et le niveau d’une qualification. L’existence de qualifications professionnelles dont les employeurs, les salariés et les demandeurs d’emploi ne perçoivent pas le sens et la valeur faute de transparence est un facteur important de sous-utilisation des compétences des actifs et du mauvais rapprochement de l’offre et de la demande en compétences. Parallèlement, la valeur probante des certifications professionnelles acquises permet aux actifs de se former sur les compétences recherchées sur le marché de l’emploi et de mieux sécuriser leur parcours professionnel.
Avec plus de 10 000 certifications actives enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles et 1 200 certifications recensées à l’inventaire, le système français ne répond pas à cet impératif.
Dans le même temps, la mise en oeuvre du CPF a enrichi la finalité du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), celui-ci étant aussi devenu un prérequis pour l’accès à des financements mutualisés. Ce changement a entraîné à la fois une augmentation des demandes d’enregistrement et une exigence plus forte dans l’application des critères d’enregistrement. Un système de certification professionnelle rationalisé permet également l’encadrement nécessaire de la logique individuelle et universelle de la formation. Cette rationalisation passe nécessairement par une définition homogène de la notion de blocs de compétences qui permet un accès progressif à la qualification ou d’attester des compétences acquises en cas de réussite partielle.
Enfin, le RNCP n’est pas suffisamment réactif. Pour être inscrit au RNCP, les organismes privés ou les certifications de branche doivent justifier des données d’insertion de 3 promotions. Ajouter au délai d’instruction et d’ingénierie, un minimum de 4 à 5 ans est donc nécessaire pour faire enregistrer une certification. L’évolution continue des besoins en compétences, notamment en lien avec la numérisation des métiers, nécessite donc, là aussi, de refonder le système.
Dans cette perspective, les partenaires sociaux sont invités à négocier sur les conditions d’une modularité opérationnelle et souple dans les certifications et diplômes et sur la manière de mieux prendre en compte les compétences émergentes sur des métiers en forte évolution, tout en veillant à un accès au RNCP sélectif et de qualité.
5.2 Passer à une nouvelle étape de la démarche qualité de la formation
Dans le prolongement de l’ANI du 14 décembre 2013, la loi du 5 mars 2014 a fait le choix de la responsabilité des financeurs publics et paritaires pour améliorer la qualité en formation. Le décret du 30 juin 2015 a fixé les six critères ainsi que le mode opératoire leur permettant d’assurer cette mission, soit en recourant à des labels ou certifications (rôle de la liste publique du CNEFOP), soit par la mise en place d’une procédure interne d’évaluation.
Toutefois, la logique de renforcement des droits personnels impliquant une logique de désintermédiation par le biais du CPF implique que la personne ait une vision claire et
précise du marché de la formation. La plus grande liberté donnée aux individus dans leur choix d’achat de formation exige une plus grande transparence de l’offre de formation. La régulation du système doit donc, plus que jamais, passer par « l’assurance qualité » de la prestation et du prestataire et ce, de façon unifiée.
La certification des organismes de formation pourrait donc être assurée via un système d’accréditation qui pourrait s’appuyer sur le COFRAC.
Les partenaires sociaux sont invités à réfléchir sur les principes et les modalités permettant une meilleure transparence et une plus grande qualité de l’offre de formation :
- Quelles doivent être les modalités de contractualisation des parcours de formation, de suivi et d’évaluation notamment quant aux résultats obtenus en matière d’emploi et de compétences ?
- Quelles doivent être les modalités de régulation portant sur la qualité de l’offre la certification des organismes de formation et quelles conséquences tirer de la non-qualité
- Comment renforcer les modalités de contrôle du service fait ?
5.3 Renforcer l’accompagnement individuel pour permettre à chacun de construire son parcours professionnel
Faire le choix d’une prestation de formation n’est pas qu’un acte de consommation courante. Il s’inscrit parfois dans une histoire personnelle et dans un rapport souvent difficile à la formation. Rendre les personnes plus libres, c’est aussi leur permettre de faire des choix éclairés et en toute connaissance de cause. Par conséquent, la question de l’accompagnement des actifs est un des enjeux majeurs de la réforme. Outil majeur de promotion et d’émancipation sociale, l’action de formation est aussi une construction sociale qui souffre depuis trop longtemps d’une forme de déterminisme. A ce titre, aider la personne à élaborer un projet, à se projeter dans l’avenir, participe à la liberté professionnelle et à réduire les inégalités d’accès et d’exercice effectif des droits.
Le conseil en évolution professionnelle, créé par l’ANI du 11 janvier 2013 transposé dans la loi du 13 juin 2013, cherche à répondre à cet objectif, mais il n’a pas encore trouvé de traduction concrète réelle. Peu connu, sous-financé, il souffre également d’un écosystème complexe avec de nombreux acteurs avec des degrés de professionnalisation très hétérogènes.
Il revient donc aux partenaires sociaux de négocier sur ce que doit être un droit à l’accompagnement au service des actifs et sur ses objectifs comme instrument d’émancipation de l’individu. Ils sont également invités à déterminer les voies et moyens permettant de favoriser le bénéfice de ce conseil de manière large et diversifiée, dans une logique d’incitation au résultat des opérateurs.
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