À l’occasion de l’événement “CPF coconstruit” coorganisé avec la Caisse des Dépôts le 25 juin, nous avons rencontré Christine Colombier, Responsable People Developement & Learning chez L’Oréal. Elle revient sur l’approche du groupe en matière de coconstruction du CPF, fondée sur la souplesse, l’individualisation et la responsabilisation partagée. Un échange lucide, structuré et engagé.
Christine Colombier pilote l’intégration du CPF dans les dispositifs RH du groupe, dans une approche à la fois pragmatique et ambitieuse. Très impliquée dans les sujets de coconstruction et d’accès à la formation tout au long de la vie, elle défend une vision équilibrée entre initiative individuelle et soutien organisationnel.

Christine Colombier, quelle est votre vision du CPF chez L’Oréal ?
Chez nous, le CPF n’est pas un levier massif ou centralisé. Il n’a pas vocation à se substituer à nos politiques internes de formation, mais à les compléter intelligemment. On est dans une logique de “dentelle” : chaque projet CPF est analysé au cas par cas, en lien avec les enjeux d’employabilité de la personne.
Notre objectif est clair : soutenir l’envie d’apprendre, faire du CPF un outil gagnant-gagnant, à la fois pour le collaborateur et pour l’entreprise.
Vous parlez d’un changement de paradigme. Qu’est-ce qui a évolué selon vous ?
Pendant longtemps, on entendait qu’il ne fallait surtout pas que l’entreprise propose l’utilisation du CPF. Aujourd’hui, la posture a changé. On comprend qu’elle peut, sans imposer, être un guide, un appui, un partenaire.
Ce glissement est important : il rend possible une co-construction raisonnée, respectueuse du droit individuel tout en valorisant l’intelligence collective.
Comment organisez-vous concrètement cette coconstruction ?
Nous identifions trois niveaux d’engagement autour du CPF :
- Niveau 1 : Information & Orientation
L’entreprise :
- informe les collaborateurs sur le dispositif
- met en avant les offres CPF de ses partenaires de formation
- soutient les collaborateurs lors de leur inscription
- Niveau 2 : Curation et facilitation – nous aidons les collaborateurs à s’y retrouver dans l’offre, à éviter les arnaques, et nous pouvons prendre en charge certains aspects techniques comme l’explication du ticket modérateur.
- Niveau 3 : Intégration stratégique – pour certaines compétences clés, nous allons jusqu’à cofinancer la formation et l’intégrer sur le temps de travail.
Tout ne se fait pas en un bloc, mais ce cadre progressif permet à chacun de s’inscrire dans une démarche adaptée à son contexte.
Vous évoquez souvent le temps comme un frein. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, chez L’Oréal, le budget n’est pas le principal frein. Le vrai enjeu, c’est le temps disponible pour se former, en particulier dans des métiers très opérationnels.
C’est pourquoi nous privilégions des formes d’accompagnement sur le temps de travail. C’est là où nous avons le plus d’impact, en permettant au collaborateur de libérer de la disponibilité mentale et physique pour se former.
C’est probablement le soutien le plus précieux aujourd’hui.
Quelle est, selon vous, la responsabilité de l’entreprise vis-à-vis du CPF ?
Je crois que le CPF est un droit fondamental. Il appartient au collaborateur, mais il gagne à être exercé dans un environnement structurant.
Notre rôle, c’est d’accompagner sans récupérer, d’orienter sans imposer, et de permettre à chacun de devenir acteur de son parcours. Et cela vaut autant pour les grands groupes que pour les PME.
Qu’attendez-vous des évolutions en cours : décret, nouvelles fonctionnalités CDC, outils de gestion ?
C’est encourageant, mais ce ne sont pas des révolutions. Les évolutions techniques permettent des ajustements utiles, mais l’essentiel reste dans la posture des acteurs.
Si les entreprises dépassent la peur d’intervenir sur le CPF et s’engagent vers une co responsabilité active , si les institutions facilitent les usages, alors le paradigme peut réellement changer. Ce que je souhaite, c’est que tout le tissu économique, même au-delà du CAC40, puisse s’en saisir.