Entretien avec Carole Grandjean, Ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels

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En cette belle journée, nous avons l’opportunité exceptionnelle de recevoir sur CPFormation, Carole Grandjean, Ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels. Un poste de grande responsabilité qu’elle assume avec détermination et passion. Nous nous sommes entretenus avec elle pour discuter des sujets qui font l’actualité de notre plateforme depuis sa création en 2014 : l’apprentissage, la réforme du lycée professionnel et le Compte Personnel de Formation (CPF).

Au travers de cet entretien, Carole Grandjean nous éclaire sur ces thématiques cruciales, offrant une perspective précieuse sur les initiatives en cours et les futures politiques de l’enseignement professionnel. Embarquez avec nous dans cette exploration enrichissante du paysage éducatif français. Lire l’interview est un privilège que nous sommes ravis de partager gratuitement avec tous nos lecteurs. Plongeons donc sans plus attendre dans le vif du sujet.

Carole Grandjean est nommée ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels auprès du ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse depuis le 4 juillet 2022.
Carole Grandjean est nommée ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels auprès du ministre du Travail

Apprentissage

  1. Vous visez un million de contrats d’apprentissage en 2027. Quels sont les éléments factuels qui permettent d’affirmer la réussite de ce dispositif ?

Tout d’abord, l’augmentation de l’apprentissage se poursuit : c’est une hausse de 14% depuis l’année dernière. Mais surtout, c’est une dynamique qui se démocratise. L’apprentissage est désormais à l’image du monde du travail, il devient un réflexe dans tous les secteurs d’activités, dans toutes les entreprises – grandes, petites et moyennes – et pour tous les niveaux de qualification. 

De même, sur le plan géographique, les départements et régions d’outre-mer confirment la hausse de l’apprentissage ces dernières années. C’est là aussi une preuve de la démocratisation de l’apprentissage car ces territoires en étaient précédemment moins pourvoyeurs.

  1. L’apprentissage a un coût important comme le souligne la Cour des comptes, que répondez-vous aux professionnels de la formation qui estiment que le budget alloué pénalise les autres dispositifs ?

L’apprentissage est un investissement de la Nation, pour la jeunesse et pour l’économie. L’apprentissage c’est avant tout moins de chômage chez les jeunes et une insertion professionnelle solide à la clé : 7 apprentis sur 10 trouvent un emploi à l’issue de leur apprentissage. De même, il serait inexact d’affirmer que l’effort consenti pour l’apprentissage se ferait au détriment des autres dispositifs. Cela voudrait dire que France compétences raboterait sur les budgets du CPF ou encore du Plan de Développement des Compétences, ce qui est évidemment faux. C’est la raison pour laquelle l’État intervient régulièrement dans le budget (à hauteur de 4Mds € pour l’année 2022).

©Sarah Steck /Présidence de la République – Déplacement au lycée professionnel Eric Tabarly aux Sables d’Olonne le 13 septembre 2023, crédits Elysée

Réforme lycée professionnel

  1. Pouvez-vous nous rappeler les ambitions de cette réforme ? 

Je souhaite faire du lycée professionnel une voie choisie, reconnue et valorisée. Notre ambition est de tout mettre en œuvre pour faire réussir tous les élèves qui s’engagent dans cette voie, qui souffre à la fois de fragilités et de rigidités structurelles que nous voulons résorber. La voie professionnelle doit permettre l’acquisition à la fois de techniques professionnelles et de connaissances générales solides, pour garantir une insertion ou une poursuite d’études réussies. 

Dès la rentrée 2022, j’ai annoncé les grands axes de la réforme que nous avons construite progressivement et collectivement : réduire le nombre de décrocheurs en cours de scolarité, faire progresser significativement le taux d’insertion dans l’emploi, et sécuriser les poursuites d’études pour celles et ceux dont c’est le projet. 

  1. En janvier dernier, 4 groupes de travail vous ont remis dans un rapport leurs pistes de réforme du lycée professionnel. Quels sont les grands axes de ce rapport, votre avis et le planning que vous vous êtes fixé ?

Entre octobre 2022 et janvier 2023, plus de 160 participants ont conduit un travail de terrain remarquable et abordé un très grand nombre de problématiques, des enjeux très concrets d’organisation de la scolarité jusqu’aux objectifs républicains d’émancipation par une insertion professionnelle réussie.

Plus de 200 pistes d’améliorations ont été identifiées dans un rapport d’une grande qualité, autour de 6 grands axes que sont : l’orientation des collégiens vers la voie professionnelle, la scolarité en lycée professionnel, le décrochage et la réorientation, la découverte du monde professionnel, la poursuite d’études dans le supérieur, l’insertion dans la vie active.  

La clôture de ces groupes de travail a ouvert un cycle de discussions bilatérales avec les organisations syndicales en mars et avril 2023. 

Nous avons souhaité que les premières mesures de la réforme s’appliquent dès la rentrée scolaire 2023, notamment la gratification des élèves pendant les périodes de formation en milieu professionnel. D’autres mesures seront déployées progressivement, puis généralisées en tenant compte des réalités locales des établissements.

CPF

  1. Synchronisation moncompteformation/France compétences, mise en place de l’identité numérique, loi anti démarchage…l’année 2022 a été marquée par la lutte contre la fraude. Quelques mois après, quels sont les résultats ?

Je vous remercie de souligner nos nombreux efforts. L’identification sur France Connect + ainsi que la loi luttant contre la fraude au CPF et le démarchage apportent aujourd’hui des résultats plus que convaincants :  l’effort de sécurisation des comptes CPF des Français porte ses fruits car nous ne recensons plus de signalements sur des usurpations d’identités.

Il en est de même pour le démarchage qui était aussi un vecteur important de fraudes et d’achats impulsifs. Il est désormais durement sanctionné à hauteur de 375 000 euros et vous aurez remarqué que vous ne recevez plus de textos ou d’appels pour vous vendre des formations avec votre CPF. 

  1. La loi a introduit la notion de reste à charge notamment pour des raisons d’économie. L’usage étant désormais régulé, quel serait l’intérêt d’y faire appel ? Cela ne risque t’il pas de mettre en péril le CPF, créer des inégalités et mettre encore plus à mal le secteur qui lui-même a pâti des fraudes ?

Notre objectif est en premier lieu de proposer aux Français une offre de formation qualitative. Pour ce faire, depuis un an nous avons régulé la plateforme : les certifications ont été renouvelées et correspondent aux besoins du marché de l’emploi. Nous avons passé en revue tout le catalogue de l’offre de formation à la création-reprise d’entreprise et nous allons en faire de même pour le bilan de compétence. Concernant les organismes de formation, le label Qualiopi est devenu obligatoire pour vérifier un certain nombre de critères qualité. Et depuis le mois d’octobre dernier, les vérifications pour s’inscrire sur MonCompteFormation ont été très fortement renforcées. Toutefois, nos efforts sont loin d’être achevés. 

Notre ambition future pour le CPF n’a pas changé depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : nous voulons améliorer l’usage du compte afin de de favoriser la montée en compétences et sécuriser les parcours des salariés, demandeurs d’emploi, travailleurs indépendants. Et nous sommes attentifs aux plus fragiles puisque nous avons prévu des exonérations pour les demandeurs d’emploi ou encore la co-construction avec les entreprises. 

Avec ce reste à charge, il s’agit également de responsabiliser les utilisateurs en les dirigeant vers le financement de projets qui auront un impact pour leur trajectoire professionnelle grâce à des formations mûrement réfléchies. Ce n’est certainement pas de créer de nouveaux freins dans l’accès à la formation pour les publics les plus vulnérables. Le calibrage exact de cette mesure doit faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux, pour préciser les modalités de son application par décret. Nous ouvrirons prochainement ces concertations.

  1. Le dernier rapport de la CDC sur l’usage du CPF montre un lien fort avec les débouchés professionnels et un haut taux de satisfaction. Quels sont pour vous les prochaines étapes pour le dispositif : travailler à toujours plus de qualité ?

Nous voulons œuvrer à ce que le CPF devienne un outil tangible dans le parcours des actifs. Aujourd’hui, ce dispositif est l’un des dispositifs les plus connus des Français.  Il faut désormais qu’il prenne une autre dimension et compte davantage pour faciliter les transitions professionnelles. En effet, je pense que le CPF constitue un atout indéniable pour accompagner les reconversions vers des métiers d’avenir ou en tension. 

Par ailleurs, notre deuxième grand chantier sera de favoriser les co-constructions de ces parcours de reconversion. Il s’agit de multiplier les possibilités de prises en charge des par les employeurs, les régions, les branches professionnelles, dans une logique gagnant-gagnant : une montée en compétence qui représente un atout pour l’individu, pour l’entreprise et pour le territoire. 

  1. Aujourd’hui le CPF co-construit est peu pris en main par l’entreprise ? Pourquoi à votre avis et est-ce que cette dernière a un rôle clef à jouer ?

Oui, l’entreprise doit avoir un rôle déterminant dans la co-construction des parcours via le CPF. Comme vous le dîtes justement, ce dispositif est encore peu mobilisé par les employeurs. C’est pourquoi il nous faut collectivement mieux faire connaître la co-construction aux employeurs pour qu’ils s’en saisissent davantage. Je suis convaincue que cela peut aussi favoriser le dialogue social dans l’entreprise.

A ce sujet, la Caisse des Dépôts a d’ores et déjà signé des conventions avec des organisations patronales et des branches professionnelles pour développer la pratique des abondements employeurs dans des secteurs d’activités variés. Cela ne concerne pas seulement les chefs d’entreprises. Un nombre croissant d’acteurs doit participer au co-financement de la formation des stagiaires. Je pense notamment aux collectivités, aux régions et à Pôle Emploi.

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