Comment faut-il faire évoluer les compétences des travailleurs face au développement de l’intelligence artificielle dans le monde du travail ?
L’intelligence artificielle peut être vue comme “l’ensemble des technologies visant à réaliser par l’informatique des tâches cognitives traditionnellement effectuées par l’humain”. Elle suscite des réactions très contrastées. D’un côté, les optimistes voyant dans l’intelligence artificielle, une technologie porteuse de gains de productivité, donc source de richesse, et qui promet d’en finir avec les tâches les plus fastidieuses. De l’autre, les plus pessimistes y voient la disparition inéluctable de pans entiers d’activité et des emplois correspondants.
Pour éclairer les débats, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat chargé du numérique, ont confié à France Stratégie une mission sur les impacts de l’intelligence artificielle (IA) sur le travail.
Trois secteurs passés au crible de l’Intelligence artificielle
Pour le transport, l’impact sur l’emploi du véhicule autonome semble particulièrement difficile à anticiper : la technologie n’a pas encore atteint un niveau de sûreté tel qu’il soit possible de prévoir avec précision un calendrier pour sa généralisation, qui supposera que les réglementations aient évolué et que les assurances se soient adaptées. Les conséquences sur l’emploi de son adoption dans certains secteurs particuliers, comme les transports routiers de longue distance, pourraient cependant, le moment venu, être significatives.
Pour les banques, l’intégration de l’intelligence artificielle devrait avoir un impact significatif sur la pratique professionnelle des conseillers commerciaux, et accentuer la tendance à la réduction de leur nombre en agences, mais sans rupture majeure.
Pour la santé, les applications les plus spectaculaires – robots chirurgicaux, interprétation des radios et électrocardiogrammes – ne sont pas les seules qui auront un impact sur la définition des métiers et l’emploi. Celles du diagnostic et de la prescription assistés par ordinateur ou de suivi des patients à distance pourraient aussi changer profondément la donne, en particulier dans la répartition des tâches entre professions de santé (médecins, et pratiques avancées des infirmiers).
Quels impacts de l’intelligence artificielle sur la formation dans ces secteurs ?
Le rapport propose des pistes d’action qui mobilisent les moyens d’anticipation des acteurs, de formation et de sécurisation des parcours professionnels.
Ainsi le rapport identifie trois axes pour répondre aux enjeux soulevés par l’intelligence artificielle dans le domaine du travail :
- Conduire, à l’échelle de la branche ou de la filière, des travaux de prospective sur le potentiel de l’IA, pour assurer un bon niveau d’information et d’anticipation des acteurs ;
- Assurer la formation des travailleurs aux enjeux de demain : former des travailleurs très qualifiés pour produire de l’IA, et des travailleurs conscients des enjeux techniques, juridiques, économiques, éthiques soulevés par l’utilisation de ces outils ;
- Renforcer les dispositifs de sécurisation pour les quelques secteurs ou sous-secteurs qui seraient fortement impactés par le risque d’automatisation.
Identifier les compétences nécessaires dans les entreprises
Le rapport pointe la nécessité d’aider les entreprises à identifier précisément les compétences dont elles auront besoin à l’avenir avec la mise en place d’une cartographie des métiers présents dans l’entreprise ou la formalisation d’un référentiel des compétences, par exemple. Il met aussi en avant le besoin de les outiller pour évaluer correctement les compétences des candidats qui postulent (mise en place d’exercices détectant les habiletés lors du processus de recrutement, par exemple).
Actuellement, moins de 15 % d’entre elles déclarent mettre en place une gestion des compétences comme “identifier les compétences nécessaires à l’activité”, “vérifier l’écart entre les compétences nécessaires pour réaliser l’activité et les compétences détenues par les salariés” ou encore “mettre en place des actions pour réduire les écarts (via la formation continue ou le recrutement)”. Or l’intelligence artificielle risque d’augmenter les écarts entre compétences détenues et compétences nécessaires. Elle peut donc fournir l’occasion de sensibiliser les entreprises sur le sujet.
L’IA peut jouer le rôle d’un accélérateur pour la montée des compétences
Il est essentiel d’intégrer aux formations métiers (professionnalisantes, BTS, bac pro, master, doctorat, etc.) les compétences nécessaires à l’utilisation des outils d’intelligence artificielle spécifiques aux secteurs.
Ces outils s’inscrivent dans la transition numérique en cours, marquée par une numérisation croissante des activités, par de nouvelles formes de travail via les plateformes, par l’utilisation des données utilisateurs pour faire évoluer services et produits, etc.
Quel que soit le secteur, il doit être aussi possible de retracer tout le processus de décision proposé par des logiciels à base d’IA pour garder la main sur la décision finale. La régulation humaine – compréhension, vérification de la structuration des données et des critères sur lesquels se fonde le raisonnement de la machine – est donc nécessaire.
Les organisations peuvent également avoir intérêt à développer leur propre outil d’aide à la décision. Cela leur permettait d’accroître en continu leurs compétences métiers aux outils d’IA, tout en améliorant leur appropriation des processus de décision.
Former des travailleurs très qualifiés pour produire l’IA !
A côté de la production de connaissances de pointe issues de la recherche fondamentale, il est nécessaire de développer des compétences en informatique pour déployer les systèmes à base d’intelligence artificielle.
La formation à ces métiers peut être assurée par la formation initiale mais également par la formation de personnes en situation plus difficile, qu’il s’agisse de décrocheurs ou de personnes en reconversion professionnelle. L’effort en la matière doit être soutenu, notamment pour identifier les personnes qui ont des compétences ou une appétence pour ces métiers.
Renforcer la sécurisation des parcours professionnels
L’approche par les blocs de compétences qui se développe depuis quelques années au sein de l’appareil de formation et chez les certificateurs peut apporter des réponses à cet enjeu majeur : un individu diplômé ou certifié pourrait n’avoir à adapter ses compétences qu’avec un « module » de formation complémentaire, sans repasser l’intégralité du diplôme, du titre ou du certificat.
Consultez l’intégralité du rapport “IA et travail” :
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