Dans le secteur de la formation, les compétences vont être au cœur du changement dans les mois à venir… si les OPCA réussissent leur mutation en OPCO, opérateurs de compétences.
Jean-Marie Marx et René Bagorski ont remis mercredi 5 septembre leur rapport sur la transformation des OPCA, organismes paritaires collecteurs agréés en OPCO, opérateurs de compétences à Muriel Pénicaud, ministre du Travail.
Comme l’indique le titre du rapport remis début septembre à la ministre du Travail, « Les opérateurs de compétences : transformer la formation professionnelle pour répondre aux enjeux de compétences », les compétences vont être au cœur du changement dans les mois à venir… si les OPCA réussissent leur mutation.
Avec l’appui de l’IGAS, la mission a procédé à 37 auditions de l’ensemble des acteurs (confédérations patronales, fédérations professionnelles, confédérations et fédérations d’organisations syndicales de salariés, présidences paritaires d’OPCA accompagnées de leur directrice ou directeur général), et a sollicité la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du Travail.
Les OPCA évoluent…
La création des fonds d’assurance formation, ancêtres des OPCA, avaient permis de mutualiser les contributions obligatoires des entreprises au sein d’organismes situés au niveau des branches professionnelles dans les années 70. On avait ensuite assisté à la transformation des fonds de formation en organismes de mutualisation agréés en 1984 puis en OPCA en 1993, et parallèlement à la création des fonds de gestion des congés individuels de formation (Fongecif).
Depuis plus de 40 ans ces organismes évoluent au fil des réformes et des politiques en matière de formation professionnelle. La transformation des OPCA en OPCO, Opérateurs de compétences est le fruit du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et de la réforme du Code du travail.
Les futures missions des OPCO, Opérateurs de compétences
« Les opérateurs de compétences ne seront en effet plus chargés de la collecte et auront pour fonction de gérer deux enveloppes : la première pour financer les contrats en alternance et la seconde pour accompagner les TPME. Ils devront également aider les branches professionnelles (observatoires prospectifs des métiers et des qualifications, politique de certification) et les entreprises à anticiper les mutations technologiques, leurs effets positifs et négatifs sur l’emploi, les besoins nouveaux en compétences, les implications sur la formation ainsi que sur la reconversion et la sécurisation des parcours des salariés. »
- Assurer le financement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, selon les niveaux de prise en charge fixés par les branches ;
- Apporter un appui technique aux branches adhérentes pour la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC), et pour leur mission de certification ;
- Assurer un service de proximité au bénéfice des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), et de promouvoir l’alternance (apprentissage et contrats de professionnalisation).
Points essentiels de la transformation des OPCA en OPCO
« Les opérateurs de compétences ne seront plus chargés de la collecte et de l’ingénierie financière de la formation, mais auront pour fonction d’aider les branches professionnelles et les entreprises à anticiper les mutations technologiques, leurs effets positifs et négatifs sur l’emploi, les besoins nouveaux en compétences, les implications sur la formation et la reconversion et la sécurisation des parcours des salariés. »
Par ailleurs, le rapport met en avant des points de vigilance pour la transition – sur l’habitude de travail en commun, le système de gouvernance, les différences d’offre de service.
Si certaines branches ont anticipé ces évolutions et s’inscrivent d’ores et déjà dans les orientations gouvernementales, beaucoup attendent les conditions de mise en œuvre de la réforme. Une période transitoire trop longue créerait des incertitudes quant à l’issue du processus, et immobiliserait en partie l’activité et les projets des opérateurs.
Les rapporteurs semblent optimistes quant au personnel actuel des OPCA :
« Concernant les mouvements et reclassements de personnel induits par la réforme, le dialogue social a d’ores et déjà été anticipé par la majorité des OPCA pour lesquels l’activité de collecte est considérée comme une activité saisonnière. Ce processus de suppression ou de requalification de postes ne devrait donc pas nuire à la mise en place d’opérateurs de compétences à courte échéance. »
Passer de 20 OPCA à 11 OPCO
La nouvelle organisation proposée regroupe les secteurs économiques en 11 opérateurs de compétences, soit une réduction de l’ordre de moitié par rapport aux 20 OPCA actuels.
Cette nouvelle répartition s’appuie sur les critères de cohérence :
- des métiers et des compétences ;
- de filière ;
- d’enjeux communs de compétences, de formation, de mobilité, de services de proximité et de besoins des entreprises.
A noter : la mission a fait le choix de ne pas positionner les secteurs de l’enseignement et de la formation, des services à la personne, de l’énergie ou celui des télécommunications dans un champ de cohérence particulier, estimant que ceux-ci pouvaient relever de plusieurs périmètres.
Comment assurer rapidement la transition entre OPCA et OPCO ?
Le rapport souligne le besoin de réactivité, de rapidité et d’efficience dans les changements à venir :
« Pour l’enjeu clé de la transition, qui doit être rapide, dans les délais resserrés prévus par la loi, et permettre de maintenir et même d’augmenter les entrées en formation conformément aux priorités du Gouvernement, il faudra s’appuyer, pour les nouveaux opérateurs de compétences, sur les opérateurs actuels les plus en capacité d’assurer à la fois les nouvelles missions fixées par la loi et une bonne continuité de service (proximité territoriale, accompagnement des TPME). »
Les risques et points de blocage possibles
Plusieurs interlocuteurs de la mission ont signalé une « fracture numérique » rendant difficile de toucher par le numérique de nombreuses très petites entreprises, les particuliers employeurs, des salariés des services à domicile, etc.
La priorité donnée aux Opérateurs de compétences sur les entreprises de moins de 50 salariés suscite également l’inquiétude de plusieurs interlocuteurs de la mission, qui pointent les risques :
- d’un désintérêt possible des grandes entreprises pour les opérateurs de compétences, puisqu’elles ne pourront pas bénéficier de leur accompagnement ;
- d’une rupture de la chaîne de solidarité entre les grandes/moyennes et plus petites entreprises ;
- du manque de moyens à destination des PME entre 50 et 299 salariés.
« Au-delà de ces risques qui devront être pris en compte et maîtrisés, une priorité de la période de transition sera de ne pas perdre les liens établis par des OPCA avec les TPME : «un capital important et difficile à reconstituer une fois perdu. »
Les recommandations pour réussir le passage d’OPCA à OPCO
Un peu à la manière d’une check-list des choses à ne pas oublier, le rapport a compilé l’ensemble de ses recommandations, insistant sur les aspects suivants :
- Recommandation n°1 : Dans les décisions d’agrément, veiller à respecter la cohérence et la pertinence économique des périmètres.
- Recommandation n°2 : Désigner un opérateur de compétences pour les entreprises non rattachées à une convention collective.
- Recommandation n°3 : Mettre en place une communication vers les branches et les partenaires sociaux sur les modalités d’agrément (orientations retenues pour le périmètre des opérateurs de compétences, calendrier, cahier des charges).
- Recommandation n°4 : S’appuyer, pour les nouveaux opérateurs de compétences, sur les opérateurs actuels les plus en capacité d’assurer à la fois les nouvelles missions fixées par la loi et une bonne continuité de service.
- Recommandation n°5 : Garantir aux futurs opérateurs de compétences une bonne transmission d’informations par les URSSAF.
- Recommandation n°6 : Adapter la gouvernance au nouveau périmètre de l’opérateur de compétences, en intégrant toutes les parties prenantes.
- Recommandation n°7 : Organiser l’articulation des instances (CPNE, CA, SPP) de façon à assurer un pilotage par les branches ou interbranches.
- Recommandation n°8 : Créer des commissions paritaires transversales pour les entreprises de moins de 50 salariés et pour l’alternance.
- Recommandation n°9 : Formaliser un cadre permettant la définition des coûts des contrats par France Compétences.
- Recommandation n°10 : Etablir des coûts cohérents entre des formations similaires de branches différentes.
- Recommandation n°11 : Assurer la transmission à France Compétences des coûts des contrats par branche, et de la périodicité de leur réévaluation.
- Recommandation n°12 : Mutualiser, dans chaque opérateur de compétences, les moyens et les travaux des différents observatoires.
- Recommandation n°13 : Créer, au sein de chaque opérateur de compétences, une commission paritaire transversale pour la certification.
- Recommandation n°14 : S’assurer que les opérateurs de compétences soient rapidement en appui des politiques d’emploi et d’insertion dans les territoires et les bassins d’emploi.
- Recommandation n°15 : Renforcer le travail entre les différents opérateurs de compétences – sur les coûts, les certifications, les travaux prospectifs.
- Recommandation n°16 : Organiser, au sein de la DGEFP, un appui projet dédié à destination des branches et des futurs opérateurs.
- Recommandation n°17 : Mettre en place de nouvelles conventions d’objectifs et de moyens en fonction des nouvelles missions.
- Recommandation n°18 : Assurer l’animation par France Compétences du réseau des opérateurs de compétences.
Consultez le rapport de la mission confiée à MM. Jean-Marie Marx et René Bagorski dans son intégralité :
Rapport J.-M.Marx / R.Bagorski OPerateurs de COmpetences
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