Alors que la France est toujours en bas du palmarès international des langues, le temps est venu de proposer un plan d’apprentissage des langues ambitieux tout au long de la vie.
Le Gouvernement s’est engagé dans un Grand plan d’investissement 2018-2022 de 57 milliards d’euros, mené tout au long du quinquennat, afin d’accompagner les réformes structurelles et répondre à quatre défis majeurs de la France : la neutralité carbone, l’accès à l’emploi, la compétitivité par l’innovation et l’État numérique. Mais à quand une place majeure pour les compétences linguistiques dans les études pour répondre à ces ambitions ? A quand un PICL, plan d’investissement dans les compétences linguistiques ?
La France en bas du palmarès international en langues…
Les études s’enchaînent sur la pratique des langues, et les constats sont les mêmes : nos adolescents sont loin d’être bilingues alors que la sensibilisation à une langue étrangère débute désormais dès le CP. Problème de méthode ? Difficulté à donner du sens à la maîtrise d’une autre langue ? Attachement à une société où seul la langue française aurait sa place ?
Une étude du Cnesco sur la maîtrise des langues étrangères souligne des progrès depuis 15 ans en compréhension de l’écrit, mais des faiblesses persistantes en expression orale :
« Il en ressort qu’en fin de primaire, en anglais, seul un élève sur deux (54 %) maîtrise la syntaxe des questions et des phrases simples. En fin de collège, au regard des attendus plus exigeants à ce niveau d’enseignement, le test montre que, en anglais, 75 % des élèves ne sont pas capables de produire une langue globalement correcte (73 % d’entre eux en espagnol, 62 % en allemand). »
Pourtant, il est impossible d’ignorer la stimulation intellectuelle de l’apprentissage de langues, la mondialisation des échanges, la nécessité de se positionner à l’international même pour des petites entreprises…et quel plaisir de découvrir une série ou un roman en version originale, tout simplement !
D’ailleurs, les étudiants – dans les écoles de commerce et écoles d’ingénieurs en tête – doivent de plus en plus prouver leur maîtrise d’une langue étrangère voire même d’une 2e langue étrangère. Passer le TOEFL ou le TOEIC, et faire un stage / un semestre à l’étranger sont des incontournables pour valider leurs diplômes ! Et les cours en anglais sont nombreux également dans ces cursus… mais quid de la majorité des jeunes en formation supérieure ? Quelle place est donnée à l’ouverture sur l’Europe ou sur le Monde ?
Et que dire des demandes de CPF qui sont nombreuses dans le domaine des formations linguistiques ? Ce besoin de se former en anglais, en espagnol, en chinois… alors que l’on est déjà en poste est un signal d’alerte de plus qu’il faut faire changer en profondeur l’acquisition de compétences linguistiques en France.
Quelle place à l’international dans la vie des entreprises ?
Certes, les grands groupes se développent à l’international, mais la majorité des emplois en France se situent dans des petites en moyenne entreprise (hors fonctions publiques). Et là, l’internationalisation est loin de leur quotidien. Une étude menée en 2007 par l’Union européenne établit un lien manifeste entre les langues et le succès des activités d’exportation :
« Sur la base de l’échantillon analysé, on estime que 11 % des PME exportatrices (soit 945 000 entreprises) ne sont pas en mesure d’exploiter des opportunités commerciales en raison de difficultés de communication dues à un déficit de compétences linguistiques ».
Il serait intéressant de se repencher sur cette question aujourd’hui.
Pour un Grand Plan d’investissement dans les compétences linguistiques !
N’y allons pas par quatre chemins. Pour relever les défis de l’Europe, la France doit être ambitieuse. L’accès à l’emploi, la compétitivité et l’innovation passent par une politique de formation audacieuse mettant la pratique des langues au cœur du quotidien des apprenants.
Dans le Grand Plan d’Investissement en cours, on s’arrêtera sur ces trois axes :
- Financer des expérimentations dans l’éducation nationale et accompagner les transformations du premier cycle universitaire, afin d’améliorer la formation initiale des jeunes, leur orientation au lycée comme à l’université et leur insertion professionnelle
Dans une déclinaison d’un Grand Plan d’investissement en faveur des compétences linguistiques, on pourrait imaginer une nouvelle approche de l’apprentissage des langues, oubliant nos méthodologies actuelles et mettant le concret / les situations de vie au cœur de l’apprentissage. Se pencher sur les réussites en la matière de la Suède ou des Pays-Bas pourrait favoriser l’émerge d’une appétence plus grande pour les langues dès le plus jeune âge.
Par ailleurs, le cadre stratégique européen Éducation et Formation 2020 souligne la nécessité pour les États membres de l’Union européenne (UE) de promouvoir le plurilinguisme notamment en favorisant l’enseignement, dès le plus jeune âge, d’au moins deux langues étrangères.
Une étude de l’UE sur les incidences du programme d’échange Erasmus montre que les diplômés possédant une expérience à l’étranger réussissent beaucoup mieux sur un marché du travail qui devient de plus en plus international.
Erasmus pourrait ainsi intégrer systématiquement chaque cursus d’étude, avec un trimestre à l’étranger obligatoire pour tout étudiant du CAP à bac + 8 ! Quoi de mieux qu’une période d’immersion pour apprendre, s’ouvrir à d’autres cultures, etc. ?
- 3,5 milliards d’euros pour soutenir l’excellence scientifique française. Il s’agit en priorité de consolider l’émergence de grandes universités intégrées de rang mondial, dynamisant l’ensemble du système d’enseignement supérieur et de recherche.
Un Grand plan d’investissement dans les compétences linguistiques doit aussi être l’occasion de financer la Recherche par des laboratoires français attractifs autant pour les profils français que pour les profils étrangers. Pourquoi les chercheurs français partent-ils à l’étranger ? Comment faire de la France un pôle attractif et incontournable en matière de recherche ?
- 4,6 milliards d’euros pour améliorer l’innovation dans les entreprises, au cœur de la compétitivité française. Le Grand plan d’investissement encouragera notamment la prise de risque dans les secteurs de demain, comme l’intelligence artificielle, l’exploitation des mégadonnées, les nanotechnologies ou la cybersécurité.
Les métiers de demain se façonnent dès aujourd’hui. Dans la course à l’IA, aux problématiques de cybersécurité ou de gestion du big data, comment faire sa place ? Développer des expérimentations avec des équipes internationales et pluridisciplinaires, oser financer des projets nationaux novateurs, favoriser le mécénat dans des petites entreprises innovantes… Autant de pistes à creuser avec une approche multilingue, ouverte aux changements et en perpétuel mouvement.
La France doit co-construire en donnant aux entreprises les moyens d’être performants et toujours à la pointe dans leur secteur. Pour cela, s’appuyer sur des compétences linguistiques solides serait un marqueur fort d’une France qui croit en son avenir, en sa capacité d’exporter ses savoirs, savoirs-faire, services et productions…. mais aussi d’attirer des talents du monde entier.
Le multilinguisme, une posture sociétale à valoriser aux prochaines élections présidentielles !
Dans l’étude « Chiffres clés de l’enseignement des langues en Europe », la culture d’un multilinguisme est fortement préconisée. Et chez Lingueo, nous partageons cette ambition et faisons le vœu qu’un candidat aux prochaines élections présidentielles, portera l’apprentissage des langues comme un atout majeur pour la société :
« Pour les individus, l’apprentissage des langues offre des possibilités de développement personnel et professionnel, d’autant plus que la citoyenneté européenne garantit à toute personne le droit de circuler librement. Pour la société, il favorise la sensibilisation culturelle, la compréhension mutuelle et la cohésion sociale. Pour les entreprises, les travailleurs dotés de compétences linguistiques et interculturelles représentent une ressource vitale qui favorise leur réussite et leur croissance sur les marchés mondiaux. Bref, le développement des compétences dans plus d’une langue est essentiel au maintien de sociétés ouvertes, hétérogènes, démocratiques et prospères en Europe. Le manque d’ambition dans ce domaine pourrait s’avérer très désavantageux du point de vue de la démocratie et coûteux sur le plan économique, et mettre en péril les valeurs et les principaux fondamentaux de l’UE. »
Et comme le rappelait Viviane Reding, Membre de la Commission européenne responsable de l’Education et de la Culture « Promouvoir l’apprentissage des langues et la diversité linguistique » dans une conférence :
« L’apprentissage des langues doit être vu dans un contexte d’apprentissage tout au long de la vie : il faudra continuer à apprendre des langues chaque fois que le besoin ou l’envie s’en fait sentir. »
Et vous quelles propositions voudriez-vous voir dans un programme politique au sujet des compétences linguistiques ?
Pour aller plus loin sur les formations et compétences linguistiques…
Chiffres clés de l’enseignement des langues à l’école en Europe (2017)
Politique de multilinguisme en Europe
Cnesco Langue vivantes étrangères : comment l’école peut-elle mieux accompagner les élèves ? (2019)
Multilinguisme et compétitivité des entreprises (2007)
Les langues, un enjeu pour l’économie et l’entreprise (2016)
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