Thierry Legrand-Browaëys, Auteur de “Formation professionnelle, Comment en sommes-nous arrivés là ?”

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Interview de Thierry Legrand-Browaëys, auteur de l’ouvrage « Formation professionnelle : comment en sommes-nous arrivés là ? ».

Auteur de l’ouvrage « Formation professionnelle : comment en sommes-nous arrivés là ? », Thierry Legrand-Browaëys vous éclaire sur les étapes clés de la construction du système français de formation professionnelle. Il partage aussi sa vision de la formation dans les années à venir.

Formation professionnelle : Comment en sommes-nous arrivés là ? Thierry Legrand-Browaëys

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire sur l’histoire de la formation professionnelle ?

Dans l’un de mes précédents postes, j’étais adjoint du directeur de la formation d’un grand groupe. Durant deux ans, j’ai particulièrement travaillé sur la problématique du développement des compétences des cadres du groupe. En étudiant les différents rapports existants sur la formation professionnelle, j’ai eu envie de comprendre son évolution. Il m’a fallu plus d’un an pour reconstituer les étapes clés de cette histoire, et rédiger cet ouvrage.

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Quel est, pour vous, l’acte fondateur de la formation professionnelle en France ?

Assurément, la loi « Delors » de 1971 ! Elle est essentielle car c’est elle qui commence à structurer le système de la formation professionnelle. Cette Loi crée le congé formation et met en place des fonds d’assurance formation. Rien du système actuel n’aurait existé sans elle. Elle inscrit dans un texte officiel l’idée que chaque salarié doit être acteur de son parcours de formation. C’était d’une très grande nouveauté pour l’époque.

Jusque-là seules les entreprises – si elles le souhaitaient – étaient à l’initiative des formations, souvent sur des compétences de base, et pour permettre aux salariés de s’adapter aux évolutions de leurs postes de travail. On ne parlait que rarement de formation pour le développement des compétences.

La loi « Delors » de 1971 insiste sur le fait que le salarié doit être acteur de la gestion de sa carrière, d’où la mise en place du congé de formation, avec la possibilité de développer des compétences nouvelles. Le salarié a alors le droit de demander un congé de formation pour développer des compétences qui ne sont pas forcément liées à son poste de travail.

Un tournant a lieu en 1984. De quoi s’agit-il ?

Dans les années 1980, la France entre dans une période de désindustrialisation et de chômage de masse. La formation professionnelle devient un outil de la politique de l’emploi à partir de la promulgation de la loi du 24 février 1984. Les pouvoirs publics développent l’alternance et les contrats aidés pour lutter contre le chômage. Avec les lois de décentralisation, la formation professionnelle devient une compétence des Régions et plus seulement de l’État. Le système de la formation professionnelle se complexifie considérablement.

Formation professionnelle : Comment en sommes-nous arrivés là ? Thierry Legrand-Browaëys

Quel est le fait marquant du début des années 2000 pour la formation ?

La création du DIF (Droit Individuel à la Formation) ! Avec l’ANI du 20 septembre 2003 puis la loi du 4 mai 2004, s’exprime une volonté de responsabiliser le salarié. C’était déjà dans la loi de 1971, mais c’est ici repris avec insistance. Cela signifie que le salarié devient davantage acteur de sa propre carrière professionnelle. Pour cela on va mettre à sa disposition le DIF. Le mot « individuel » est très important. Il indique que l’entreprise ne peut pas assumer seule tous les besoins de développement des compétences, toutes les aspirations professionnelles des salariés. Chacun est appelé à être responsable de son parcours et du développement de ses propres compétences.

En 2007, place à la sécurisation des parcours. Que vous inspire cette période ?

La France est de nouveau marquée par une crise économique entraînant une forte poussée du chômage, comme dans toute l’Europe. La formation professionnelle est de nouveau utilisée pour rendre les personnes les plus employables possibles sur le marché du travail. C’est un instrument de lutte contre le chômage, surtout contre le chômage de longue durée.

En 2018, la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel voit le jour. Croyez-vous vraiment à cette « liberté de choisir » ?

Je suis assez favorable aux principales dispositions de la loi du 5 septembre 2018 : la création du projet de transition professionnelle, la mise en place de France Compétences (qui devrait simplifier le système) et la monétisation du CPF sont de bonnes initiatives.

Cette loi exprime la volonté de dynamiser les pratiques professionnelles, de les rendre plus lisibles, et de faciliter les choses pour les salariés et les demandeurs d’emploi qui veulent se former. Mais, pour que des résultats probants puissent être obtenus, il faut un important effort de communication et de pédagogie auprès des salariés et des demandeurs d’emploi. Il faut prendre le temps d’expliquer comment utiliser son CPF et aussi populariser les dispositifs de formation. Sans cette communication, la loi prendra très faiblement effet.

Par ailleurs, la formation reste inégalitaire : les cadres sont toujours plus formés que les non-cadres, les hommes plus formés que les femmes, les salariés des grands groupes plus formés que ceux des TPE et des PME. Les OPCO peuvent contribuer à réduire ces inégalités.

Quelles pistes d’amélioration vous semblent possibles ?

Les pistes d’amélioration peuvent être rassemblées autour de cinq principes : simplification, responsabilisation, communication, contrôle et digitalisation.

Au-delà des efforts de communication auprès du grand public, il faut améliorer la digitalisation des formations. Dans un rapport réalisé pour la Fédération de la Formation Professionnelle, des consultants du cabinet Roland Berger montrent que 35 % des salariés français ont bénéficié de formations ayant trait aux compétences digitales alors que le taux est de 46 % en moyenne dans certains autres pays européens. C’est un écart qu’il est urgent de combler car les solutions digitales permettent de faciliter l’accès à des contenus de formation, de faciliter le développement de compétences. La France doit absolument mettre « un coup d’accélérateur » sur la digitalisation des formations.

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