Le projet de loi de finances 2026 (PLF 2026) marque un tournant pour la formation professionnelle et l’apprentissage. Deux mesures majeures cristallisent les tensions :
- la suppression de l’aide de 500 € au permis de conduire pour les apprentis,
- et la possible exclusion du bilan de compétences du CPF.
Ces décisions, justifiées par le gouvernement au nom de la « rationalisation des aides » et de la lutte contre la fraude, soulèvent des inquiétudes dans le secteur.
👉 Décryptage complet des articles 80 et 81 du PLF 2026.
Article 80 : la fin de l’aide au permis de conduire pour les apprentis
Depuis 2019, les apprentis de plus de 18 ans pouvaient bénéficier d’une aide forfaitaire de 500 € pour financer leur inscription au permis de conduire.
Cette aide, simple et universelle, visait à faciliter leur mobilité et leur insertion professionnelle.
➤ Ce que dit l’article 80 :
L’article 80 du projet de loi de finances 2026 vise à supprimer cette aide forfaitaire, dans un objectif de rationalisation des aides à l’apprentissage et de limitation des effets d’aubaine. En effet, cette aide induit une rupture d’égalité vis-à-vis des autres étudiants qui n’en bénéficient pas et n’est ni conditionnée au niveau de ressources de l’apprenti, ni ajustée en fonction des autres aides qu’il perçoit. Au surplus, ce dispositif se superpose avec de nombreux dispositifs existants (permis à 1 €, CPF, aides locales, etc.).
➤ Pourquoi cette suppression fait débat
Cette décision est perçue par beaucoup comme un recul social.
Le coût moyen d’un permis de conduire en France avoisine les 1 500 €, une somme souvent hors de portée pour un jeune en contrat d’apprentissage. La disparition de cette aide pourrait donc limiter la mobilité des apprentis, notamment dans les zones rurales où les transports en commun sont rares.
Des organismes de formation et de nombreuses régions plaident pour le maintien d’un dispositif équivalent, régionalisé ou sous conditions de ressources.
Car sans solution alternative, cette suppression risque d’accroître les inégalités d’accès à l’emploi.
Article 81 : réforme du CPF et fin annoncée du bilan de compétences ?
L’article 81 du PLF 2026 touche directement au Compte Personnel de Formation (CPF), en ciblant les formations non certifiantes.
Le gouvernement entend recentrer le CPF sur des actions directement liées à l’emploi et à la certification professionnelle.
➤ Ce que prévoit le texte
Parmi les actions de formation éligibles au CPF prévues à l’article L. 6323-6 du code du travail, les actions qui ne sont pas sanctionnées par une certification constituent celles qui sont le plus souscrites sur la plateforme MonCompteFormation.
Alors que le CPF doit conduire à une progression des compétences, près de 40 % des coûts CPF financent des formations non certifiantes.Le projet d’article propose ainsi de plafonner le montant mobilisable pour ces actions et d’exclure les bilans de compétences de l’éligibilité au CPF.
➤ Le bilan de compétences dans le viseur
Symbole de la reconversion professionnelle, le bilan de compétences est aujourd’hui l’une des formations les plus financées par le CPF.
En 2024, il représentait près de 15 % des dossiers déposés sur MonCompteFormation.
Mais son coût, souvent supérieur à 1 200 €, et les fraudes détectées depuis 2022 (faux bilans, prestataires non certifiés) ont conduit le gouvernement à envisager sa sortie pure et simple du CPF.
Si cette mesure est adoptée, les salariés et demandeurs d’emploi devront financer eux-mêmes leur bilan, ou compter sur leur entreprise dans le cadre d’un plan de développement des compétences.
Des objectifs budgétaires assumés… mais controversés
Le fil conducteur de ces deux articles est clair : réduire les dépenses publiques liées à la formation et rationaliser les dispositifs existants.
La lutte contre la fraude au CPF, estimée à plus de 43 millions d’euros en 2021, sert de justification politique forte.
Mais derrière cette volonté de “nettoyage budgétaire”, de nombreux acteurs craignent une dégradation de l’accès à la formation :
- Les apprentis, privés d’un soutien à la mobilité essentiel.
- Les actifs en reconversion, qui perdront un outil d’introspection et de redéfinition de projet professionnel.
- Les organismes de formation, qui pourraient voir leur activité chuter brutalement.