Thierry Teboul, Directeur Général de l’AFDAS

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Interview de Thierry Teboul, directeur général de Directeur Général de l’AFDAS.

 

Les 20 OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) gèrent une enveloppe de cinq milliards d’euros au titre du plan de formation et de la professionnalisation, fruit des contributions obligatoires de 1,5 million d’entreprises en faveur de la formation.

Ces OPCA ont fait l’objet d’un rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) daté de novembre 2014 et rendu public en 2015. Celui-ci dressait un état des lieux des modalités de contrôle de la capacité des organismes de formation à délivrer des prestations de qualité, alors que la loi n° 2014-288 du 05/03/2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale les invitait à « s’en assurer ». Certaines formations professionnelles vont-elles sortir du catalogue de l’Afdas ?

Ce n’est pas exclu, quoi que nous ne puissions pas encore le prévoir avec précision. Le rapport de l’IGAS était bienveillant sur nos pratiques en matières de contrôle des formations proposées par les organismes inscrits sur les catalogues des OPCA. À l’Afdas, nous ne découvrons pas ce que la qualité des formations veut dire. Nous avons un capital conséquent en la matière, parce que nous avons engagé la démarche depuis de nombreuses années pour, par exemple, assurer le suivi des formations conventionnées pour les intermittents du spectacle.

Un décret, paru le 30/06/2015, précise les critères que doivent prendre en compte les OPCA « lorsqu’ils financent une action de formation professionnelle continue, afin de s’assurer de la qualité de cette action ». Là aussi, quels impacts sur le périmètre de l’Afdas ?

Le décret précise les critères à prendre à compte pour estimer la qualité des formations proposées. Ces critères devront être mis en œuvre au 01/01/2017. C’est une date raisonnable, qui nous laisse dix-huit mois pour affiner nos critères et les adapter à l’ensemble des formations que nous finançons. Certains des organismes qui dispensent les formations seront réputés de qualité par le CNEFOP (Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles), qui dira que tels et tels organismes répondent aux six critères prévus par le décret. Les organismes reconnus par les certifications les plus connues, telles que l’Afnor (Association française de normalisation) ou l’OPQF (Office professionnel de qualification des organismes de formation), seront évidemment réputés de qualité.

En parallèle, l’Afdas va éditer son propre cahier des charges à l’attention de tous les organismes de formation qui ne seront pas réputés de qualité par le Cnefop. Parce que, à titre d’exemple, seuls 10 % des 9 000 organismes pour lesquels l’Afdas finance des formations sont détenteurs à date de la certification de l’OPQF.

Nous remettrons en cause la prise en charge des formations avec les organismes de formation qui n’auront ni certification ni ne respecteront les critères que nous arrêterons dans notre cahier des charges.

La labellisation sera-t-elle un garant suffisamment fort pour prévenir les formations “hors sujet” ?

Ce n’est pas de l’affichage politique. Tant les labels que les critères que définira chaque OPCA seront de nature à faire évoluer significativement la pertinence et l’adaptation des formations aux apprenants. Surtout si les critères insistent sur l’individualisation des formations à chaque personne formée, sur un ciblage plus rigoureux des compétences déjà acquises en amont du programme de formation, de manière à éviter les redites et les apprentissages qui loupent leur objet.

L’individualisation est doublement vertueuse et ne s’oppose pas aux modèles économiques des organismes de formation. Les formations en sortiraient grandies, parce que plus qualitatives, et davantage de personnes pourraient en bénéficier, puisque des plages horaires plus précisément ciselées seraient arrêtées. Les organismes de formation délivreraient le même volume d’heures de formation mais à plus d’apprenants, non plus 100 heures en un seul bloc mais quatre fois 25 heures concentrées sur les compétences manquantes. Les OPCA ont une belle occasion de progresser, mais nous n’avons pas financé les yeux fermés jusqu’à présent. C’est l’avenir de la formation qui s’ébauche, vers davantage de flexibilité des offres, là où aujourd’hui il est difficile à chacun de faire valoir son expérience au moment de choisir sa formation.

Y aura-t-il des impacts spécifiques au secteur du spectacle vivant ?

Les salariés intermittents du spectacle, tout particulièrement, sont en avance sur le sujet de l’individualisation des formations. Artistes et techniciens ont compris l’importance de ne se former que sur les compétences manquantes. Sans doute devra-t-il y avoir des progrès pour les fonctions supports du spectacle vivant (juridique, ressources humaines, communication, achat,  systèmes d’Information, finance), où l’on retrouve les biais communs aux autres secteurs professionnels.

Après la signature de deux accords collectifs conclus en application de la loi n° 2014-288 du 05/03/2014 relative à la formation professionnelle, le 25/09/2015, pour les salariés intermittents du spectacle, puis pour les salariés sous contrats à durée déterminée et indéterminée, des modifications des catalogues de formation étaient envisagées. Ont-elles été faites ?

Les catalogues de formation bougeront d’eux-mêmes quand les listes éligibles au CPF seront arrêtées. Il y en a de trois types : la liste nationale interprofessionnelle, les listes régionales et les listes de branche interprofessionnelle, définies par les CPNEF (Commissions paritaires nationales emploi et formation). Le spectacle a édité sa liste qui sera mise à jour constamment. Comme le prévoyait la loi relative à la formation professionnelle, sont et seront privilégiées les formations « correspondant aux besoins de l’économie prévisibles à court ou moyen terme », sur des compétences « en tension » pour les demandeurs d’emplois.

Là où le DIF (droit individuel à la formation) avait été largement instrumentalisé par les entreprises, le CPF est un droit universel qui suit la personne d’un bout à l’autre de son parcours professionnel. Deuxième différence : en passant d’une organisation à l’autre, chaque salarié emmène avec lui son crédit d’heures de formation, là où précédemment la “portabilité du DIF” était très contrainte.

Et pourtant, le compte personnel de formation (CPF) fait l’objet de vives critiques, notamment sur le faible nombre de personnes qui ont pu en bénéficier depuis sa mise en œuvre au 01/01/2015. Ces difficultés existent-elles également dans le secteur du spectacle ?

Le CPF est un progrès social indéniable, mais il pose un problème réel d’acculturation à une nouvelle logique qui responsabilise le salarié par rapport à son parcours de formation professionnel.  Les salariés intermittents, encore une fois, se distinguent par leur capacité d’anticipation. Sur les 450 CPF ouverts à date à l’Afdas, 150 l’ont été par des salariés intermittents du spectacle. C’est un dispositif dont ils commencent à comprendre la mécanique. Le recours fréquent au nouveau conseil en évolution professionnelle y a beaucoup contribué.

En ce qui concerne les autres dispositifs de formation proposés par l’Afdas que sont le congé individuel de formation, le plan de formation ou les périodes de professionnalisation, comment ont-ils évolué après la signature des derniers accords ?

Le congé individuel n’a pas bougé et poursuit son activité comme précédemment. La période de professionnalisation suscite la frilosité des entreprises. La loi de 2014 a établi une durée minimale pour la période de professionnalisation à 70 heures, réparties sur une période maximale de 12 mois, là où précédemment existaient des paliers en fonction de la taille de l’entreprise et de la nature du contrat  (35 heures pour les entreprises de 50 à moins de 250 salariés, 70 heures pour les entreprises de 250 salariés et plus, 80 heures pour les titulaires d’un CUI). Enfin, le plan de formation a vu baisser ses moyens de 15 à 20% en ce qui concerne l’Afdas. Paradoxalement, ce sont les plus petites entreprises, celles de moins de 10 salariés, qui continuent à s’en saisir.

Source : AvignonPro.fr et Groupe IGS Formation Continue

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