Entretien avec Anaïs Prétot, cofondatrice de l’organisme de formation LiveMentor : le rapport sur la mesure de l’impact de la formation professionnelle

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Nous nous retrouvons aujourd’hui pour une nouvelle interview, et pas des moindres puisque nous avons eu le plaisir d’échanger avec Anaïs Prétot, cofondatrice de LiveMentor, organisme de formation leader francophone aux compétences entrepreneuriales.
Dans cet échange, Anaïs nous évoque un rapport d’études, qu’elle a co-réalisé avec plusieurs autres acteurs clés de la formation professionnelle, intitulé : “formation professionnelle : pour une meilleure mesure de l’impact”.
Ce rapport s’intéresse au sujet de l’impact de la formation professionnelle en France.

Place à l’interview !

Bonjour Anaïs, peux-tu te présenter en quelques mots ainsi que ton organisme ?

Bonjour à tous, je suis Anaïs Prétot, je suis cofondatrice de l’organisme de formation LiveMentor. LiveMentor est un organisme de formation créé en 2016, leader francophone dans la formation en ligne aux compétences entrepreneuriales.

Nous avons jusqu’à présent accompagné 20 000 entrepreneurs et porteurs de projet dans le développement de leur projet d’entreprise dont deux tiers de femmes.
Nous comptons 86 collaborateurs à travers la France et travaillons avec 150 mentors entrepreneurs indépendants. Nous sommes certifiés Qualiopi et disposons de 5 certifications enregistrées au répertoire spécifique.

Pourquoi ce rapport ?

Chez LiveMentor, nous avons toujours été animés par une démarche d’impact.
En réalité, dans la formation en entrepreneuriat, nous avons un impact économique direct car nos apprenants sont amenés à créer leurs propres structures et par là-même avoir un impact sur l’économie.
Nous avions donc déjà cette culture de l’impact et donc cette volonté de dépasser la seule mesure de l’acquisition des compétences.
Nous avons une volonté de transparence vis à vis de nos élèves à qui nous communiquions déjà chaque année nos rapports d’impacts réalisés depuis 2018.
Par exemple, nous mesurons le taux de passage à l’action, c’est à dire le taux de personnes qui créent leur entreprise à l’issue de nos formations, qui est à date de 56%. Nous avons également 95% de nos apprenants qui utilisent régulièrement les compétences acquises chez nous, éléments essentiels pour pour évaluer l’alignement entre formation et projet professionnel.

Il nous ait apparu que la culture de l’impact n’était pas un standard du marché et que nous peinions à obtenir des données claires de la part des institutions en charge de la formation et du retour à l’emploi.

Nous avons souhaité avec d’autres organismes de formation nous saisir à bras le corps de cette problématique d’abord parce qu’il en va de la crédibilité de notre secteur qui a été mis à mal par les campagnes de presse sur la fraude mais également pour obtenir des garantir des arbitrages mesurés et informés à l’heure où l’avenir du CPF est interrogé.

Avec qui avez-vous travaillé et combien de temps avez-vous mis à établir ce rapport ?

Notre démarche est collective et représentative des acteurs du secteur.
Nous avons donc constitué un groupe très diversifié : nous avons en effet réuni des organismes de formation qui adressent des thématiques variées, des langues à l’informatique, des acteurs du diplômant comme du certifiant et un mix équilibré de formation longue et courte.
Enfin, nous avons associé le collectif EdTech France, ainsi que le cabinet spécialisé dans la mesure d’impact Archipel&Co, qui travaille notamment pour l’AFD ou LeBonCoin, pour garantir le caractère rigoureux de la démarche.

Le travail a été assez rapide, on l’a réalisé entre décembre 2022 et janvier 2023, soucieux d’apporter une réponse rapide en ces temps changeants pour la formation professionnelle.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la construction du rapport ?

Tout d’abord, nous sommes repartis de la méthodologie de la “théorie du changement”, très utilisée par les cabinets de mesure d’impact.
L’enjeu est de repartir des enjeux macros (économiques, sociaux ou environnementaux…) que l’on souhaite adresser via sa démarche, pour s’accorder ensuite sur les effets concrets à court terme et long terme que l’on attend.
Chaque impact est ensuite associé à un indicateur mesurable et pragmatique, permettant de mesurer sa progression vis à vis de sa mission initiale.

L’application de la théorie du changement de la formation professionnelle nous a donc permis d’aboutir à un premier groupe d’indicateurs, que nous avons synthétisé et proposé dans ce rapport.
L’idée était ici de proposer une solution véritablement opérationnelle, et de créer une première base de discussion concrète pour sortir des débats ésotériques.
Cette première approche sera forcément perfectible, mais elle aura le mérite de nous faire entrer dans le réel et dans l’action.

Soucieux de proposer une approche pragmatique, nous nous sommes ensuite posés la question de la gouvernance et des mécanismes de collecte de données.
Il était en effet essentiel pour nous de ne pas simplement produire “un rapport de plus”.

Nous avons proposé une première approche court terme en deux temps, qui reviendrait à enrichir Qualiopi d’un questionnaire d’impact standardisé, en imposant en parallèle la réalisation d’un rapport d’impact réalisé par un cabinet externe (essentiel pour l’objectivité) pour les acteurs bénéficiant d’une taille critique.

A moyen terme, nous proposons d’augmenter la fiabilité des données en ajoutant une logique d’authentification forte au questionnaire (par exemple via France Connect +) et de penser un mécanisme de remontées des données d’impact similaire au Passeport Compétences dans une base de données unifiée. Cette base de données, idéalement accessible en open data, pourra également être utilisée comme base pour redescendre et afficher des données d’impact à des moments clés du parcours apprenant sur les interfaces de la Caisse des Dépôts ou de Pôle Emploi pour l’aiguiller dans son choix.

Pour le plus long terme, notre recommandation va dans le sens d’une logique totalement affranchie des données déclaratives via la mise en correspondance des données des formations suivies, des données de Pôle Emploi, le statut des demandeurs d’emploi, les CAF, MSA qui sont des allocataires du RSA et des données de la DGFIP, qui sont des données liées aux rémunérations, dans les bases de données publiques.
Ceci permettrait une analyse rigoureuse des impacts, tout en alimentant une base de réflexion commune pour les parties prenantes, que ce soient les organismes de formation, les certificateurs, les donneurs d’ordre, l’opinion publique etc…

Le questionnaire est l’outil le plus simple sur lequel on pouvait tous s’accorder.
Est venue également la question de l’inviolabilité du questionnaire. Avec Guillaume, nous nous sommes dits qu’il y avait probablement possibilité pour l’Etat de mettre en place un questionnaire standardisé sécurisé avec un système type France Connect. L’apprenant répond au questionnaire avec son propre ID, et les résultats remontent dans une base de données centralisée.

Avez-vous eu un quelconque retour ?

Le rapport a été transmis aux décideurs publics et à nos interlocuteurs institutionnels, avec des rendez-vous d’ores et déjà programmés, ce qui confirme l’intérêt pour le sujet et une volonté de s’en saisir vite.
C’est encourageant. Charge à nous de proposer des solutions suffisamment concrètes et opérationnelles pour pouvoir être rapidement mises en place !

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