Andrew Wickham, co-fondateur de Linguaid

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Nous avons eu la chance et le plaisir de rencontrer virtuellement pour le moment Andrew Wickham et Joss Frimond lors de leur très qualitatif webinar intitulé : “QUID DU CPF LANGUES ?”. Retrouvez ci-dessous l’état des lieux d’Andrew Wickham (co-fondateur du cabinet d’étude Linguaid Consultancy) sur la mise en oeuvre du CPF dans le domaine des langues

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Andrew Wickham, co-fondateur du cabinet d’étude Linguaid Consultancy

« Ni les organismes de formation, ni les entreprises, ni les apprenants, ni, dans certains cas, les Opca n’ont encore une idée claire de la mise en œuvre du CPF pour les formations linguistiques. Les organismes ont reçu très peu de demandes, les entreprises attendent des clarifications, les dossiers soumis se réduisent à quelques dizaines et en fin du premier trimestre, ceux qui ont été validés se comptent sur les doigts d’une main ».

Tel est le constat fait par Linguaid Consultancy, cabinet conseil spécialisé dans le marché des formation linguistiques, qui a réalisé la semaine dernière « un sondage téléphonique auprès des grands prestataires de formation linguistiques représentant près d’un tiers du chiffre d’affaires du marché, pour tenter de comprendre ce qui se passe sur le terrain en matière de formations linguistiques via le CPF».

Manque de visibilité

Le plus grand problème, selon les sondés, est le manque de visibilité sur les règles à respecter et les conditions de prise en charge par les Opca. «Chacun, sous la pression des entreprises clientes, applique ses propres règles, et certaines ne sont pas toujours déterminées», constate Andrew Wickham, consultant senior de Linguaid Consultancy. Les sondés font état de tarifs horaires de prise en charge variant de 4 euros à 50 euros/heure ; de difficulté à savoir si ce tarif comprend ou non le salaire de l’apprenant, pour les CPF financés en entreprise pendant le temps de travail ; de cas où les certifications de test final sont parfois pris en charge par le financeur et parfois laissées à la charge de l’apprenant.

Ils témoignent également d’une incertitude sur les compétences linguistiques à tester obligatoirement ; d’une impossibilité de savoir s’il est possible de réaliser un test entièrement en ligne ou si l’apprenant doit se déplacer dans un centre de test ; d’une inconnue sur les conditions de règlement de la facture de l’organisme par l’Opca… «Si l’apprenant refuse de faire le test final, ou le passe n’importe comment, la formation sera-t-elle quand même payée ? L’organisme sera-t-il pénalisé ?», s’interroge Andrew Wickham.

Conséquences : les prestataires s’inquiètent, car le DIF représentait 20 % ou plus de l’activité de 80 % d’entre eux, selon Linguaid.

«La plupart des chefs d’entreprise interrogés estiment que leur chiffre d’affaires au premier trimestre 2015 a baissé de 15 à 30 % par rapport à 2014, précise Andrew Wickham, même si pour certains, l’impact sur l’activité a été en partie amorti par une forte hausse des commandes DIF en fin d’année, en prévision de l’entrée en vigueur de la réforme.

Risque de défaillances

Certains organismes envisagent des licenciements, d’autres et non parmi les moindres, craignent une défaillance à court terme, d’autant plus que les établissements financiers restreignent les crédits. Le bénéfice net moyen des organismes de formation linguistique est depuis 3 ans de moins de 2 % de leur chiffre d’affaires ; et la fin du 0,9 % entraîne chez certains clients l’intervention de financiers qui parfois révisent à la baisse les budgets formation».

Mais au-delà de ce grippage des processus, Linguaid Consultancy pointe un décalage entre les objectifs de formation linguistique des salariés en entreprise et la nature des certifications prévues dans le CPF. « Il est intéressant pour un chômeur, un salarié ou un jeune de renforcer son employabilité grâce à un bon score TOEIC ou Bulats, affirme Andrew Wickham.

Mais une part importante des demandes des salariés concernent un maintien de niveau oral ou un travail sur des compétences spécifiques au contexte professionnel : faire une présentation en anglais, communiquer en anglais juridique ou financier, négocier, rédiger des rapports et des e-mails,  accueillir des visiteurs, participer ou animer des réunions, etc. Les tests prévus ne sont pas conçus pour certifier de telles compétences. Il est à craindre que la certification ne soit considérée par certains comme une formalité administrative sans valeur ajoutée ou qu’une partie des apprenants ne réalise pas le test en fin de parcours, surtout s’ils doivent se déplacer pendant un après-midi en centre de test».

Par ailleurs, Linguaid Consultancy considère que ces tests ne sont pas toujours bien utilisés par les entreprises. «Il y a des tests de niveau (Toeic, Bulats, Bright, etc…) et des examens bien plus approfondis (BEC, Proficiency, CPE, etc), précise Andfew Wickham. En théorie, tous les tests évaluent les quatre compétences linguistiques (lecture, compréhension orale, expression orale, expression écrite). A côté des QCM en ligne ou sur papier évaluant la compréhension lue et orale, il y a le speaking & writing du Toeic et Bulats, le test Bliss de Bright, le DCL, etc.

Connaissances “passives”

Mais, dans la pratique, pour des raisons de coût et de facilité de déploiement, beaucoup d’entreprises se contentent de QCM ne testant que les connaissances linguistiques « passives », ce qui n’est pas suffisant pour déterminer avec précision le niveau et surtout les compétences en langue actives, en expression, d’un individu en contexte professionnel.

D’ailleurs, à la question : “Pensez vous que les tests sans intervention d’un évaluateur reflètent fidèlement le niveau et les compétences réelles des apprenants?” : plus de 60% des organismes de formation langues répondent “pas très fidèlement” ou “pas du tout” *. Or, dans certains cas, les entreprises utilisent ces tests pour faire un diagnostic de formation, former des groupes, recruter des collaborateurs ou gérer les carrières. Ces tests ne sont pas conçus pour cela, mais pour déterminer le potentiel linguistique global d’une personne et la progression en niveau suite à une formation longue”.

“Si on souhaite constater la qualité et donc l’efficacité d’une formation linguistique en termes de changement de niveau, il faut un test en début de formation et le même test en fin. Or, ce n’est pas prévu pour le CPF. Par ailleurs, si on n’utilise que la partie QCM du test, il faut au minimum 40 heures, voire bien plus, pour pouvoir constater une réelle différence. Or les formations pressenties pour le CPF prévoient entre 30 et 40 heures en moyenne. C’est donc insuffisant».

Deux parcours.

En conséquence, le cabinet d’étude estime qu’il serait préférable d’ouvrir plus largement la gamme de tests certifiants admissibles et de mettre en place deux types de parcours pour le CPF.

Premièrement : un parcours long, d’au minimum 60 heures, avec un rythme relativement intensif, dont l’objectif serait de booster le niveau général de l’apprenant en contexte professionnel, avec un test certifiant reconnu évaluant les compétences recherchées au départ et en fin de formation.

Deuxièmement : des parcours plus spécifiques, plus courts, avec une évaluation basée sur le contenu de la formation (compétences orales, compétences spécifiques, cours spécialisé « métier », etc..) au départ et à la fin.

«On pourrait, pour un objectif d’amélioration des compétences d’expression orale et écrite, n’utiliser que les parties speaking and writing de ces tests, ou pour des parcours “métier” comme l’anglais juridique ou financier, utiliser des tests certifiants reconnus comme ILEC ou ICFE, précise Andrew Wickham. Dans le cas d’objectifs où un test certifiant reconnu n’existe pas, chaque prestataire élaborerait son propre test, qui serait complété par une évaluation à chaud et à froid. Ce serait aux Opca et aux clients de déterminer le sérieux et la qualité de l’organisme, à partir de leurs critères et des retours des apprenants ».

* question posée lors de l’enquête préparatoire à la mise à jour 2015 de l’étude Linguaid sur le marché de la formation linguistique à paraitre prochainement. www.linguaid.net

Entretien effectué par Laurent Gérard Pour Entreprise & carrières, copié sur CPFormaiton avec l’autorisation d’Andrew Wickham

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