Plus que la fraude elle-même dans l’univers de la formation, c’est le système complexe et peu coordonné du contrôle qui est pointé dans le Rapport annuel de la Cour des comptes.
Dans son rapport annuel 2017, la Cour des comptes a mené une enquête sur les dispositifs de contrôle et de lutte contre la fraude dans le domaine de la formation professionnelle. Celle-ci met en lumière :
- la forte exposition du secteur au risque de fraude ;
- la faiblesse globale du nombre de contrôles et de leur portée ;
- la nécessité de construire une politique de contrôle et de lutte contre la fraude associant l’Etat et les financeurs institutionnels de la formation professionnelle.
Des irrégularités à tous les échelons dans les contrôles de formation
La formation professionnelle est exposée à des risques d’irrégularités et de fraude, outre le risque de qualité insuffisante des formations, en raison de l’importance des montants en jeu, de la multiplicité des prestataires dispensant des formations, de l’absence de régulation et de la faiblesse des contrôles.
Dans les faits, les irrégularités sont de nature très diverse et n’ont pas toutes une incidence financière : absence de comptabilité séparée, absence de règlement intérieur, publicité non conforme, etc. D’autres, en revanche, recouvrent des manœuvres frauduleuses, qui peuvent émaner des prestataires de formation, mais également des entreprises, voire des organismes paritaires agréés eux-mêmes.
Les manquements à la réglementation relevés dans le cadre des contrôles portent essentiellement sur des aspects formels (77,6 % des cas en 2014).
A noter : en 2014, les services de l’Etat ont contrôlé moins de 1 % des prestataires de formation susceptibles de l’être. De même, le pourcentage d’entreprises (0,7 %) et d’organismes paritaires agréés (5 %) contrôlés reste faible.
Pas de pilotage unifié dans les contrôles de la formation !
Il n’existe pas de pilotage unifié de l’activité de contrôle au sein des services de l’Etat, ce qui nuit grandement à l’efficacité de leur action. Les services régionaux de contrôle, auxquels incombe la mise en œuvre opérationnelle des contrôles, sont rattachés hiérarchiquement aux Direccte, alors que le pilotage de l’activité de contrôle relève au niveau national de la DGEFP. À l’heure actuelle, ce rôle se limite à l’envoi aux services régionaux de contrôle d’instructions ne comportant que des orientations générales, et qui ne constituent pas un plan de contrôle.
Une répartition géographique des moyens remise en cause
A cette absence de pilotage unifié s’ajoute une mauvaise répartition des moyens. L’Etat dispose de 152 agents affectés au contrôle des actions de formation professionnelle, essentiellement au sein des services régionaux de contrôle.
La politique de contrôle relève de la DGEFP, alors que l’attribution des moyens en personnel est déterminée par chaque Direccte. La répartition des effectifs est ainsi non seulement déconnectée des priorités d’action identifiées au niveau national, mais également des flux d’activité, qui sont concentrés sur trois points du territoire (Ile-de-France, Auvergne-Rhône Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur).
Jusqu’à présent, le dialogue de gestion entre l’administration centrale et les services déconcentrés n’a pas permis de réduire le déséquilibre observé dans l’allocation des moyens.
Ce pilotage éclaté a également pour conséquence une grande hétérogénéité des pratiques locales. Les orientations nationales sont mises en œuvre de manière différenciée et les pratiques de contrôle, sont, sur de nombreux aspects, très hétérogènes.
Il en résulte que les mêmes secteurs d’activité ne sont pas contrôlés de la même façon sur le territoire, sans que cette situation ne découle d’une appréciation objective du niveau de risque. Cette situation traduit l’absence de véritable vision stratégique des services de l’Etat, tant au niveau national que régional.
Le timide contrôle de formation des Opca
L’enquête de la Cour, qui a porté sur un échantillon de neuf Opca, a en effet constaté la faiblesse globale des contrôles et l’hétérogénéité des pratiques en matière de contrôle du service fait.
Les contrôles sur place sont par ailleurs peu nombreux et les contrôles inopinés sont quasi inexistants. Jusqu’à présent, les Opca n’ont pas non plus mis en place de véritable démarche d’analyse des risques, étape indispensable pour progresser dans le ciblage des contrôles et engager une véritable politique de lutte contre la fraude.
Quelles sont les recommandations de la Cour des Comptes ?
- A l’Etat : mettre en place une stratégie de contrôle fondée sur une programmation annuelle et une organisation plus adaptée aux enjeux ;
- A l’Etat : augmenter le nombre de contrôles sur les Opca et les Opacif et mener une démarche d’audit des procédures de contrôles internes de ces organismes ;
- A l’Etat : autoriser les Direccte à prononcer, sur un fondement législatif, des sanctions administratives et financières en cas de manquement aux obligations imposées par le code du travail ;
- Aux organismes paritaires agréés : définir une stratégie et des processus internes de contrôle à la hauteur des risques identifiés ;
- A l’Etat et aux organismes paritaires agréés : préciser, dans les conventions d’objectifs et de moyens conclues entre l’Etat et les organismes paritaires agréés, les obligations incombant à ces derniers en matière de contrôle des actions de formation et augmenter, au sein de l’enveloppe des frais de gestion, la part des dépenses consacrées au contrôle et à la lutte contre la fraude.
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