A l’initiative de Défi métiers et à l’issue de la rencontre sur le CPF du 10 février dernier, un certain nombre d’organismes de formation ont été invités le 14 avril dernier à participer à un temps d’échanges.
Le but de cette matinée de partage était est de permettre à Défi métiers de mieux connaître l’impact de la réforme professionnelle sur les organismes de formation.

Compte rendu de réunion du 14 février 2015 – Défi métiers
Étaient présents :
- Gisèle Béauce, Consultant Formateur chez Coopaname
- Emmanuel Lefebvre, Directeur du Développement institutionnel chez Télélangue
- Arnaud Portanelli et Guillaume le Dieu de Ville, Co-fondateurs de l’organisme de formation LINGUEO et Animateurs du site CPFormation
- Louis Ait-Hamouda, Formateur indépendant. Remise à niveau pour des publics de bas niveau de qualification
Une atmosphère particulière régnait dans la pièce ou plutôt un sentiment partagé : Comment en étions-nous arrivés à échanger sur les répercussions catastrophiques de la réforme ? Chacun a pu faire part de son analyse des conséquences de la réforme sur le fonctionnement et l’avenir des organismes de formation.
Le rôle de l’organisme de formation
Le Compte Personnel Formation place le titulaire au cœur de la réforme (c’est une très bonne chose) et fait intervenir l’OF en bout de chaîne, bien après le CEP (OPCACIF, Pôle emploi…), l’OPCA ou encore les RH. Mais la réalité est toute autre. Nous sommes en première ligne. En effet, il est logique qu’un titulaire vienne voir les organismes l’intéressant avant même l’ouverture d’un dossier.
notre instinct de survie et notre expérience de ces problèmes nous amènent à prendre les choses en main
Dans les faits, notre instinct de survie et notre expérience de ces problèmes nous amènent à prendre les choses en main. En effet, le nouvel accroissement de la lourdeur du dispositif n’est que la dérive supplémentaire d’une situation qui est la nôtre depuis longtemps et qui atteint aujourd’hui un tel niveau que le système risque de se bloquer complètement.
Les OPCA nous donnent le sentiment d’être dépassés !
Devant le marasme et l’immobilisme ambiant nous jouons notre rôle conseil et de prescripteur mais également celui de pédagogue en expliquant et accompagnant le titulaire dans l’ensemble du processus de validation de dossier. Les procédures prennent des heures pour chaque client. Nous servons également d’interface avec les OPCA (durée moyenne d’attente pour les joindre : 30 minutes) et n’avons que très peu d’informations de leur part. Ils nous donnent le sentiment d’être dépassés !
En matière de choc de simplification, la réforme n’est pas vraiment au point.
Et que l’on ne nous fasse pas croire que la création du CEP va régler le problème. Si les millions de titulaires veulent faire valoir leurs droits (et c’est quand même le but affiché de la réforme), il n’y aura jamais assez de CEP (qui pourrait les payer?) pour accompagner chacun dans ces méandres administratifs. Et nous ne parlons même pas des publics de bas niveau de qualification, pourtant ciblés en priorité par la réforme. La réalité est que les quelques CEP actuellement à l’œuvre se tournent eux-mêmes vers les organismes de formation pour comprendre la réforme et savoir comment procéder.
Sans forcer le trait, nous pourrions dire que nous sommes commerciaux, accompagnateurs, chargés de compte administratif, financeurs (cf. l’immobilisme qui tue le secteur un peu plus bas). Pourquoi ne pas nous laisser faire correctement notre métier : FORMER !!
Réunion Défi métiers : l’immobilisme qui tue un secteur
La subrogation est une pratique répandue pour les organismes de formations. Avec le Compte Personnel Formation, elle est systématique. Avance de trésorerie sur de longues périodes, dossier validés au compte-gouttes, course aux paiements (multi-financeur), les répercussions sont catastrophiques pour le secteur.
Les prochains mois s’annoncent meurtriers
La facturation et le paiement en subrogation fait que le premier trimestre n’a connu qu’une « baisse de 30% » de chiffre d’affaires car elle concerne en grande partie les formations de 2014. Les prochains mois s’annoncent meurtriers…
La diminution du financement
Lorsqu’on observe le faible nombre de dossiers CPF validés (un peu plus de 400 à ce jour), on imagine très bien que les caisses des OPCAS sont pleines. Cependant, à moyen terme, la diminution du taux de contribution est inquiétante. Son impact sur la mutualisation et donc sur la formation (titulaire et ensemble du secteur) risque d’être lourd de conséquences.
Modularité
Dans sa vision professionnalisante, la réforme se veut diplômante ou certifiante. La majorité des formations de 24H (crédit CPF annuel) n’aboutit pas une « reconnaissance ». C’est pourquoi il a été demandé à ce que chaque formation soit découpée en modules, qui cumulés (sur des années) permettent l’obtention d’un diplôme ou d’une certification. Ceci est une aberration pour au moins deux raisons.
- La modularisation ne s’applique pas à toutes les formes de pédagogie et à toutes les matières.
- Elle demande un travail de refonte du système pédagogique de chacun colossale. Cela prendrait des années (pour des formations pas forcément pérennes). Pourtant cette modularisation a été demandée du jour au lendemain, encore une fois sans consultation.
La Qualité, seconde vague du Tsunami
Pour être éligible une formation devra être dispensée par un organisme remplissant différents critères de qualité. (iso, nf, opqf). Cette condition devrait s’appliquer en 2016. Ce critère est à priori une bonne nouvelle même si on peut s’interroger sur le gage de qualité que représentent ces labels certifications.
En effet, ils ne testent en aucun cas la qualité du service mais ils se basent sur les retours des clients sélectionnés par les organismes de formation.
Ces certifications ajouteront également un nouveau coût pour les organismes de formation.
De plus les certifications les plus reconnus demandent deux ans d’activité avant d’être obtenus. Cela rendrait l’arrivée de nouveaux acteurs tout simplement impossible. On construit une nouvelle rente alors que l’air du temps prétend lutter contre.
Echange Défi métiers, le mot de la fin : sentiment d’impuissance et d’indifférence
La formation professionnelle est rappelons-le dispensée par les organismes de formation. Seulement la réforme est décidée par les partenaires sociaux où les OF ne sont que trop peu représentés. Une réforme de ce type aurait été impensable si nous avions été consultés.
Conséquences sont dramatiques et le redressement s’annonce difficile.
Nous sommes confrontés encore une fois à un décalage trop important entre la volonté politique (son calendrier électoral) et la réalité opérationnelle. Les conséquences sont dramatiques et le redressement s’annonce difficile.
Co-écrit par les représentants des organismes de formations présents
La première collecte relative au CPF n’étant due- sauf demande d’acompte- qu’en février 2016, il n’est guère justifié d’écrire qu’ “on imagine très bien que les caisses des OPCAS sont pleines”.
Effectivement la première collecte du CPF sera faite l’année prochaine.
Celle de 2015 a été faite sur les bases du DIF (contribution plus élevée que pour le CPF) et comme le nombre de dossiers validé est passé de 50k-60K par mois à quelques centaines depuis le début de l’année la trésorerie des organismes paritaires devrait être très positive (Logique comptable 🙂 ).
Encore une fois, c’est un sentiment partagé par les OF.
Navré de porter la contradiction mais:
– le DIF n’avait pas de collecte dédiée (le “DIF prioritaire” et le “DIF portable” émargeaient aux fonds de la “professionnalisation” au même titre que les contrats et périodes de professionnalisation et la POE
– la collecte 2015 (assise sur les masses salariales 2014) a servi à couvrir les engagements pris tout au long de l’année civile 2015. Elle n’est donc aujourd’hui plus disponible pour couvrir les accords de prise en charge à donner au titre du CPF.
Cordialement
Pour vous, la transition équivaut à une année sans financement ? Merci de nous éclairer plus précisément sur la question !
Non, fort heureusement la transition n’équivaut pas à une année sans financement !
Simplement, les OPCA doivent estimer au plus juste les sommes qu’ils percevront en février 2016 au titre de la fraction CPF de la “contribution unique de 1%” (soit 0,2% de la masse salariale 2015). Ce sont ces fonds qui couvriront les engagements qu’ils auront pris tout de long de l’année 2015 au titre du CPF.
La difficulté de l’exercice vient notamment du fait que les entreprises peuvent décider jusqu’au 31/12/2015 de conclure un accord collectif prévoyant une gestion internalisée du CPF pour une période de trois ans incluant l’année 2015 (et donc de ne pas verser le “0,2% CPF” à leur OPCA).
Dans l’intervalle, les “caisses CPF des OPCAS” resteront vides -sauf si les OPCA demandent à leurs adhérents un acompte provisionnel CPF en cours d’année 2015- et les paiements à effectuer durant cette période ne pourront être faits qu’à partir de la trésorerie des autres dispositifs qu’ils gèrent (“Plan de formation”, “Professionnalisation”, “Contribution conventionnelle supplémentaire”) ou par recours à l’emprunt bancaire.
Effectivement, l’estimation dans ces conditions est plus difficile mais j’imagine que la réforme n’a pas été faite pour bloquer une année de financement entière. De plus, quelque 75 millions d’heures de DIF avaient été transférées début mars selon le COPANEF et le ministère du travail. Cela devrait équilibrer les choses.
Si vous êtes d’accord je vous propose de co-écrire un article au sujet de l’impact de la réforme sur les OPCA. Qu’en pensez-vous ?
1/ En effet la réforme n’a pas été faite pour bloquer une année de financement entière : il convient toutefois que les conseils d’administration de chaque OPCA se positionnent avec diligence sur les lignes budgétaires qu’ils entendent dédier au CPF (et sur leurs modalités de prise en charge). Certains étaient en ordre de marche dès la fin 2014. Idem pour les FONGECIF même si leur problématique est un tantinet différente.
2/ Les effets engendrés par le fait que “quelque 75 millions d’heures de DIF avaient été transférées début mars selon le COPANEF et le ministère du travail” sont purement cosmétiques et n’ont aucune incidence positive sur la question du financement du CPF.
3/ Le sujet de l’impact de la réforme sur les OPCA mériterait à lui seul un ouvrage entier car la question du CPF n’en est qu’une modeste partie. Des pistes de réflexion pertinentes sont à trouver dans les chroniques diffusées régulièrement par J-P Willems (willemsconsultants.hautetfort.com ) et J-M Luttringer (www.jml-conseil.fr).
Bonjour,
Sur la qualité, les informations présentées sont inexactes.
D’abord, parler de label qualité n’a pas de sens. Je n’en connais pas.
En revanche, il existe des CERTIFICATIONS QUALITE. Il y a 5 offres en France pour la formation professionnelle. Deux certifications basées sur des normes ISO (9001 et 29990). Une certication AFNOR NF Services Formation. L’ISQ OPQF. L’ICPF & PSI (pour les professionnels). Ces certifications devront figurer sur la liste qui sera publiée en 2016.
Il faut entre 1 mois et 8 mois aujourd’hui pour les obtenir.
Bonne chance à tous !
Merci nous avons remplacé “LABEL” par “CERTIFICATIONS”. Plusieurs articles sont en cours de rédaction pour rentrer dans le détail.
Bien à vous,
Tout cela est certes fort instructif.
Mais pendant qu’on palabre sur les chiffres, au cours de l’année 2015 bon nombre d’organismes risquent de sombrer, en particulier dans des secteurs comme les langues ou la bureautique, et leurs formateurs se retrouver à Pole Emploi. En tout cas ceux qui avaient la chance d’être salariés. Parce que depuis 3 ans, beaucoup de formateurs ont été encouragés à devenir auto entrepreneurs.
Aujourd’hui, avec une baisse moyenne de chiffre d’affaires de 25% , les organismes commencent à préparer des plans sociaux et ont tendance à faire travailler leurs propres salariés et à ne pas renouveler les commandes des formateurs externes. Ils se trouvent donc sans revenu ni indemnités chômage, auquel ils n’ont pas droit.
Le bénéfice net moyen des organismes de formation linguistique était fin 2013 inférieur à 2% de leur CA (ce qui veut dire qu’entre 30 et 40% étaient en perte). Par ailleurs, leur trésorerie est fragile, grevée par des délais de plus en plus longs entre facturation et encaissement, dus en grande partie au fonctionnement des OPCA et aux services d’achat des entreprises. Comme beaucoup recourent au crédit pour assurer leurs salaires et charges et que les établissements financiers ont réduit le crédit à ce secteur, on peut s’attendre à une année de destructions d’emplois et de défaillance d’organismes, avec tout ce que cela entraîne en termes de drames personnels et humains.
Je voudrais savoir si les pouvoirs publics et les partenaires sociaux ont bien pris la mesure de la correction brutale qu’ils sont en train d’infliger au secteur de la formation et à ses salariés, sans lui accorder un temps d’ajustement et sans la moindre mesure d’accompagnement?
Pour essayer de simplifier les propos ci-dessus, peut-on dire que les OPCAs ne sachant pas ce qu’ils percevront en 2016, prennent certaines dispositions depuis le début de l’année qui tendent à réduire pour ne pas dire bloquer totalement le financement de formations via CPF?
Car si les OF (dont je fais partie….pour l’instant) jouent tous les rôles comme exposé ci-dessus, et si, par un coup de chance, réussissent à construire un projet CPF, les OPCAs représentent l’ultime barrière qui jusqu’à présent reste close! Résultat des courses, beaucoup d’énergie et de temps pour rien. Nous devons (les OF) accompagner les porteurs de projet CPF, mais si nous savons que rien ne sera valider, nous allons vite perdre confiance…si ce n’est déjà fait. C’est une note assez pessimiste mais elle reflète bien l’état d’esprit des OF.
@Isabelle
Non, pas du tout: il est erroné de dire que les OPCA “prennent certaines dispositions depuis le début de l’année qui tendent à réduire pour ne pas dire bloquer totalement le financement de formations via CPF”.
Des lignes financières significatives et ambitieuses ont été allouées au CPF dans la très grande majorité des OPCA.
Il y a plutôt un manque de dossiers à financer le choix des certifications demeurant incomplets et l’information “grand public” sur le CPF encore à parfaire !
De plus, la plupart des dossiers transmis aux OPCA se révèlent en définitive réglementairement non éligibles.
Gerland
Comme vous semblez bien informé sur ce dossier, je voudrais vous poser une ou deux questions, si vous le voulez bien :
1) le fait que “la plupart des dossiers transmis aux OPCA se révèlent en définitive réglementairement non éligibles” est-ce du à la procédure trop complexe de soumission, qui désoriente les demandeurs, ou plutôt aux critères d’éligibilité, trop limitatifs?
2) Il y avait en mars, 25.000 dossiers soumis sur moncompteformation. Selon les dernières nouvelles, on est à 600 dossiers validés par les OPCA depuis le début de l’année (comparé à plus de 100.000 DIF en 2014 sur la même période), dont sans doute la très grande majorité venant des entreprises.
Vu la complexité des dossiers CPF et la lenteur de la mise en route du système, combien de validations pensez-vous qu’il y aura en 2015, par rapport aux 6 à 700.000 DIF en 2014 ,?
@Andrew Wickham
1- Cela tient aussi au fait que le message a longtemps été que le CPF succédait au DIF et que les salariés et les employeurs n’ont pas réalisé les ruptures opérées (pour faire simple, les dossiers reçus pendant les premières semaines étaient des dossiers initiés sous l’empire du DIF et sommairement repackagé en mode CPF).
2- Il serait plus légitime de comparer cela avec ce qui est un peu plus comparable c’est à dire avec l’état du déploiement du DIF un an après sa mise en place.
PS: Je trouve tout de même singulier que le DIF, hier voué aux gémonies, se trouve aujourd’hui paré de toutes les vertus…
Le DIF était le seul dispositif simple, accessible et utile pour développer la formation en France, notamment vers les moins qualifiés. Le CPF n’a jamais été un dispositif de formation, juste un réceptacle d’heures de formation censé suivre le travailleur tout au long de sa vie professionnelle. Cette réforme fait donc régresser la formation en France d’une vingtaine d’années. Il semblerait qu’on s’oriente désormais vers sa possible remise en cause durant l’été (report en 2017 ou 2018). A cette occasion pourquoi ne pas réhabiliter le DIF (qui perdure pour de nombreuses années dans le secteur public).
Je tiens d’un OF qui s’est fait contrôlé l’an dernier par la Direccte que les ordres officieux sont de faire plonger 90 % des OF privés en France. Ne resterait que 5 à 6 000 OF privés et les Français pourraient se prendre pour des allemands (sans les facultés d’adaptation ni l’intelligence administrative).
Je confirme ces chiffres…
Sincèrement nous devons demander des comptes a la Ffp qui a négocié a son avantage cette reforme. Ses membres sont majoritairement opqf. Ils participent a l’élimination des petits of non membres. Le seul point d’achoppement que la ffp rencontre est que ses fameux cp ffp (formations courtes montées en cycle certifiant) ne sont pour l’instant pas éligibles au cpf. La ffp demande a ses adhérents de reecrire les référentiels et ca devrait passer…
Bonjour,
Bravo pour cette initiative qui formalise votre point de vue !
Suite au Rendez-vous de la Formation et de l’Orientation organisé par Défi métiers le 10 février consacré à la mise en place du CPF en Ile-de-France, il nous est apparu intéressant de mieux appréhender/comprendre l’impact de récente réforme professionnelle du 5 mars 2014 du point de vue des organismes de formation. Défi métiers a donc organisé des réunions d’échanges donnant ainsi aux OF l’occasion de partager ou confronter leurs points de vue. Ceux-ci ont porté notamment sur le CPF – sa difficulté de mise en œuvre,son financement, les listes éligibles – mais aussi sur les perspectives et les adaptations métier, conséquences de la réforme (les stratégies envisagées, les compétences métier à renforcer, voire à acquérir). Si l’intention du législateur de placer la personne au centre du système est saluée, le calendrier de mise en œuvre du CPF semble inadapté et comporter certains risques, en particulier celui de provoquer un effet inverse à celui recherché, à savoir moins d’actions de formation réalisées et donc moins de personnes ayant accès à la formation”
Défi métiers, dans son rôle d’intermédiation entre les acteurs de la formation professionnelle en Ile-de-France établira un document d’analyse à partir de ces échanges, document qui alimentera la réflexion des décideurs publics.
Nous poursuivons le travail d’analyse au côté des organismes de formation comme ils poursuivent avec nous l’alimentation de la banque régionale de l’offre de formation Dokélio Ile-de-France qui permet chaque jour aux Franciliens de trouver une formation et retrouver le chemin de l’emploi.
Michelle Bourdier, directrice de projet Informer/Communiquer