CPME : Entretien avec Marie Dupuis-Courtes, Vice-présidente en charge de l’Education et la Formation et Eric Chevée, Vice-président en charge des Affaires sociales

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Marie Dupuis-Courtes, Vice-présidente en charge de l’Education et la Formation (CPME) et Eric Chevée, Vice-président en charge des Affaires sociales (CPME) ont répondu à nos questions sur le Plan d’adaptation de la politique de compétences à venir.

Marie Dupuis-Courtes, quel bilan tirez-vous de la gestion du télétravail et du chômage partiel par les entreprises durant la crise ?


Eric CHEVEE : Les entreprises n’ont eu d’autre choix que de s’adapter au confinement, pour certaines avec la mise en place ou le développement du télétravail ou encore par la digitalisation de leurs activités (ex : vente à emporter en ligne dans les restaurants ou « click and collect » pour certains commerces). Ces nouveaux modes de travail ont été indispensables à la poursuite économique de l’activité, et induisent aussi des nouveaux enjeux en matière de formation professionnelle.

Par ailleurs, le dispositif d’activité partielle a permis de sécuriser les entreprises en baisse d’activité ou dans l’impossibilité d’accueillir du public. Toutefois, pour les TPE/PME, les dispositifs n’étaient pas adaptés (ex : flou quant à la
nécessité d’un accord collectif ou d’une consultation du CSE pour les TPE sans représentants du personnel notamment pour la modification des dates de congés ou de l’individualisation de l’activité partielle).

La prise en charge par l’Etat au « réel », même plafonnée, des indemnités d’activité partielle versées aux salariés semble davantage répondre au but premier de l’activité partielle : permettre aux entreprises de limiter le recours au licenciement économique. Toutefois, cela peut conduire à retarder des licenciements dans des entreprises en grande difficulté indépendamment de cette crise.
L’activité permet à une entreprise de rebondir dès lors que son modèle économique reste pérenne.

Que pensez-vous du dispositif FNE mis en place durant la crise et perdurant pour certains secteurs d’activités aujourd’hui ?

Marie DUPUIS-COURTES : Le dispositif FNE est un bon dispositif, et son aménagement pendant la crise était une bonne réponse. Cependant certaines entreprises ont eu des difficultés à trouver le bon interlocuteur (DIRECCTE et OPCO) pendant cette période de télétravail et de service minimum, et ont finalement abandonné leur projet de formation. Je
pense qu’il est nécessaire de prolonger ce dispositif qui pourrait s’avérer très utile dans les mois de crise à venir. La CPME est favorable à tous les dispositifs qui permettent de former plutôt que licencier. Par ailleurs, suite aux adaptations importantes que les entreprises ont dû mettre en place ces derniers mois pour travailler différemment, les besoins en évolution des compétences sont essentiels afin de faciliter l’agilité des entreprises pour intégrer les évolutions numériques.

entretien-CPME
Marie Dupuis-Courtes CPME

Un plan d’adaptation de la politique de compétences et de la formation professionnelle sera discuté dans les prochaines semaines. Quelles sont vos attentes et propositions pour ce plan ?

Marie DUPUIS-COURTES : Il faut avant tout un plan COHERENT et non pas une succession de mesures. Un plan qui apporte des réponses aux différents publics en danger. Les jeunes qui rentrent sur le marché du travail, les collaborateurs de nos entreprises pour les accompagner dans de nouvelles compétences pour surmonter la crise, pour les former plutôt que d’être obligés de les licencier, pour accompagner les publics en fin de carrière.

Mme Dupuis-Courtes, Souhaitez-vous une réorientation du plan d’investissement dans les compétences ? Si oui, qu’en attendez-vous ?

Marie DUPUIS-COURTES : OUI, très clairement. Investir dans les compétences ne peut pas se réduire à la cible des demandeurs d’emploi. L’élargissement des publics est absolument nécessaire. Et c’est sur les PRIC que nous espérons pouvoir trouver un relais. Chaque territoire, chaque région a ses spécificités économiques. Les Régions sont les plus à même de cibler les secteurs les plus prioritaires pour soutenir et relancer les économies et emplois locaux.

Avec la mise en place du télétravail, la transition numérique a été au coeur des pratiques numériques des entreprises. Comment accompagner les salariés dans cette montée en compétences ?

Marie DUPUIS-COURTES : Le numérique ne se réduit pas au télétravail, même pour les entreprises qui n’étaient pas en télétravail, elles ont eu recours à des outils numériques. Beaucoup de commerçants ont mis en place dans l’urgence des systèmes de commandes via leur site Internet et donc ont déployé des outils de digitalisation. Je pense que le numérique doit être intégré aux apprentissages dès le plus jeune âge, et l’école doit être le premier contact avec ces outils. Après les besoins sont complètement différents d’un métier ou d’un secteur à l’autre. Je crois que l’enjeu pour les pratiques numériques doit être pensé et réfléchi au niveau des branches professionnelles. Il faudrait intégrer un bloc de
compétences sur les outils numériques dans chaque certification.

Pour ce qui est de la crise du COVID, elle doit permettre aux entreprises de faire un bilan de leur usage et de d’appréhender la manière de simplifier et de fluidifier les échanges au sein des équipes.

Muriel Pénicaud a déclaré “ Il faut permettre à chacun d’utiliser cette période difficile comme une occasion de rebond, [et] développer les compétences nécessaires demain en matière numérique, en matière de transition écologique, en matière d’aide aux personnes”. Quelles mesures pourraient contribuer au retour à l’emploi des demandeurs d’emploi, selon vous Mme Marie Dupuis-Courtes ?

Marie DUPUIS-COURTES : Il n’y aura pas de retour à l’emploi massif, sans activité pour les entreprises. La priorité d’une entreprise est de sauvegarder ses emplois, recruter les éventuels jeunes qu’elle a formés, en former de nouveaux, recruter des collaborateurs déjà compétents sur le marché du travail et, seulement en dernier recours, recruter un
demandeur d’emploi, sur lequel elle sait souvent qu’elle va devoir consacrer plus de temps à son intégration et à sa formation interne. Ça peut paraître dur mais c’est souvent le raisonnement. Donc les meilleures mesures sont celles qui permettent de relancer massivement l’économie. Je pense aussi qu’il y a un travail important de valorisation des
métiers à développer. Cette crise a mis en valeur la nécessité de métiers trop souvent décriés ou peu valorisés : je pense à tous les métiers de bouche, les commerces, les métiers de la propreté, d’aide à la personne qui ont permis à la France de continuer à vivre. Ces métiers doivent retrouver leur pouvoir d’attractivité pour que des personnes, aujourd’hui
éloignées de l’emploi, puissent se sentir utiles à la Nation.

Quelle place pour le CPF dans la transformation attendue des compétences et dans cette période de relance économique ? Mme. Marie Dupuis-Courtes, Etes-vous favorable à un abondement spécifique du CPF en cohérence avec le plan de
relance économique ?

Marie DUPUIS-COURTES : Nous sommes à une période décisive avec une crise majeure pour l’emploi, nous sommes favorables aux dispositifs qui permettront aux entreprises et aux collaborateurs d’entreprises d’acquérir de nouvelles compétences pour préparer la reprise et l’avenir, en évitant bien évidemment de nouvelles charges qui pourraient peser sur les entreprises. Mais je pense qu’il faut être vigilant sur la multiplication des dispositifs spécifiques. Le développement des compétences doit être pensé dans un grand plan global où tous les dispositifs de formation ont leur place. Il faut surtout de la COHERENCE dans le plan global. Nous avons un organe de Régulation, France Compétences, dont les missions sont, entre autres de :

  • financer et répartir,
  • réguler et contrôler.

Je pense que le travail de cohérence devrait se poser au sein de cette autorité où siègent l’Etat, les partenaires sociaux et les Régions de France ; mais malheureusement malgré les demandes répétées des administrateurs, cette démarche n’est pas engagée.

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